11-14-2007, 11:46 AM
Les dernières notes d’une mélodie s’éteignirent et Abigail, nouvellement rendue à elle-même, ouvrit des yeux étonnés sur les environs.
Elle n’était plus à Immac. Les façades des bâtiments étaient noircies par les gaz d’échappement lorsqu’elles ne tombaient pas en ruine, révélant des briques d’un rouge agressif. Gonflé par une pluie grasse, un filet boueux dégorgeait du caniveau pour s’insinuer dans le réseau de craquelures sillonnant la route. Une odeur âcre de fumée et de transpiration infiltrait les narines, irritait les yeux, enflammait la gorge. Plus haut, par la fenêtre brisée d’une chambre qui avait peut-être jadis appartenue à un hôtel, s’échappaient les cris rauques de deux hommes en plein coït.
Le pas incertain, le regard embrumé, Abigail essayait d’évaluer la situation. Elle avait connu pire. Au revers d’une ruelle, une chatte pelée laissait échapper un miaulement grave avant d’être dérangée par deux jeunes enfants crasseux aux regards vicieux.
La démone se sentait soulagée de la tournure que prenaient les choses et commençaient à élaborer différentes stratégies lorsqu’elle se sentit soudain écrasée par un sentiment d’oppression sans précédent. Une colère écrasante, une douleur accablante, un danger imminent lui imposèrent de mettre genou à terre. Son esprit était en feu, son cœur à l’agonie. Parvenant non sans mal à se remettre sur pied, Abigail se mit à courir, fuyant la pesante menace.
Ses mouvements erratiques la menèrent à la porte d’un bar, la douleur y était moins vive et presque supportable. Derrière le comptoir, une vieille femme enceinte, la cigarette pendant à ses lèvres, lisait un journal sportif. Les serveuses s’affairaient à satisfaire les commandes de nombreux clients qui se retournaient sur leur passage. Sur une banquette, un jeune couple s’embrassait, timidement d’abord, puis avec appétit, devenant de plus en plus démonstratif dans leur passion. En réalité, toute la scène se transformait sous les yeux d’Abigail : plusieurs clients s’accrochaient aux serveuses, arrachant leur uniforme, léchant et pétrissant les morceaux de chair ainsi mis à nu, d’autres se débarrassaient de leurs vêtements et s’unissaient suite à un geste ou un simple regard, d’autres encore optaient pour des accessoires divers, verres à cocktail, bouteilles d’alcool, pieds de chaise...
La démone comprit immédiatement ce dont il s’agissait : Il était là. Elle n’eut pas le temps de se retourner avant de sentir deux bras la ceinturant au niveau de la poitrine. Elle reconnut la peau parcheminée de la barmaid.
Une voix antédiluvienne lui chuchota à l’oreille : « Abigail, tu as été une vilaine, vilaine fille... ».
L’étreinte était douce et chaleureuse. Pendant un instant, Abigail s’oublia à cette apaisante sérénité, comme un nourrisson dans les bras de sa mère, mais la voix cassante du Prince de la Luxure balaya ce sentiment de confort.
« Abigail, soubrette insoumise, on me rapporte que tu manques de reconnaissance face à la seconde chance que je t’ai gracieusement offerte ? Ne réponds pas, tes lèvres ont été conçues pour d’autres talents... Réceptacle des désirs, tu n’es simplement pas censée en éprouver, surtout d’aussi déraisonnables. Et maintenant, comprends-moi bien : je serais fou de te conserver à mon service. »
Les bras enlaçant le corps d’Abigail se firent plus rigides.
« Mais en raison de notre long passé commun, je vais faire cela comme tu le chéris tant : ce sera sale et non sans taches ».
La démone eut le souffle coupé lorsque les doigts, puis les mains, de son Prince s’enfoncèrent dans sa poitrine. Le sang bouillonna autour des serres profondément plantées dans sa chair, fouillant à la recherche d’une partie bien plus vitale qu’un quelconque organe, l’empoignant puis l’arrachant du corps de la démone dans une pluie écarlate.
En une seconde, Abigail connut l’horreur la plus abjecte : le lien avec son Prince était coupé, ses pouvoirs lui étaient niés, son identité vola en morceaux, elle n’était plus d’un résidus de créature à peine consciente, une caricature d’être.
Le bar s’effaça pour laisser place à un autre tableau : une grande rue passante au milieu de laquelle le Prince du Sexe laissa tomber ce qui fut jadis Abigail, avant de disparaître à son tour.
La foule ne semblait pas voir la forme pathétique qui gisait sur le sol, la piétinant sans un regard en arrière.
Abigail voulut pousser un long cri déchirant.
Aucun son ne sortit de sa bouche.
Elle n’était plus à Immac. Les façades des bâtiments étaient noircies par les gaz d’échappement lorsqu’elles ne tombaient pas en ruine, révélant des briques d’un rouge agressif. Gonflé par une pluie grasse, un filet boueux dégorgeait du caniveau pour s’insinuer dans le réseau de craquelures sillonnant la route. Une odeur âcre de fumée et de transpiration infiltrait les narines, irritait les yeux, enflammait la gorge. Plus haut, par la fenêtre brisée d’une chambre qui avait peut-être jadis appartenue à un hôtel, s’échappaient les cris rauques de deux hommes en plein coït.
Le pas incertain, le regard embrumé, Abigail essayait d’évaluer la situation. Elle avait connu pire. Au revers d’une ruelle, une chatte pelée laissait échapper un miaulement grave avant d’être dérangée par deux jeunes enfants crasseux aux regards vicieux.
La démone se sentait soulagée de la tournure que prenaient les choses et commençaient à élaborer différentes stratégies lorsqu’elle se sentit soudain écrasée par un sentiment d’oppression sans précédent. Une colère écrasante, une douleur accablante, un danger imminent lui imposèrent de mettre genou à terre. Son esprit était en feu, son cœur à l’agonie. Parvenant non sans mal à se remettre sur pied, Abigail se mit à courir, fuyant la pesante menace.
Ses mouvements erratiques la menèrent à la porte d’un bar, la douleur y était moins vive et presque supportable. Derrière le comptoir, une vieille femme enceinte, la cigarette pendant à ses lèvres, lisait un journal sportif. Les serveuses s’affairaient à satisfaire les commandes de nombreux clients qui se retournaient sur leur passage. Sur une banquette, un jeune couple s’embrassait, timidement d’abord, puis avec appétit, devenant de plus en plus démonstratif dans leur passion. En réalité, toute la scène se transformait sous les yeux d’Abigail : plusieurs clients s’accrochaient aux serveuses, arrachant leur uniforme, léchant et pétrissant les morceaux de chair ainsi mis à nu, d’autres se débarrassaient de leurs vêtements et s’unissaient suite à un geste ou un simple regard, d’autres encore optaient pour des accessoires divers, verres à cocktail, bouteilles d’alcool, pieds de chaise...
La démone comprit immédiatement ce dont il s’agissait : Il était là. Elle n’eut pas le temps de se retourner avant de sentir deux bras la ceinturant au niveau de la poitrine. Elle reconnut la peau parcheminée de la barmaid.
Une voix antédiluvienne lui chuchota à l’oreille : « Abigail, tu as été une vilaine, vilaine fille... ».
L’étreinte était douce et chaleureuse. Pendant un instant, Abigail s’oublia à cette apaisante sérénité, comme un nourrisson dans les bras de sa mère, mais la voix cassante du Prince de la Luxure balaya ce sentiment de confort.
« Abigail, soubrette insoumise, on me rapporte que tu manques de reconnaissance face à la seconde chance que je t’ai gracieusement offerte ? Ne réponds pas, tes lèvres ont été conçues pour d’autres talents... Réceptacle des désirs, tu n’es simplement pas censée en éprouver, surtout d’aussi déraisonnables. Et maintenant, comprends-moi bien : je serais fou de te conserver à mon service. »
Les bras enlaçant le corps d’Abigail se firent plus rigides.
« Mais en raison de notre long passé commun, je vais faire cela comme tu le chéris tant : ce sera sale et non sans taches ».
La démone eut le souffle coupé lorsque les doigts, puis les mains, de son Prince s’enfoncèrent dans sa poitrine. Le sang bouillonna autour des serres profondément plantées dans sa chair, fouillant à la recherche d’une partie bien plus vitale qu’un quelconque organe, l’empoignant puis l’arrachant du corps de la démone dans une pluie écarlate.
En une seconde, Abigail connut l’horreur la plus abjecte : le lien avec son Prince était coupé, ses pouvoirs lui étaient niés, son identité vola en morceaux, elle n’était plus d’un résidus de créature à peine consciente, une caricature d’être.
Le bar s’effaça pour laisser place à un autre tableau : une grande rue passante au milieu de laquelle le Prince du Sexe laissa tomber ce qui fut jadis Abigail, avant de disparaître à son tour.
La foule ne semblait pas voir la forme pathétique qui gisait sur le sol, la piétinant sans un regard en arrière.
Abigail voulut pousser un long cri déchirant.
Aucun son ne sortit de sa bouche.