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06-05-2011, 07:10 PM
(This post was last modified: 06-05-2011, 08:17 PM by Marinette.)
On plante le décor…
Lausanne, Suisse, Avenue de Rumine, numéro 66, mois de juin 2010, 10h30 bureau du docteur Beuchat.
Le jeune homme pénètre tranquillement dans l’entrée du bureau. Grand, blond, yeux verts, environ la vingtaine, il semble confiant lorsqu’il dit à la secrétaire :
Bonjour, je suis Paul Leresche, je viens pour mon rendez-vous avec le docteur Beuchat.
Souriant par politesse, la secrétaire et femme du docteur dit machinalement :
Il vous attend, je vous laisse poser votre veste.
Paul s’exécute avec un petit sourire, pendant sa veste après un cintre avant de pénétrer dans le bureau, dont il referme soigneusement la porte.
La pièce, du genre assez grande, est composée d’un bureau en bois, du style massif, d’une grande bibliothèque pleine d’ouvrages de médecine sur la droite, tandis qu’à gauche on trouve la partie plus médicale : table d’examen, matériel pour l’auscultation et ainsi de suite. Au fond du bureau se trouve une porte fenêtre, qui donne sur le grand jardin, avec vu sur le lac et les montagnes. Il n’y a pas à chipoter, on est chez un spécialiste, et pas du genre pauvre.
Ce dernier, Louis Beuchat, la cinquantaine, plutôt grand et sec, est vêtu de la traditionnel blouse, porte des petites lunettes cerclés d’or, a des cheveux grisonnants, de grands yeux marrons, qui dévisagent déjà avec curiosité son patient. Ce n’est pas tous les jours qu’un homme de cet âge passe la porte du bureau de ce spécialiste réputé en orthopédie et qu'il semble si bien portant.. D’un geste, il invite son visiteur à prendre place dans un fauteuil, qui semble bien confortable en face de son bureau. Les salutations d’usage expédiées, le médecin prend la parole, ouvrant un dossier :
-Bien, alors, qu’est-ce qui vous amène exactement Monsieur Leresche ?
L’air confiant, le jeune homme lui répond :
Et bien docteur, voyez-vous, comme je viens d’une famille aisée et que j’ai une assurance avec une franchise très basse ainsi que plusieurs options, je me suis dit que j’allais directement consulter un spécialiste pour mon pied.
Un peu surpris le docteur lui demande :
Et qu’a-t-il ce pied ?
Son sourire s’élargit un peu lorsque le patient lui dit :
Et bien, il me fait mal, mais uniquement au niveau de l’articulation et quand je cours…
Le professionnel de la santé réfléchit un instant puis désigne la table d’examen tout en demandant à Paul d’y prendre place, d’ôter sa chaussure et sa chaussette au pied lésé, qu’il puisse l’examiner. Sans mot dire, le jeune malade s’exécute.
Une fois celui-ci assis, le bon docteur s’approche en demandant :
-Et donc depuis quand avez-vous mal ?
Et du tac au tac, Leresche lui répond :
Depuis mon accident de voiture, vous ne vous en souvenez pas ?
Beuchat, qui examinait son pied, semble décontenancé par cette réponse, commence à se relever en disant :
Je dev… ?
Le coup l’atteint à la gorge à ce moment là. Cherchant son souffle il recule, tandis que le jeune homme, avec une grande rapidité, se jette sur lui et lui plante une seringue dans la langue, y injectant un produit. Le médecin tente de hurler, mais il sent que sa langue ne veut pas. Du tranquillisant pense-t-il.
Poussant sans ménagement le praticien dans son fauteuil, avec un sourire cruel, Paul lui dit :
Laissez-moi vous rafraîchir la mémoire…
Une demi-heure plus tard, le patient sort du cabinet, l’air heureux et dit à la secrétaire :
Je vous laisse me recontacter pour le rendez-vous, je suis un peu pressé !
La femme lui dit au revoir, tandis que, ayant repris sa veste, Paul sort.
Machinalement, elle se dirige vers la machine à café, en fait un et crie :
Louis ! Tu veux un café ?
Devant l’absence de réponse de son mari, elle grommelle et ouvre la porte du cabinet. Son café s’écrase quasiment au même sur le sol, tandis qu’un cri puissant sort de ses poumons. Elle se précipite sur le téléphone et appelle la police.
13h00, même endroit.
Les lieux sont maintenant déserts, la désormais veuve du docteur ayant été évacuée, des policiers arpentent les lieux en quête d’indices. On entend un bruit de pas dans l’escalier. L’agent en faction devant la porte arrête un homme, vêtu d’un costard des plus chics, noir, avec une cravate rouge bordeaux, une chemise blanche et de belles chaussures en cuir beiges. L’homme, du genre petit, un peu rondouillard, le crâne qui commence à se dégarnir de ses cheveux châtains, toise le planton avec ses yeux gris, avant de lui montrer une carte. L’agent l’inspecte, semblant surpris, puis la rend à son détenteur avant d’annoncer :
Lieutenant, on a de la visite et pas n’importe qui. L’inspecteur Marthy, police fédérale.
Le gradé, bon quadra aux tempes grisonnantes, grand et imposant, cesse de discuter avec une jeune collègue pour porter son attention sur le nouveau venu qu’il accueille assez froidement :
Alors comme ça, notre affaire intéresse déjà les hautes autorités ? Et pourquoi ?
Sans se laisser perturber, le policier fédéral lui répond le plus simplement du monde :
Parce que les cas bizarres, c’est pour nous.
Le lieutenant soupire, puis, gardant son sang et son ton froid, il réplique :
C’est pas parce que la victime a été torturée et qu’on a laissé la carte XIII du Tarot sur place que c’est bizarre. En plus, l’assassin est un imbécile fini : il a laissé son nom.
En entendant cela, l’inspecteur Marthy ne peut réprimer un sourire et répond immédiatement :
Justement, il est là le problème. Paul Leresche existe bel et bien. Il est mort, il y a 10 ans…
Là, le gradé local écarquille les yeux en balbutiant :
Mais que…
Le sourire se fait de plus en satisfait chez son collègue qui ajoute :
Donc, je prends l’affaire en main, avec la bénédiction de votre hiérarchie. Je veux le dossier complet, dans… il regarde sa montre deux heures, sur mon bureau, qui se trouve à deux pas du vôtre, on m’a permis de prendre mes quartiers chez vous pour la durée de cette enquête.
L’air dépité, le lieutenant se contente de dire :
Oui, m’sieur.
Et l’inspecteur Marthy, alias Felicia, grade 0 de Dominique, s’en va d’un pas tranquille en se disant que cette affaire allait être tout à fait intéressante, sans se douter qu’elle allait laisser des traces, visibles encore aujourd’hui.
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06-16-2011, 08:00 PM
(This post was last modified: 06-16-2011, 09:00 PM by Marinette.)
… on décrit les personnages…
C’est sans se presser que l’agent fédéral retourna au central de la police lausannoise.
Cela faisait maintenant 3 jours qu’il n’était plus tout à fait le même, enfin… que le brave René Marthy n’habitait plus ce corps et attendait sagement au Paradis.
Désormais, c’était une angèle de Dominique qui l’occupait. Si on lui avait filé un incarnat aussi… bien placé, disons-le, c’est parce qu’il semblait qu’on pensait que pour son retour sur le terrain, cette angèle méritait de pouvoir agir avec une grande facilité.
Son supérieur, l’Ami Lex, a fait lui-même la demande, ce qui n’a pas manqué de surprendre Maître Magister, qui a un peu renâclé, avant d’accepter. Autant dire que cet incarnat est parfait pour la mission actuelle de l’ange Felicia. Quand son téléphone a sonné ce matin là, elle a compris tout de suite. En entendant le vague résumé, l’angèle n’a pu réprimer un sourire. Une heure plus tard, elle était sur place.
Passons maintenant à Monsieur Beuchat, fraîchement admis au Purgatoire. Heureusement pour lui, il y est « intact », parce que sur Terre, sur la table d’autopsie, il n’est pas beau à voir. Quand on vous a violemment et à mains nues, fracturé les deux jambes, puis les deux bras, avant de vous poignarder méticuleusement pour que vous vous vidiez de votre sang lentement et douloureusement, ce n’est pas beau à voir. Le tout en veillant bien à ce que vous ne puissiez pas crier, vous anesthésiant la langue et les cordes vocales, juste pour être sûr.
Et pendant tout ce temps là, votre tueur vous décrit comment vous l’avez renversé, un soir, il y a bien dix ans au bord d’une route de campagne. Et le pire, c’est que tout ce qu’il vous raconte est tout à fait vrai, mais c’est impossible qu’il ait survécu, son faire-part traîne encore dans un tiroir de votre bureau. Donc en gros, vous êtes en train de mourir à petit feu, de la main d’un homme que vous avez tué, un soir où vous aviez trop bu.
Y a pas à dire, au guichet, ils vont pas vous croire, mais ils en ont sûrement vu d’autres, pas vrai ?
Heureusement, toute l’agonie du bon docteur est consignée dans le rapport du légiste, rapport remis au lieutenant Nançoz, en charge de l’affaire. Ce dernier n’est pas des plus heureux d’avoir à composer avec Marthy. L’affaire semblait simple, mais la complication que le fédéral lui avait rapportée et la prise en main par l’échelon supérieur, c’était assez clair : il ne progresserait pas hiérarchiquement bientôt. Alors, autant s’y habituer tout de suite en transmettant le dossier à son collègue de la Fedpol, comme on dit dans les milieux branchés. L’aider serait aussi un bon plan, pour réussir à avoir un éloge de sa part.
Et pendant ce temps là, quelque part, le meurtrier -mais est-il seulement masculin ?- rôde encore, préparant son prochain méfait. Ouais, bon en fait, ça, c’est pour le côté théâtral. En réalité, le grand méchant de cette histoire est surtout en train de bosser, exécutant un job assez dégradant pour réussir à survivre, parce que non, ce n’est pas avec l’aide sociale qu’il va s’en sortir. Et oui, la crise frappe même les méchants de chroniques, du coup, eux aussi sont sans le sou et doivent composer avec ça. Okay okay, notre grand méchant, ça fait depuis qu’il s’est incarné, il y a… un an maintenant qu’il vit dans cette situation, mais c’est à cause de son incarnat. Et oui, parce que grand méchant ou pas, on choisit pas son incarnat et là, il a pas franchement tiré le gros lot.
Mais bon, ces deux jobs réputés dégradants, notre tueur a réussi à se les rendre utiles. Pire, c’est tout juste s’il ne prend pas un plaisir certain à les exercer. Bien sûr, c’est souvent dégueulasse, bien sûr souvent il sent la nausée qui lui monte. Mais il sait très bien pourquoi il le fait et cela le motive. Il n’en est qu’au début, évidemment, mais sa carrière s’annonce brillante, fulgurante même.
Toutefois, depuis son gros coup, il sait qu’il va devoir mettre la pédale douce. Parce que notre assassin comprend bien ce qui va se passer : des gens vont le chercher. Et pas des gens ordinaires, non. Des gens comme lui, qui ne sauront sûrement pas exactement ce qu’il a fait, ni comment, ni pourquoi, mais qui vont le menacer plus sérieusement que la police. Alors, il va se mettre au vert un moment, peut-être même partir, le temps qu’ils comprennent qu’ils n’ont aucune chance de l’attraper, parce qu’il a plusieurs coups d’avance sur eux.
Le méchant ne peut retenir un ricanement en pensant combien ils n’y arriveront jamais et ce, à tous les niveaux. Finalement, cette journée s’annonce radieuse. Non, notre méchant ne va pas partir, il va regarder ses poursuivants s’essouffler puis reprendre ses petites activités.
Ailleurs, dans la banlieue lausannoise, un petit garçon traverse la route, courant après son ballon. Le conducteur plante sur la pédale de frein, mais trop tard. Le choc est brutal, l’enfant vole violemment. L’automobiliste saisit son téléphone après quelques secondes de blanc qui semblent durer des heures et appelle les secours, paniqué. Déjà, une mare de sang se forme autour de sa malheureuse victime. L’ambulance arrive cinq minutes après, toutes sirènes hurlantes. C’est un cas de priorité absolue après tout.
Le conducteur, un jeune homme, l’air traumatisé, est à côté de l’enfant, tétanisé. Les ambulanciers arrivent rapidement près du corps du garçonnet, qui ne doit pas avoir plus de huit ans. Celui-ci ouvre les yeux, et commence à doucement se relever, du sang coulant toujours de sa plaie à la tête, sous le regard hébété des témoins.
Emmené à l’hôpital pour un contrôle de routine, il est remis peu après à sa famille, avec quelques points de suture. Il a eu beaucoup de chance… enfin, surtout, désormais, le démon Haymaton, Chevalier du Jugement Dernier, habite son corps. Sa mission ? La même que Felicia. Bon, bien sûr, il ne dispose pas des mêmes moyens, mais au moins pourra-t-il compter sur le soutien du Capitaine des Légions Salvatrices Cigüe, qui supervise son enquête et lui a assuré qu’il disposerait de tout ce dont il aurait besoin, équipe de gros bras inclus. Une copie du dossier d’enquête allait d’ailleurs bientôt lui parvenir, dans une boîte postale, dont la clef lui serait remise par un camarade d’école. Les démons aussi mettaient le paquet, parce que le PdD, on le respecte ou l’on meurt.
Le cadre est donc posé, l’histoire est en marche, implacable. Il y aura du sang, de la sueur et des larmes et au bout du compte, chacun de nos protagoniste, Beuchat excepté forcément, ne sera plus tout à fait le même.
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… l’intrigue se poursuit…
Monte le son !
Inutile de dire que Marthy n’avait pas tiré un cas facile. De l’ADN, des empreintes, il en avait plein sur sa scène de crime, mais autant dire qu’il ne servait à rien, puisqu’appartenant à un mort. Non, la vraie question c’était : pourquoi ? Question à laquelle la réponse avait été rapidement trouvée : le bon docteur avait tué Paul en l’écrasant cette fameuse nuit. Le problème qui se posait était : qui d’autre savait ? Pour cela, il fallait relire le rapport d’époque sur l’accident. La victime avait bien un frère, mais cela pouvait-il être lui ? La police ne devait écarter aucune piste et c’était un peu la seule qu’elle avait alors, autant la suivre. Quelques coups de fil plus tard, Marthy/Felicia était en route pour Yverdon, une ville non loin de là. Oui, seul, parce que figurez-vous que quand on sert Dominique, on ne s’encombre pas de témoins humains dans ce genre d’affaires.
Pendant ce temps, l’envoyé démoniaque mène sa petite enquête, ayant réussi à s’infiltrer de nuit sur la scène de crime, chose des plus mal aisée. Là, il avait pu remarquer ce qui manquait et commencer à réfléchir à ce qui se tramait. Si le tueur était mort, deux options : il n’était pas vraiment mort ou alors, il avait un vengeur d’outre-tombe. Réfléchissant rapidement, il décida que l’option du mort mais pas vraiment se tentait et projeta donc de trouver le cimetière dans lequel était inhumé le tueur. Cela allait sans doute prendre un peu de temps, mais… ça risquait de s’avérer payant.
La pluie s’écrasait violemment contre le sol en ce jour de juin, dégageant une petite odeur typique de l’eau sur le goudron chaud. Cela faisait un moment qu’il n’avait pas plu et Marthy s’en réjouissait. Un bon temps pour une bonne traque à l’ancienne. Il se gara au bas d’un immeuble, sortit de sa voiture, la verrouilla, puis entra et sonna au 3ème en disant d’une voix forte :
Police, ouvrez. J’ai des questions à vous poser !
Devant le silence éloquent accueillant sa déclaration, l’inspecteur hésite un moment, puis après avoir testé la poignée, sort son set du parfait cambrioleur et ouvre facilement la serrure, de piètre qualité. Il entre ensuite tranquillement dans l’appartement, balayant les lieux du regard. Sur la table du salon, au milieu d’un fouillis innommable, ce qu’il cherchait : un indice. Un simple flyer annonçant une goa, dans une forêt environnante, le soir même, dès 23h. L’ange observe également les photos posées sur un petit meuble, histoire de pouvoir identifier Jacques Leresche sans peine. C’est un homme ayant dans la trentaine, souriant, le crâne dégarni au milieu, les cheveux qui lui restent sont noirs. Plusieurs photos comportent également une petite fille, toute mignonne, qui a les mêmes yeux marron que son papa. Sa fille sans doute. Felicia espère que ce n’est pas lui, la perspective de faire d’une si jeune enfant une orpheline ne l’enchante guère. Mais elle sait qui cela venait à être lui, elle n’aurait pas d’autre choix. Le Grand Jeu avant tout.
Hayamaton, pour sa part est en train d’errer dans le cimetière, prétendant si nécessaire qu’il cherche sa balle de foot. Le démon observe les tombes, espérant trouver celle de Paul rapidement. Et effectivement, très vite il la trouve. Mais quelqu’un y est également. Une jeune femme, rousse, vêtue de noire, qui dépose une gerbe de fleurs puis s’en va. Le démon la regarde partir, se demandant de qui il peut s’agir puis ayant bien repéré la tombe, se dit qu’il reviendra de nuit.
Un peu plus tard dans la journée, l’inspecteur Marthy, ayant pris des renseignements, se retrouve vêtu d’une bien étrange façon. Un grand pull noir avec d’étranges symboles et un capuchon à pointe, type lutin, un pantalon troué, des sandales. Il reste sans doute un poil trop bien rasé, mais bon, il a déjà investi une fortune dans ce déguisement de parfait goateux et sa barbe ne va pas miraculeusement pousser. Rapidement, il recontrôle si son arme est munitionnée, effectue le mouvement de charge, vérifie la sécurité et la range dans son dos. Être déguisé en toxico fan de musique électronique aux connotations New Age, d’accord, mais pas sans de quoi rappeler à certains, si nécessaire, les dures réalités de la vie. Il ouvre la portière de son véhicule et s’enfonce dans la sombre forêt, guidé par le bruit des basses de la fête.
À peu près au même moment, un petit garçon se cache derrière une pierre tombale. L’enfant a fait le mur, mettant des coussins sous son duvet pour faire croire à ses parents qu’il est toujours là. Il a attendu le moment où les deux étaient à la salle de bain pour franchir la porte d’entrée de l’appartement, discrètement. Puis, il était sorti, prêt à se rendre invisible si nécessaire. Et là, il se tenait prêt, attendant simplement d’être sûr que l’endroit était désert. Il serre un peu plus fort la pelle qu’il a trouvé non loin. Il va falloir être rapide et ce ne sera pas discret. Au moins, avec la pluie qui était tombée, la terre est-elle plus facile à creuser.
Dans la forêt, la fête battait son plein. La fin des trombes d’eau en début de soirée était une véritable bénédiction. Organisée autour d’un petit chalet, elle rassemble une bonne centaine de personnes, la majorité en train de danser sur un son électronique, diffusé par d’immenses amplis reliés à un générateur. Non loin desdits amplis officie un DJ, l’air limite en transe, tant il est concentré. Les gens présents se divisent, aux yeux de Marthy en deux catégories : les jeunes hippies, plus ou moins drogués/alcoolisés et les vieux hippies, totalement out, ou au mieux, délirants. Et là, au milieu, il cherche sa cible. Ne pas l’effrayer, réussir à gagner sa confiance, l’emmener dans un coin tranquille et le faire parler. Balayant la foule des yeux, l’inspecteur finit par trouver sa cible, en train de tranquillement acheter des petites pilules à un autre homme, plus âgé, vêtu de fringues du genre « vieux pull en authentique poil de mouton, certifié non-lavé depuis 10 ans ». Tranquillement, Marthy attend qu’ils aient fini, puis s’approche de Jacques et le salue, lorsqu’il sent un truc froid dans son dos…
Dans le cimetière, le petit garçon s’est approché, et après avoir vérifié le nom, à commencer à creuser la terre. Au moment où il heurte enfin le cercueil, il croit entendre un bruit. L’enfant se retourne juste à temps pour recevoir un violent coup et s’écrouler. Dans son inconscience, il sent tout de même que son agresseur le tient et le déplace.
Marthy ne bouge pas. La voix d’une femme se fait entendre derrière lui : « Alors, comme ça, la police fédérale s’intéresse aux fêtes goa maintenant ? »
Rapidement, le policier réfléchit. Bien sûr, il aurait du s’en douter. Un incarnat avec un tel poste n’était pas des plus discrets. Cette voix ne lui dit pourtant rien. Aussi notre héros répond-t-il : « Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. »
Bref silence, puis la pression se fait plus insistante tandis que la voix ajoute : « Allons, venez avec nous, nous allons parler un peu à l’écart. ». Le policier obtempère, escorté de la femme, du dealer et de Jacques. Ils marchent un bon quart d’heure, s’éloignant gentiment, jusqu’à une autre clairière, plus sombre.
L’inspecteur peut sentir la peur chez Jacques, dans sa démarche, sa façon de lancer des regards inquiets. Il n’a pas l’air d’avoir l’habitude de ce genre de choses. Les deux autres, en revanche, semble bien plus sûrs d’eux. Arrivés au milieu de la clairière, ils s’arrêtent et la femme dit : « Bon Jacques, tu sais ce qu’il te reste à faire… ».
L’homme tremble, il semble terrorisé. La voix féminine se fait plus douce et ajoute : « Pense à tout cet argent voyons. Et puis, surtout, pense à ta petite fille… ». Lentement, très lentement, Jacques se retourne. L’homme tient un pistolet à la main. Tremblant, il le lève, braquant le policier, sous l’œil impassible du dealer. Dans ses yeux, Marthy peut lire le dégoût, le regret et la crainte. Il n’a pas le choix.
Son doigt se pose sur la détente, il vise et tire. La femme qui se trouvait derrière Felicia écarquille les yeux. Une tache rouge commence à se dessiner au milieu de son magnifique pull orange. Sans un bruit, elle tombe au sol, ses yeux exprimant pour l’éternité la surprise tandis que son dernier souffle quitte ses lèvres. Le dealer porte la main à sa ceinture en grognant de surprise. Personne ne peut disparaître ainsi! Une fraction de seconde plus tard, sa boîte crânienne explose, emporté par un tir de l’inspecteur, qui se trouve soudainement derrière Jacques. Ce dernier fait volte-face et se retrouve avec un pistolet braqué sur son visage. La voix de Marthy est froide lorsqu’il dit à Jacques : « Faisons un marché. ».
Quelques instants plus tard, Jacques s’approche d’une voiture, parquée en dehors de la forêt. Un homme, adossé au capot, finit de tirer sur sa clope en le voyant arriver et lui demande : « Alors, c’est fait ? Où est le corps ? ».
Jacques ne lui répond pas. Il demande où est Amanda, sa fille. L’autre affiche un rictus satisfait et lui dit qu’elle se trouve chez Ophélie. L’instant d’après, il s’effondre, frappé par la crosse de l’arme de service du policier. Jacques regarde Marthy menotter l’homme et le jeter sur la banquette arrière, ahanant sous le poids du corps. Ceci fait, l’agent fédéral verrouille la voiture et dit simplement à Jacques, sur le ton de la conversation : « Dans dix minutes la police sera sur place et j’irai les accueillir avec toi. Dis-moi tout ce que tu sais sur la mort de ton frère pendant qu’on y retourne. »
Et Jacques parle. Il raconte le drame, comment il a brisé la vie de ses parents, sa vie aussi et surtout celle de Françoise. Françoise ? Oui, la compagne de Paul à l’époque. Non, il ne l’a pas revu après l’enterrement, mais elle était dévastée. Marthy lui dit alors qu’il en sait assez.
Lorsqu’ils arrivent, la fête est finie. Désormais, de nombreux policiers s’affairent, dont le lieutenant Nançoz, qui ne semble pas très heureux de voir son collègue. L’aube ne poindra pas avant longtemps pour les gens présents …
Le jeune garçon s’éveille. Il est dans une allée du cimetière. Du sang s’écoule d’une plaie sur son front. Se relevant d’un bon, il fonce à la tombe. Le cercueil est toujours là. Il finit de le dégager et l’ouvre. Vide. Ce foutu cercueil est vide. Alors il avait raison. Dès qu’il le pourra, il contactera le Capitaine pour lui annoncer la nouvelle.
Pendant ce temps là, quelqu’un est au téléphone. Son premier interlocuteur lui fait son rapport et l’individu ne peut s’empêcher de sourire. Tout se passe comme prévu. Le second en revanche le met dans un état proche de la rage. Cris, invectives, menaces. Comment ce demeuré a-t-il pu rater son coup ? Ce n’était pourtant pas compliqué. Tant pis, qu’il s’y prenne autrement. Et fissa, sinon… il sait ce qui l’attend. Le correspondant déglutit, audiblement mal à l’aise. Il promet qu’il va régler ce problème au plus vite. Fin de l’appel.
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… le dénouement survient…
un peu de son?
Le petit garçon était tranquillement en train de faire ses devoirs de mathématique, lorsque sa maman s’approcha de lui, souriante. Grande, un peu grasse, munie d’une voix aigüe et toujours tirée à quatre épingles, elle respire la bourgeoisie. De sa voix douce elle lui dit juste :
Tu as une amoureuse ? Si oui, elle a une jolie écriture…
Et de poser sur la table une enveloppe avec le prénom de son fils manuscrit délicatement en rose dessus. Oh et un petit chaton Hello Kitty. Perplexe, le garçon regarde l’enveloppe. Il n’a pas d’amoureuse… Se saisissant de sa règle, il ouvre l’enveloppe. Dedans, une lettre manuscrite, très courte, d’écriture féminine qui dit :
Cher Chevalier,
Je sais qui vous êtes et qui vous cherchez. Je peux vous aider. Rendez-vous ce soir devant les anciens abattoirs. Vous ne pourrez pas me manquer.
Amitiés
M.
L’enfant la relit, puis décide d’aller téléphoner à son supérieur, pour l’informer du rendez-vous, au cas où…
Au même moment, après avoir passé la nuit à remplir de la paperasse, Marthy se cale dans son fauteuil, s’allume une clope et commence à réfléchir. Si ce n’est pas le frère, ce serait donc Françoise, c’est évident. La question du moyen reste toutefois à éclaircir. Son téléphone portable sonne alors. D’un geste prompt, il décroche et répond :
Ouais, Marthy ?
Au bout du fil, c’est une voix d’homme, très calme, qui lui répond :
Bonjour Ange Felicia. J’espère que je ne vous réveille pas. C’est l’Ami Lex à l’appareil, je vous appelle au sujet de votre affaire…
Felicia déglutit et répond immédiatement :
Elle est en passe d’être résolue, Ami.
Son correspondant se contente de dire :
Fort bien. Je vous demande donc de m’envoyer tous vos documents, une autre équipe va se charger de terminer votre excellent travail.
Bref silence, pendant que Felicia encaisse la nouvelle avant de demander d’une petite voix :
Pourquoi ?
Immédiatement, son interlocuteur réplique, toujours aussi calme :
L’autre équipe, plus chevronnée, enquête sur une autre affaire et a réussi à trouver un lien. Vous connaissez la règle dans ce cas.
Docile, l’angèle répond :
Bien sûr, Ami. Quand suis-je réaffectée ?
D’un ton toujours aussi doux, Lex répond :
À la fin du mois, soit d’ici dix jours.
Très calme, Marthy dit simplement :
Bien, autre chose, Ami ?
Non, ce sera tout. Bonne journée.
Marthy s’enfonce un peu plus dans son fauteuil. Bien sûr, il connait les règles, mais tout cela le chiffonne. Son supérieur aurait pu au moins le laisser boucler cette histoire. Après tout, ce n’est rien de bien compliqué. Alors, tant qu’à faire, elle va mâcher le boulot à ses collègues en retrouvant Françoise et en accumulant les preuves. Simple et efficace.
Quelques instants plus tard, Felicia appelle Nançoz, afin d’en apprendre un maximum sur Françoise. Rapidement, le dossier lui est faxé et elle se plonge dans son étude, sombrant toutefois rapidement dans un sommeil agité et peu réparateur.
Début de soirée, abattoirs.
Le gamin attendait, tranquillement, caché derrière des caisses et des palettes en bois, guettant la mystérieuse femme, se demandant si c’est un piège. Alors qu’il réfléchit à sa situation, des bruits de pas se font entendre sur le bitume. Talons, c’est donc une femme. Il jette un œil. Pas spécialement grande, un peu ronde, rousse, clope au bec, lunettes de soleil noirs, vêtements noirs. Pas l’air d’une tueuse, mais c’est le cas de bien des gens, n’est-ce pas ?
Lentement, avec circonspection, le gosse sort de sa cachette et s’approche d’elle. La femme le regarde faire en souriant et quand l’enfant est à peu près à trois mètres d’elle, lui dit :
Ce n’est pas un lieu recommandable pour un enfant, qu’il serve Andromalius ou non. Enfin, mon supérieur sera satisfait je pense.
Elle finit de tirer sur sa clope et la jette au sol. La seconde suivante, l’enfant n’a plus de tête et disparaît dans un *PLOP* du plus bel effet.
Sur un toit, à quelques centaines de mètres de là, un homme range son fusil à lunette et prend son téléphone. Après quelques sonneries, il entend la voix qu’il attendait et dit :
- C’est fait Capitaine. C’est toujours un plaisir de rendre service, surtout quand il s’agit d’éliminer des anges.
- Parfait, Chevalier. Je saurai être reconnaissant pour cet acte, comptez sur moi.
Et l’homme disparaît dans la nuit.
À peu près au même moment, banlieue lausannoise.
D’un pas lent et prudent, l’agent franchit la porte d’entrée de l’immeuble. Arrivé au premier, il observe la sonnette et tente d’ouvrir la porte. Cette dernière n’étant pas fermée et en bois plutôt ancien, s’ouvre en craquant doucement sur une sorte de couloir rouge au tapis noir, tandis qu’un chat tout blanc se met à miauler. À gauche, une cuisine antédiluvienne. À droite un salon, avec une télé, une cage contenant un hamster, une sorte de drapeau noir avec écrit en lettres d’or « Primordial » dessus. Un canapé imitant le style léopard vient compléter le tableau. Tout droit, une porte menant visiblement à une salle de bain, bâtie avant la cuisine semble-t-il. À droite, une porte fermée à clef et à gauche, une porte, également fermée à clef. L’agent hésite un moment. Tout cela est illégal. Il n’a aucune excuse. Mais comme tous les lecteurs de Spirou le savent, parfois, il y a des choses à faire qui sont au-delà de la Loi, pour le bien commun, voire suprême…
Un coup de pied plus tard, la porte de gauche s’ouvre sur une chambre assez petite, occupée en grande partie par un lit double en fer, avec des menottes de chaque côté du montant supérieur. Le policier commence tranquillement à fouiller : sous le lit, dans l’armoire à vêtements, sur les étagères… Finalement, il regarde sous le matelas : jackpot. Des dossiers. Au même moment apparaît… une chose. Peut-être est-ce un être humain, difficile à dire avec tous ces cheveux sales qui couvre son visage. Et cette odeur qui se dégage de lui, car il semble bien que ce soit un mâle Ses yeux expriment le vide et la surprise. Instinctivement, le fouineur dégaine et braquant l’autre individu dit d’un ton sec :
Bouge pas du con, ou je te fais un nouvel orifice.
L’autre le regarde incrédule, l’air encore plus perdu qu’avant. Il recule doucement, puis détale franchement. Le visiteur rengaine et commence à lire. Au fur et à mesure de sa lecture, son visage blêmit. C’est impossible. Une telle chose est impensable et pourtant… elle est arrivée. D’un geste rapide, Marthy saisit son téléphone. Ils ne le croiront sûrement pas, mais il n’a pas le choix. Il doit le faire. Pour la Vérité.
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… et l’épilogue clôt l’histoire.
Comme pour toute fin, il y a une musique trooop dark.
Procès-verbal numéro 64487-2787387-3573 daté du 12 juillet 2010, ND, Paris. Interrogatoire dirigé par Maître Magister,ci-après "M.M." grade 3 de sa Sainteté Suprême Dominique. Personne interrogée : Ange Felicia, ci-après "A.F." grade 0 de sa Sainteté Suprême Dominique.
M.M. : Vous êtes consciente j’espère de la gravité des accusations que vous portez ?
A.F. : Tout à fait Maître. Dois-je encore raconter la découverte des preuves ?
M.M. : Oui, c’est nécessaire pour le procès-verbal. Reprenez donc au mois de juin dernier, lors de votre enquête dans l’appartement.
A.F. : Donc, je venais d’arriver dans l’appartement d’un potentiel renégat, soupçonné de meurtre d’humain. J’entre, je fais détaler un individu non-identifié et puant, et là, je tombe sur les dossiers.
M.M. : Détaillez-en le contenu je vous prie.
A.F. : Des photos coquines et surtout du texte, concernant aussi bien nos agents que ceux d’En Face. Sur les photos, on voit toujours la personne que je traque, avec un homme. Deux différents au total.
M.M. : Bien. Avez-vous identifié les hommes ?
A.F. : Un seul des deux, l’Ami Lux.
M.M. : Vous êtes bien consciente que vous accusez, en réitérant votre identification, un grade 2 de votre propre hiérarchie de collusion et de fornication avec l’ennemi.
A.F. : Oui Maître. De plus, certaines informations, comme mon incarnat, se trouvaient dans un dossier, laissant sous-entendre que l’Ami a mis en danger des anges à son service.
M.M. : Qu’avez-vous fait ensuite ?
A.F. : J’allais ressortir, quand j’ai entendu une voix féminine m’intimer de ne plus bouger, ainsi que le bruit caractéristique d’un chien que l’on arme. J’ai vu alors, sur le seuil, la personne vivant là, le renégat qui me menaçait.
M.M. : Comment avez-vous réagi ?
A.F. : Comme un bon ange de Dominique : repli via téléportation, puis usage de mon arme pour désarmer le suspect. Ce dernier a ainsi pu être appréhendé et après téléphone avec ND, exfiltré jusqu’aux geôles angéliques les plus proches.
M.M.: Mais encore ?
A.F. : J’ai attendu les renforts en gardant le suspect à l’œil, puis j’ai copié les dossiers et ai transmis les copies à la hiérarchie. J’ai planqué les originaux, pour au cas où.
M.M.: Cas où… ?
A.F. : La hiérarchie tenterait d’étouffer l’affaire. Pour éviter cela, j’ai bien évidemment transmis des copies aux services de Joseph et Blandine.
M.M.: *Bref silence et soupir* Bien. Dans ce cas, nous allons vous exfiltrer sous un nouveau nom, dans un lieu sûr, le temps que l’instruction soit assez avancée pour que vous soyez convoquée en qualité de témoin.
A.F. : Parfait, Maître. Autre chose ?
M.M.: Faites attention à vous et que le Seigneur vous garde.
A.F. : Vous aussi, Maître.
Fin de la transcription.
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