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C'est beau ...
#1
[Introduction]

Il est 18h30. Heure anodine, moment d'inspiration pour des milliers de gens, qui, amorphes par une dure journée de labeur, décident de retrouver leurs pénates, par le moyen de transport qui correspond à leur situation géographique mais souvent aussi leurs moyens financiers voire logistiques. Cette information, à l'apparence si inutile, a le mérite pourtant de donner une information capitale: nous sommes en soirée. Et ça, c'est vachement important. Une autre information, plus annexe celle là, semble ajouter que l'auteur de ces quelques lignes est vraiment tordu pour expliquer qu'il est le soir, bordel de merde.

Que manque t il à tout cela ? Un jour et un lieu, sans doute. Concentrons nous donc sur cette information: la ville semble assez polluée, sans doute une grande cité, du moins suffisamment industrialisée pour perturber les prévisions météo locales. Quant à la journée, probablement en début d'année, si l'en on croit les vêtements fièrement présentés sur la devanture des magasins à la mode (non, pas la tektonik).

Et c'est dans ce contexte que nous allons mettre en scène notre personnage. A moins qu'il y en aie plusieurs, mais ne nous égarons pas. Du moins pas tout de suite. Le personnage en question, vu de loin, est tout à fait commun. Comme n'importe qui vu de loin quand on y réfléchit. Soyons moins stupides (ou moins discrets, tout dépend du point de vue), et rapprochons nous.

bruit de la camera qui se rapproche

Voila ... parfait ! On ne bouge plus. Regardons à nouveau. Bon ok, c'est une femme. Il en fallu du temps pour voir qu'elle avait une robe, t'as vraiment de la merde dans les yeux, ma parole. Ou alors tu reviens du boulot également, et t'es aussi en forme qu'un escargot laissé quelques heures au soleil. Quoique la comparaison n'est peut être pas si bonne que ça, souvenez vous de Tchernobyl ... Bref. Quoi d'autre ? Elle regarde quelque chose ! Ca nous fait une belle jambe. Et si le narrateur arrêtait de nous filer les informations au compte goutte ?

Changeons donc de style.

C'est par une brumeuse soirée de printemps, dans une grande ville fort active en ce moment de la journée, qu'une jeune femme tout à fait commune se tient devant un magasin à la mode. Elle semble contempler avec curiosité certains apparats, mais visiblement le prix doit la rebuter. Soupirant, elle recoiffe ses cheveux, et dans un dernier espoir décide de faire le premier pas.

Bonjour, puis je vous aider ?

- Bien sûr, je souhaiterais ...


le contenu de ta caisse, et que ça saute.


Avant de sortir un cutter de sa poche. Inattendu, mais de plus en plus prévisible en cette période de disette. Ou alors on a mal vu, mal entendu ? Concentrons nous un peu mieux, et repassons la scène au ralenti.

Bonjour, puis je vous aider ?

- Bien sûr, je voudrais ...


"Le con tient bon dans sa caisse, ça va sauter !"
dit une voix de femme juste à côté. Sacré télévision. Faut vraiment pas avoir de bol aussi pour avoir une voix aussi proche. Ou avoir de la merde dans les oreilles pour comprendre n'importe quoi.

Et le cutter ? Rien du tout. La femme sortait juste ses mains de ses poches, il fait un peu froid dehors. Le vendeur semble l'orienter vers des polaires d'ailleurs. Allons nous pousser le voyourisme ? Non bien sûr, allons ailleurs. Mais pourquoi s'être attardé sur elle alors ?

Parce que. De toutes façons vous finirez bien par savoir.
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#2
Un léger rayon de soleil vient taper sur une vitre, effet cinématographique pour attirer l'oeil vers ce lieu de perdition: une salle de jeux en réseau. Elle est pleine à craquer comme à son habitude, et les pauvres hères lobotomisés devant leur écran semblent tous en harmonie avec ce bout de plastique facturé 10E de l'heure. Soudain une coupure de courant.

"Catastrophe, j'ai perdu mon set violet ! STFU j'allais nuker l'autre n00b, je suis pawn3d !"

C'est à peu près le genre de discours qu'on pourrait entendre en ce lieu. Mais épargnons nos délicates oreilles déjà fort amoindries, si l'en on croit vos hallucination avec la demoiselle de tout à l'heure. En parlant de celle là (comment ça une obsession ?), que fait elle à présent ?

La camera commence à faire un panoramique, avant de s'arrêter sur un arrêt de bus. Zoom vers la cible. Zoom très important jusqu'à ...

Euh non, recule là, c'est indécent.

Mieux. Le bus arrive, et notre amie y monte. Allons nous oser prendre le même bus ? Bien sûr que oui, nous y sommes déjà, à moins que ce ne soit notre envoyé spécial en filature qui aie anticipé ma demande. Passons lui le relais.

"Mesdames et messieurs, c'est extraordinaire, j'y suis, j'ai réussi. La dame de tout à l'heure se trouve à seulement quelques rangées de moi, c'est intenable, je serais tenté d'aller la voir de plus près mais ça serait suspect, donc je reste sur mon siège. Y'a une vieille bique qui me regarde, si ça continue je vais lui filer un coup de boule.

- Euh tu te rappelles que tu es à l'antenne en direct ?

- On effacera au montage t'inquiète. Bon on est rendus où. Ah oui, la donzelle. Mate moi ce ... Ok ok je me calme. Attention elle a appuyé sur un bouton ! Magnifique ! Le bouton évidemment. Nous allons donc sortir au prochain arrêt, j'en frémis d'impatience. Quel moment mesdames et messieurs, quel moment !"

Heureusement que nous avons une voiture pour suivre. Cela nous permettra de nous affranchir de ce sympathique camarade. C'est pas qu'il est méchant, mais ... ah merde j'avais oublié. On coupera aussi ça.

- T'es en direct ducon.

- On coupera quand même. Tu saisis, ou tu veux que je te fasse un dessin ? Purée ces anges, il faut tout leur expliquer. Donc. Elle vient de sortir. Continuons notre reportage sur la ville.

- Ca ressemble de plus en plus à du voyourisme ...

- Tout de suite l'autre ... Bon d'accord si t'insistes, on passe à la suite. Oh, une crotte de chien. Quel charme dans la ville, si commun, si répandu, si ...

Bon ok ok j'arrête. Non pas sur la tête. AIE ! Mais putain ça va pas non ? Mais AIEEE

ARRETE CA BORDEL ! AIE AIE AIE

* PLOP *

Ces agents de Didier, mais quels boulets je vous jure. Pas fichus de faire leur boulot sans divaguer. C'est à peu près ce que pensa le cameraman lorsqu'il tenta d'utiliser son appareil d'une manière non conventionnelle. Il allait probablement se prendre un blâme mais il en avait rien à foutre. Ca lui avait calmé les nerfs, et à court terme c'était quelque chose de BIEN.

Bien entendu, ça n'était pas discret. Il allait falloir encore déballer l'artillerie lourde, et la demoiselle, qui avait fini par les remarquer, était furieuse. Mais elle ne s'approcha pas. A la place elle allait probablement faire un joli rapport de derrière les fagots, du moins c'est que pensa l'ange de Daniel, qui fit un regard menaçant aux gens qui regardaient médusés l'ancien emplacement d'un journaliste un peu grande gueule. Oui, ça allait sûrement chier pour son grade.


(à suivre.)
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#3
Plus tard

La jeune femme regardait lascivement le coucher de soleil qui laissait mourir ses derniers rayons de lumière sur la plaine à peine verdie par les premiers jours de printemps. Elle attendit encore un peu dans la pénombre, cherchant les première étoiles, puis consulta machinalement sa montre: 20h30. Tournant sur ses talons aiguilles dans un léger virevoltement qui aurait pu aiguiser la curiosité de nos anciens reporters quand à la nature de ses sous vêtements, elle reprit la route dans son véhicule de location.

Comme à chaque fois qu'elle montait dans cette voiture de seconde main, elle lissa avec précaution sa jupe courte avant de se repositionner sur le siège, vérifia que ses cheveux ne fussent pas emmêlés par le vent au moyen d'un coup d'oeil dans le rétroviseur, puis d'un geste souple enclencha la première vitesse et actionna le démarreur. Le moteur démarra dans un léger vrombissement et elle quitta le bas côté pour continuer vers sa destination, visiblement peu gênée par l'obscurité. La voie était peu encombrée et la tenue de route de son 4 places était suffisamment convaincante pour faire encore quelques heures de trajet. Le plein d'essence avait également été fait.

Le Sud. 700 Kilomètres, une paille. La carte routière avait été annotée avec précision, les travaux anticipés dans le moindre patelin, les bouchons évités au moyen de savantes estimations en fonction des heures de pointe et des itinéraires pendulaires. Cela avait quelque peu allongé le chemin mais elle y gagnait en temps, au final. La bourgade visée est au milieu de nulle part, à croire qu'elle va y faire de l'humanitaire, mais laissons les suppositions de côté et restons en aux faits: observons là encore et encore (non ce n'est pas du vice, voyons ! Il s'agit simplement d'un sujet d'étude pris dans la moyenne de la population, à savoir une au milieu de tous).

Immac sur Sable. 4500 habitants, cosmopolite, moins de 10% de population active, criminalité supérieure à 35%, chômage de 55%. Un Maire qui veille au grain pour améliorer les conditions de tous, même si visiblement ces derniers semblent moins mécontents que la moyenne malgré des taux à déclencher une révolution dans n'importe quel autre endroit. Bizarre, mais un habitant du coin se contenterait de hausser les épaules face à une telle question.

Regard vers un arrêt de bus, panoramique jusqu'à la mairie, coup d'oeil léger au parc, avec sa forêt, ses cabanons, ses incendies ...

Incendies ? J'ai du mal voir. Reprenons.

Elle débarque comme prévu au point de rendez vous qu'on lui a fixé. Normal. On l'a également prévenue, qu'une fois là bas, nettoyage en règle de sa mémoire, ceci est un pénitencier, vous récupérerez vos affaires une fois sortie, bon courage, etc. Elle s'y est préparée, de toutes façons ce n'est peut être pas la première fois, qu'importe. Elle connaît plein d'autres dans sa situation. Il parait que certains anges ont pété un plomb ici bas, il y a eu départs précipités, dépressions, dégradations, transferts, même parmi les supérieurs les plus intransigeants. Même des renégats ! Décidément, il allait falloir regarder où mettre les pieds.

Comment je sais ça ? Euh ... zut, c'est classé confidentiel. Oui oui, je vais effacer ça du rapport. Comment ça seulement dans la version officielle ? D'accord. J'en étais où moi déjà ? Ah oui.

Donc j'étais toujours en train de m...monter mon rapport d'observation sur une personne prise totalement au hasard chez les ... enfin totalement au hasard quoi, et par chance il semblerait que j'ai trouvé un ange, ah ah, la vie est bien faite ... hum hum, comment ça personne n'y croit ? Tans pis. Non, pas de nom. Pas la peine d'insister.

Ce n'est même pas sûr qu'elle soit officiellement affectée. Après tout, peut être même qu'elle n'existe pas, qui sait ?

Qui sait ?
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