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L'incarnation, c'est toute une préparation
#1
Le Baron du bouche à oreille soupira en relisant son ordre de mission. Bordel, mais qui avait pondu cette directive ? Il relut pour la 23ème fois très précisément le papier. Ah, c’était suite à des « égarements sur le terrain ». Super. « Les responsables de ces cafouillages seront employés comme instructeurs (les plus méritants du moins) » lut-il encore. Il se permit de sourire. S’ensuivait une liste de noms. Le sourire du Baron s’agrandit encore en lisant les consignes. Finalement, son travail n’était peut-être pas si pourri.

Quelques heures plus tard, dans le bureau du Baron, ils étaient là. Une belle brochette de démons, tous désormais à ses ordres. On dénombrait un Baal, un Vapula, un Kronos, un Andromalius, un Scox et un Morax. Une étrange équipe, c’était sûr. Le Baron percevait le malaise parmi eux alors qu’ils lisaient leur nouvel ordre de mission.

Le Vapula se racla la gorge et dit :

- Euh pardon, Baron, mais… pourquoi l’informatique figure-t-elle au programme ? Je veux dire, tous les services infernaux sont équipés de Windaube ou d’Aïemac, je ne vois donc pas ce qu’il y a à dire à ce sujet.

Le Baron se mit à rire ouvertement, d’un rire qui glacerait le sang de n’importe qui. Puis il répondit :

- Vous êtes un sacré rigolo, Chevalier Error404. Tous les services en sont équipés, mais sérieusement, vous voyez des Nog et autres Haagenti se servir d’un ordinateur  ou du moins, comme prévu? [b]*Bref silence*[b] Moi non plus.

L’Andromalius se permit alors de prendre la parole, tout aussi mal assuré que son collègue de chez Vapula :

- Mais votre Noirceur, j’avoue que tout cela me dépasse. Je vais devoir d’après le document leur parler de nos règles, y compris les plus élémentaires. Elles sont pourtant censées être connues de tous.

Pour cette question, le Baalberith se contenta d’un ignoble rictus. L’Andromalius tressaillit devant ce signe, puis le gradé répondit :

- Bonne question, Chevalier Straf. Et bien… je vais vous révéler un petit secret : cette volée n’est composée que de démons qui seront, s’ils réussissent, incarnés pour la première fois.

Le Chevalier s’enfonça dans son siège, l’air très inquiet. Puis le Baron ajouta simplement :

-Je compte sur vous, mes subordonnés. Ce projet doit être une réussite éclatante. Vous avez à disposition 6 mois. Ensuite, vos élèves seront testés. Celui qui aura les résultats les plus probants sera promu. Les autres… vous regretterez de ne pas avoir été celui-là.


C’est alors que le Scox prit la parole, très timidement :

- Baron… c’est pas un peu totalement irréaliste 6 mois vu l’étendue de la tâche ?

À peine sa phrase terminée, le démon sentit la douleur. Du genre très violente. Le Baron venait en effet de lui balancer un gros jet d’acide sur le bras droit, qui commençait à fondre. Le Scox hurla et se tint le bras tandis que son chef disait sur le ton de la conversion, l’air de rien :

- Allons, pas de défaitisme, Chevalier Aztacores. Vous ne voudriez pas être accusé de médisance, voire pire, n’est-ce pas?

Tenant toujours son membre blessé, des larmes aux yeux, Aztacores opina du chef. Puis, le Baalberith leur dit :

- Bien, la formation commence dans une semaine. Je me chargerai de l’introduction, vous prendrez en charge le reste. Puis, je ferai passer les tests. Gare à vous si je ne suis pas satisfait. Vous pouvez disposer !


Les Chevaliers s’en allèrent, sans demander leur reste. Une semaine pour trouver un moyen d’apprendre à une équipe de bras cassés les rudiments de la vie sur Terre. Y avait pas à dire, l’Administration s’y connaissait en punitions sévères.

Ils se rendirent tout d’abord ensemble dans la salle de cours. Spacieuse, avec vue sur le Styx, elle était meublée de façon très spartiate, mais disposait des derniers éléments de technologie, avec notamment une zone avec des ordinateurs.  On ne pouvait pas reprocher à l’Enfer de ne pas investir de grands moyens pour la formation. La question était : cela était-il vraiment utile ?

Les désormais instructeurs échangèrent un regard puis se plongèrent dans la pile de dossiers que leur patron avait bien voulu leur fournir. Et force était de constater que l’Enfer pouvait bien y mettre les moyens. Parce que non seulement, il était vrai que selon les dossiers aucun de leurs élèves n’avait été incarné, mais en plus, comble du bonheur, plus du 90% occupait des postes qui n’avaient aucun rapport direct ou indirect avec le terrain. Comme inventeur de positions sexuelles, responsable de la rédaction des blagues carambars ou encore dresseur d’orc zombis, Et bien sûr, pour finir de les rassurer, il y avait 52 démons à former. Dont 3 Nog, 2 Kobal, 4 Abalam, un Andromalius et un Kronos. Oh et bien sûr, quand c’était possible, malgré le fait qu’ils n’aient jamais été incarnés, ces démons avaient déjà un lourd historique en matière de punitions. Ce qui faisait plus de la moitié de l’équipe. Et même pas un cas rigolo d’humain célèbre passé de familier à démon. Pas de quoi égayer le cours ni se motiver donc.

Ils refermèrent les dossiers et résumèrent la situation. Non seulement ils allaient devoir se taper un boulot quasiment impossible en temps normal, mais avec en plus la lie de l’Enfer en guise d’étudiants. Ils se concentrèrent pour se rappeler pourquoi on les avait choisis. Et puis, cela leur sembla évident : d’une part, ils étaient des experts dans les domaines à tenter d’enseigner et d’autre part, ils avaient tous merdés, mais alors bien, lors de leur dernière incarnation. Oui, même le Morax, ce que tout le monde pensait impossible jusque-là.

Chacun des Chevaliers observa les autres. Après tout, c’était un peu une sorte de concours auquel on les soumettait. Tous le savaient. Alors, après ce moment de tristesse commune, leur nature repris le dessus. La désolation céda la place à des sourires torves, des airs hautains et du mépris. Désormais, c’était chacun pour soi et Satan pour tous. Il n’y aurait qu’un instructeur méritant. Et ce ne serait pas un collègue.

Ils se serrèrent la main une première et dernière fois. Puis, l’un après l’autre, ils se rendirent dans leurs bureaux, afin de commencer à mettre au point un cours et un moyen de saboter celui des autres.

Dans son bureau, le Baron jubilait. Voir ces Chevaliers paniqués, inquiets l’avait requinqué. Ils les avaient observés dans la salle de cours, à l’aide d’une des multiples caméras (une idée des services de Nybbas en vue d’une éventuelle adaptation en programme de télé-réalité et aussi pour s’assurer que tout se passait bien) et lui aussi avait ressenti l’instinct qui reprenait le dessus chez eux. Après un petit sourire satisfait, le Baalberith relut une 24ème fois sa fiche de consigne, pour être sûr de ne pas avoir omis de détail involontairement.
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#2
Tous les étudiants étaient présents pour ce premier jour de cours. Il faut dire que la menace de passer familier, voire pire (oui, il est des postes encore pire sur lesquels nous ne reviendrons pas ici) y était pour beaucoup.  Tout le monde avait pris place derrière un pupitre, certains jouaient déjà, se disputaient déjà, dénonçaient déjà leur camarade, bref tout ce petit monde attendait avec impatience le début de cette fameuse formation.

C’est à neuf heures, heure infernale, que le Baron pénétra dans la salle. Avec exactement 2 centièmes de retard sur le planning, releva le Kronos présent. Les démons se levèrent à son entrée, sauf deux des Nog, déjà exténués par le déplacement, et un Abalam qui se prenait pour Proudhon.

Le Baron du bouche à oreille n’en fit pas grand cas et invita rapidement ses subordonnés à s’asseoir. Il jeta un œil aux instructeurs, tous debout, derrière le grand pupitre central, attendant anxieusement la suite des événements.

Satisfait, le Baalberith allait prendre la parole, quand il entendit un Baal dire à un Kobal :

- Vise moi un peu la dégaine de c’gars. N’importe qui peut êt’Baron de nos jours.

L’intéressé sourit, sortit son AïePadeu dernière génération, tapota dessus et un instant plus tard, voilà que le Baalite n’avait plus de bouche. Oui, elle avait littéralement disparue. Le serviteur du Prince des Messages s’autorisa un grand sourire carnassier, puis se racla la gorge et commença son discours :

-Bien, très chers collègues démons, écoutez-moi bien. Surtout notre collègue de chez Baal, ‘Achmoatoussaépluvitksa (qu’il prononça juste du premier coup et d’une traite). Si vous êtes ici, c’est parce que vos Princes vous ont jugé dignes, après des millénaires à végéter en Enfer, de prendre une part plus active à la lutte pour le contrôle de l’humanité. Rien que ça.

Evidemment, l’Administration doit vérifier si vous êtes aptes. C’est pour cela que vous serez remis à niveau sur les derniers événements terrestres et démoniaques. Car même si votre incarnat sait tout ce qu’il faut sur la vie de tous les jours, si vous, vous n’êtes pas au courant, il peut y avoir des problèmes. C’est arrivé récemment.

Aussi, les démons présents derrière moi auront pour tâche de vous enseigner ces rudiments sur la vie humaine. À l’issue de cet apprentissage, qui durera six mois, vous serez évalué individuellement par moi-même. Si vous montrez un niveau de connaissances suffisant, vous serez alors incarnés.


Se retournant vers les Chevaliers, il leur dit simplement :

- Bien, ils sont à vous ! N’oubliez pas, je compte sur vous !

Et il s’en va.  Oui, aussi sèchement. Il est Baron, il a des vraies choses à faire.

Les Chevaliers, bien qu’ayant été muets pendant toute l’introduction ont déjà pu observer qui allait les occuper pendant ce stage.

Outre le Baal précédemment puni, il y avait bien sûr un Malphas qui les inquiétait. Il n’avait pas encore ouvert la bouche. Et ça, c’était flippant. Son dossier n’indiquait pourtant pas que le démon Parisio était muet.

Le clan des Nog n’aurait pas été inquiétant si Akrasis n’avait pas l’air foutrement réveillé et occuper à discuter avec ses collègues. On pouvait être actif ET servir Nog, cela était suspect.

Mais moins que le fait que le démon de Kobal Bwahaha  ait semblé fasciner par la partie touchant aux armes. On allait sûrement lui demander un boulot social, pas de combattant.

Et puis surtout, l’être numéro un sur la liste à surveiller, c’était le démon d’Andro, le dénommé Breaker. Sa faculté à prendre des pages et des pages de notes faisait craindre le pire aux instructeurs.

Toutefois, ceux-ci furent soulagés de voir que la discipline régnait, enfin autant que faire se peut dans ce contexte, lorsqu’ils prenaient la parole. Il faut aussi dire que la salle était conçue pour empêcher l’usage de pouvoirs offensifs, sauf pour certaines personnes, dont les instructeurs. Du coup, il y avait moins de chahut et de chaos. Et la récompense de l’incarnation semblait prise au sérieux.

Aussi, le cours s’annonçait-il bien. Trop bien en fait.
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#3
Et bien sûr, tout dérapa dès que possible. Inutile de dire que vu la saine ambiance du cours, cela ne pouvait qu’arriver. Evidemment certains démons étaient avantagés de par leur supérieur. Le représentant de Vapula, le démon Deadlink, ne suivait que distraitement le cour sur l’informatique de son supérieur, préférant tenter dès que possible de hacker et faire planter celui de ses collègues, notamment celui de chez Bélial, du genre à s’enflammer pour un rien.

Le démon de chez Andromalius fonda rapidement un groupe de chieurs avec son collègue de chez Kronos et Akrasis de chez Nog. Ils étaient la terreur tant de leurs collègues (« tu vas voir, je fais faire un rapport parce que tu as eu 2 millième de retard aujourd’hui ») que des instructeurs (« D’après la décision de la Cour Suprême infernale dans l’affaire « démon Scoblox contre Administration » du 16 juillet 2000, votre  demande est irrecevable et passible de sanctions disciplinaires selon l’alinéa 5 de l’article 543 du règlement interne, volume VIII, page 6. »).

Mais ils n’étaient pas le nœud du problème. Juste la tête. Non, le VRAI problème, c’était que cette masse de démons était fondamentalement incapable. Oh, bien sûr ils avaient bossés pour leurs Princes pendant des siècles et des siècles, mais à des postes tellement insignifiants et absurdes que la grande majorité ne maîtrisait pas même le domaine de son Prince. Alors, leur parler d’Histoire et de Culture (oui avec de belles majuscules) cela était insensé.

Il était donc presque inutile de saboter les cours des autres, les élèves s’en chargeaient bien eux-mêmes. Ce qui était terrible, c’est qu’en plus, il n’y aurait pas moyen de faire croire qu’ils étaient doués en trichant lors de l’examen, puisque le Baron s’occuperait personnellement de cette tâche.

Du coup, les instructeurs en étaient revenus à se serrer les coudes, ne comptant plus les heures supplémentaires pour que cette équipe de dégénérés comprennent les bases de l’armement moderne, du traitement de texte, de la recherche sur Gogole ou même des règles démoniaques. L’équipe de fouteurs de merde était peut-être pas trop nul pour distiller l’angoisse et connaître un tas de trucs inutiles, dès que vous leur demandiez à quoi ressemblait un soldat, un ouvrier, un politicien ou un informaticien, ils étaient tout aussi nuls que les autres.

Et pourtant, les Chevaliers se donnaient à fond, expliquant les choses au moins 500 fois, pour être sûr que tout le monde ait compris malgré la blague du démon de Kobal. Distribuant à tour de bras punitions, heures de colle, ils avaient pourtant toujours l’impression de surnager.

Ce qui devait arriver hélas arriva… un matin, il fut temps d’évaluer leur travail. Serait-il des ouvriers de la onzième heure ? Des modèles à faire bander Baalberith ? Ou plutôt du genre à faire déprimer même Novalis par leur inefficacité ? Bientôt, ils sauraient…
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