Oups ! - Je t'avais pourtant prévenu !

[Nastarël]

La Citée Éternelle... Ou l'art de passer son temps à philosopher dans le vide. Tel était le lieu où évoluaient  Nastarël et son frère.  Autant dire que cette paire détonnait dans le paysage. Curieux de nouvelles expériences, têtus et au caractère fort, il n'était pas rare de voir les deux frangins se disputer, perturbant ainsi le calme environnant. Rien de violent bien sûr... Des chamailleries permanentes qui finissaient en bouderie, jusqu'à ce que Nastarël revienne chercher son frère.

Il faut dire que Naqiyël était relativement turbulent, cherchant toujours à se faire remarquer par des réflexions peu constructives, juste pour le plaisir d'ouvrir des débats stériles aux yeux de leur confrères.  Nastarël, plus posé, prenait toujours le temps d'observer ce qu'il se passait avant d'en débattre, se plongeant parfois pendant des heures dans diverses contemplations au grand désespoir de son frère.

Mais ce qu'il aimait par dessus, c'était ces instants où il discutait avec son frère, même si celui-ci avait tendance à s'égarer dans des réflexions sans queue ni tête. Il aimait observer les réactions enfantines de son jumeau quand il se permettait de le remettre sur les rails. Oui, il l'aimait profondément, mais ne disait rien, se contentant d'apprécier les instants où ils étaient complices. C'est pour cela qu'il tentait à chaque fois d'intéresser son frère aux différents évènements qui se déroulaient en bas... Les océans, les continents, l'apparition des premières formes de vie et leur évolution... C'était si fascinant !

Hélas, son frangin ne voyait pas cela du même œil que lui et se désintéressait vite. Alors il partait dans des spéculations, cherchant à prouver par tous les moyens que ses arguments étaient justes et que ses pairs ne savaient vraiment pas s'y prendre. Certes Nastarël était plus calme, mais il avait aussi son tempérament et ne dire que des bêtises n'est pas de son goût. Rigoler de temps en temps passait, mais aller critiquer le travail le leur Père était inconcevable. Ils leur devaient le respect. Dans ces moments là, il n'est pas rare que l'échange verbal finisse en conflit. Mais les deux anges revenaient toujours l'un vers l'autre, ne voulant briser ce lien qui leur était si cher.

Alors la vie reprenait son court... Dispute, complicité, arguments, bagarres... Un duo de chat et chien se chamaillant avec amour pendant que sur Terre, la vie se développait.

Un jour, Sariël et Raguël lancèrent le projet de descendre sur Terre afin d'évangéliser de grands archosaures : les dinosaures. Cela faisait un moment que Nastarël les observait et cette mission le combla d'excitation. Il était également persuadé que son frère ressentirait le même engouement que lui. Sans plus attendre alors il courut jusqu'au sanctuaire où se trouvait son double et lui proposa de venir avec lui, sur terre, pour aider à concrétiser cette expérience. Hélas, son frère refusa tout net, affirmant qu'il pouvait bien partir seul, ça ne le dérangera pas, bien au contraire. Il faut dire que les deux anges s'étaient une fois de plus chamaillé la veille et Nastarël avait finit en traitant son frangin de salle gosse. La fierté de  Naqiyël avait été piquée au vif et il voulait montrer ainsi qu'il pouvait très bien se débrouiller seul.

Nastarël fut blessé mais compris que la séparation était nécessaire pour que son frère se calme. De plus il ne comptait pas passer cette chance à cause des caprices de son frère. Lui aussi d'une certaine manière avait sa fierté mal placée. C'est ainsi qu'il décida de partir malgré tout, sans savoir que cette expérience le changera.

[Naqiyel]

On s'embête!

Les pensées qui trottaient dans la tête de l'ange étaient de plus en plus semblables. La vie ici haut devenait d'un terne. La contemplation se changeait en expectative, et la beauté de la Cité Éternelle ne suffisait plus à combler l'ennui et, bien qu'il refusait de se l'avouer, la solitude de Naqiyël.

Au début, cela semblait simple. Un ange était capable de s'amuser de peu de chose en ces temps primordiaux, mais Naqiyël était considéré comme turbulent par la plupart de ses pairs. Trois siècles seulement lui avaient suffi à se lasser de la dérive des continents. On avait beau lui avoir dit qu'en trois siècles, il n'avait rien pût voir, mais c'était plus fort que lui. Incapable de tenir en place il avait dégagé du spectacle...

L'apparition de la vie avait brièvement réussit à l'intéresser, mais bien moins que son frère. Ouais c'était cool, mais quand on avait vu une de ces cellules, on les avaient toutes vue non ? Alors si en plus vous avez un frangin qui vous détaille tout ça par le menu, pas trop la peine de regarder...

Naqiyël avait donc apprit qu'on ne pouvait pas jouer à la balle avec ces « cellules », trop petites, et, qu'elles ne l'eussent été, trop flasques. Au fur et à mesure que la vie se développait, Nastarël faisait un topo régulier à son frère, bon an, mal an, car ce dernier l'interrompait régulièrement de questions, pas toujours pertinentes. Souvent, ces « cours » se terminaient en dispute, comme c'était fréquent entre les deux anges. La dernières en date revenait à ce que Naquiyël s'étonnait qu'il n'y ait que deux sexe. A l'époque, il ne s'agissait encore que d'échange de gamètes entre deux individu plutôt que de l'emploi de la parthénogenèse. Rien de bien excitant donc. L'idée de mâle et de femelle faisait à peine son arrivée, cela restait très basique, et justement l'exubérant ange trouvait qu'au lieu de deux éléments, en mettre une dizaine devrait rajouter du pep's.

Ces idées grossières avaient agacé Nastarël, qui, pour son malheur, avait tenté d'expliquer que le monde créé par le Père Éternel était fondé sur le chiffre deux. Pour preuve, tous les anges étaient par deux. L'inconstant qui lui servait de frère lui avait alors rétorqué que ce n'était qu'une base, et qu'on pouvait bien se mêler à d'autres gens, voir même oublier son frère. L'insolent avait dit cela sur un ton de défi et la chamaillerie se fit bagarre. Le lendemain tout était oublié comme d'habitude, sans qu'aucun des deux n'ai obtenu raison.

Pour une fois il y eût quand même une conséquence, celle qui nous amène à la situation d'un Naqiyël qui s'ennuit. Sariël et Raguël ont monté une expédition sur Terre. But du jeu: l'évangélisation des dinosaures. L'idée serait venue de lui, Naquiyël serait descendu avec eux : ces grosses bébêtes avaient l'air vachement plus intéressantes que des organismes monocellulaires... Et ils avaient tous abandonné la parthénogenèse  (même s'ils s'étaient stupidement cantonnés au chiffre deux). Seulement voilà: c'est Nastarël qui annonça la nouvelle à son frère et lui proposa de l'accompagner. La conversation revenant en tête du moins mature des deux, ce dernier ne manqua pas de signifier qu'il pourrait très bien se passer de lui.

Comprenons nous bien: Naquiyël ne souhaitait en aucun cas « punir » son frère en le faisant souffrir,  tout ce qu'il voulait c'était prouver qu'il pouvait vivre sans le coller. Mais son esprit a énormément de mal à se projeter dans le futur. Il fit donc le coq, prit une mine hautaine qu'il avait vu sur l'ange qu'il s'était choisit en modèle, et se détourna de son frère d'un geste majestueux.

Ça a duré trois jours. Maintenant, notre ange regrette sa décision, et descendrait volontiers, la conversation des autres anges manquant du sel qu'elle avait avec son frère. Solitaire, notre ange déambule dans les rues de la Cité Éternelle sans trop savoir quoi faire de ses dix doigts, chantant de temps en temps les louanges du Seigneur, mais même là sa voix solitaire as perdu de sa superbe.

[Nastarël]

C'est donc seul que Nastarël parti sur terre pour l'évangélisation des dinosaures.  Son frère voulait faire le fier, grand bien lui fasse ! Qu'il reste là-haut à faire le beau avec ses nouveaux amis, cela lui fera des vacances. Malgré tout, l'ange ressentait un petit serrement au cœur en constatant que son âme sœur ne se sentait pas aussi motivée que lui sur le sujet. Il faut croire que les sentiments que l'on porte à une personne ne sont pas toujours retournés de manière équivalente.

Heureusement pour l'ange, l'arrivée sur Terre fut tellement impressionnante qu'il en oublia vite sa déception, tout émerveillé qu'il fut de contempler de près ce magnifique univers. Des paysages à perte de vue, variant entre la forêt luxuriante et le désert aride, peuplés par des individus plus intéressants les uns que les autres : les dinosaures, les plésiosaures, les ptérosaures, les ammonites... mais aussi des animaux plus discrets dont on apercevait le pelage seulement quelques instants avant de les voir fuir au fond d'un terrier... Nastarël aurait volontiers passé plus de temps à observer tous ces êtres, mais la mission ne s'y prêtait pas.

Sans plus attendre, l'ange se mit au travail. Objectif : l'Évangélisation des Dinosaures. Il fallait trouver un Messie et faire petit à petit réaliser la présence de Dieu aux grands archosaures, mais aussi aux plus petits. Dieu, Sariël et Raguël avaient mis toutes leurs espérances dans ces dinosaures, voyant en eux les êtres à qui on pourrait confier l'avenir de la Terre.

Hélas, le résultat fut loin de celui escompté. Au lieu d'écouter Denver et la parole de Dieu,  les dinosaures s'occupèrent que de leur petite personne. Ils n'en firent qu'à leur tête.

Les sauropodes n'en avaient cure, tandis que les Tyrannosaures, avec leurs griffes acérées et leurs regards de tueurs, passaient leur temps à martyriser les plus petits et tentaient par tous les moyens d'assoir leur dominance. On était loin du concept de s'aimer les uns les autres. Clairement, les dinosaures n'en avaient rien à foutre de ces histoires d'évangélisation. Nastarël fut impressionné par ce manque d'intérêt. Même son propre frère, qui pourtant dépassait les limites du jemenfoutisme, était plus attentif et sensible aux choses. C'est pour dire.

Pour mieux comprendre la chose, visualisons un exemple. Sous la demande de Sariël, les anges présents sur Terre devaient rencontrer les dinosaures pour leur parler des préceptes divins et leur vanter les voies de Dieu. Nastarël était très enthousiaste à l'idée et s'attela à cette tâche sans plus tarder. Au milieux d'une forêt, il aborda un Vélociraptor. Après avoir réussit à lui faire comprendre que tenter de le manger était vain, il expliqua au dinosaure que c'était pécher que de tuer ses congénères, que de toute façon, manger un autre dinosaure équivalait à du cannibalisme, qu'il y avait sur terre tellement d'autre nourriture qu'il pouvait s'arrêter de tuer les être plus petits que lui. Le Vélociraptor l'écouta et accepta, promettant de ne plus chasser de dinosaure.

Nastarël était ravi, il avait mis un de ces êtres sur la bonne voie. Mais alors qu'il se préparait à partir vers une nouvelle âme à convertir, il surprit son interlocuteur à piller un nid d'Edmontonia . Effaré, l'ange l'interrompit immédiatement :

"Mais que fais-tu donc là ! N'as-tu pas promis de ne plus tuer un de tes congénères ?

- Ben quoi ? Ce ne sont que des œufs, faut bien que je bouffe !

- Mais non ! Ce sont les enfants d'un autre dinosaure ! C'est un meurtre que tu fais ! Tu avais pourtant  promis de ne plus chasser !

- Ouais ! J'ai promis de ne pas chasser ! La chasse, c'est quand on poursuit sa proie. Là, ça ne bouge pas. Ce n'est donc pas de la chasse, c'est encore moins vivant !

- Mais non seulement tu voles ces œufs, mais en plus tu les manges ! C'est un meurtre !

- Ouais ben ton dieu, il est pas clair... Il n'est pas content quand je chasse et pas content quand je ne chasse pas ! Faut qu'il se décide à force. Je suis bien gentil ! Mais je ne suis pas une dinde ! Je ne vais pas commencer à bouffer des radis pour faire plaisir à un type que je ne connais même pas !"

Bref, ce fut un désastre total pour la communauté angélique. D'un claquement de doigts, Dieu effaça ces individus de la surface de la Terre et les anges furent priés de rejoindre la Cité Éternelle. Ce passage ne fut pas sans conséquence pour le peuple de le Cité, mais aussi pour notre ange. Déçu de l'attitude de ces animaux qui l'avaient fait si souvent rêvé, il décida qu'il ne se passait finalement rien de bon sur Terre et se désintéressa de ce sujet.

Il apprit également quelque chose sur lui... Il avait besoin d'être près de son frère.

C'était comme maladif. Plus le temps passait et plus la sensation de manque se fit sentir à l'intérieur de son être. Il ne compris pas immédiatement ce qu'il se passait, peu habitué à ce genre de sensation. Au départ, il attribua ce sentiment à un contre-coup de son arrivée sur terre, comme un genre de mal de Terre. Mais très vite, il compris que son frère lui manquait. Ses conversations bien sûr, ses prises de bec aussi ; mais surtout ces instants où Nastarël le serrait dans ses bras.

C'est à ce moment qu'il réalisa à quel point il était tactile avec son double. Toujours prêt à glisser sa main dans ses cheveux pour les ébouriffer, à le serrer contre lui ou à lui caresser le dos quand il se penchaient sur le même ouvrage. Il se rappela que Naqiyël se plaignait d'ailleurs souvent de cela, râlant et protestant avec véhémence qu'il n'était pas un gamin à chouchouter. Cela pourrait paraître bizarre pour certains, mais Nastarël décida de ne pas trop s'en inquiéter plus que cela. Après tout, il aimait son frère, donc quel mal y avait-il à cela ?

Au moment de rentrer chez les siens, une seule envie le tenaillait, celle de retrouver son frère et de lui faire un gros câlin, chose qu'il ferait dès leurs retrouvailles et tant pis s'il n'était pas d'accord !

[Naqiyel]

Les journées de Naqiyël étaient toujours semblables: d'abord, il fallait « LE » retrouver. « IL » prenait toujours un chemin différent, choisissant toujours ce qui pourrait le mettre en valeur, tantôt prenant des routes de cristal, tantôt des sentiers de roses.

Bien sûr, ce n'est pas ca qui attirait Naqiyël... Plutôt un ensemble... Au début, il se contentait d'imiter sans habileté des comparses anges pour mieux s'intégrer. Et eux « LE » suivaient. On collaborait, on se gênait, parce que jamais au grand jamais le Grand Anaël ne s'adresserait aux petits anges sans intérêt qu'ils étaient. Mais de toute façon ce n'était pas ce que cette horde d'admirateur attendait. D'ailleurs, ils étaient tous si persuadés d'être indignes de lui qu'ils se cachaient. Oh, de façon bien maladroite, car le but du jeu demeurait de « L »'admirer. On se tordait donc le cou, on se cachait derrière un mur, le haut de la tête seul dépassant. Et l'Ange de Puissance continuait sa route, imperturbable, ne faisant jamais montre de remarquer quoique ce soit.

Invariablement, la créature parmi les plus belles de Dieu trouvait l'objet de sa propre quête. Il brisait alors là son indifférence affectée, et remarquait enfin tout ses fans qui le suivaient avec force de discrétion. Pas de voix, pas d'éclat, juste un regard. Il fixait chacun de ses traqueurs avec calme et patience, jusqu'à ce que l'objet de son attention comprenne qu'il doit partir. Certains tentaient des bredouillements risibles, qui jamais ne provoquaient de moquerie ou de sourire de la part d'Anaël. Plus le temps passait, ceci dit, moins le regard était suivi de discution. A l'image de leur modèle, de nombreux anges quittaient les lieux sitôt le regard posé sur eux, parfois même à l'instant précis ou le but du promeneur était visible. Car chacun avait compris qu'Anaël ne devait pas être dérangé quant il se trouvait en présence du seul ami qu'on lui connaissait: Samaël.

Il y avait alors comme une envolée d'oiseaux aux ailes immaculées. Un Chœur de chant, pour compenser le dérangement, s'imposait à la gloire de Dieu. Et invariablement, ce groupement se retrouvait à l'écart. Les conversations louaient le Seigneur d'avoir créé un type qui avait autant la classe qu'Anaël, et rapidement une hiérarchie s'imposait. Ceux qui l'imitaient à la perfection, prenant la même indifférence souveraine, les premiers à s'envoler quand l'ange de Lumière était en vue, et ceux qui en étaient encore au bredouillement stupide quant ils étaient repérés. Devinerez vous ou était ce jacasseur de Naqiyël?

C'est qu'il jouait des coudes le petit ange, se prenant au jeu du cache-cache, impressionné par la maestria de ses comparses, mais sans jamais que cela n'affecte sa propre envie d'en remontrer. Oh ca, il bredouillait quand l'Ange de Puissance le toisait, et si son teint ne virait pas au rouge d'une tomate, c'était seulement parce que les seules couleurs ici haut étaient toutes pastelles. Comme pour compenser une absence, le petit ange s'attachait à se chamailler avec d'autres que son frère, et ceux là... Eh bien ils l'acceptaient en fait. Il faut bien le dire, avoir quelqu'un qui vous admire est le but du jeu pour tous ces apprentis paons, et Naqiyël remplissait pleinement cet office, quoiqu'il fût lui aussi en manque d'admiration au milieu du lot.

Nous devons comprendre qu’ils restaient des anges. Et l'orgueil qui les animait n'était que l'embryon de ce qu'il sera plus tard. A cette époque, cela restait encore bon enfant, et tout le monde s'aimait de bonne foi. Le turbulent Naqiyël troublait par ses incessants commentaires, pas toujours constructifs, mais qu'il sache flatter et il était le bienvenu dans ce groupe. On le prenait sous son aile, aussi, car même lorsqu'il contestait, il était clair qu'il ne voulait rien de mieux qu'imiter Celui qui était parmi les plus beaux d'entre eux.

Oui, Naqiyël s'était donc fait des amis. C'est pourtant avec joie qu'il accueillit son frère Nastarël à son retour.

[Nastarël]

La Cité Eternelle, enfin ! C’est avec joie de l’ange Nastarël retourna chez lui. Il en avait sué sur Terre et tout cela pour rien finalement. Cela n’avait fait que renforcer sa pensée qu’il n’y avait qu’avec son frère qu’il pouvait partager des idées intéressantes, même si ce dernier s’amusait parfois à le faire tourner en bourrique. Ah ! Qu’il lui avait manqué ! D’un pas vif, il traversa les différents chemins, pressé de revoir la tignasse folle de son double et de le serrer contre lui. Encore quelques tournants et il serait en vue…

"Naqiyël !"

Nastarël hâta le pas vers son frère avec un sourire radieux. Chose promise, chose faite, sans ajouter un mot et sans faire attention à ce qu’il y avait autour de lui, il serra l’ange contre lui, se gorgeant de la présence de celui-ci. Oui, il était rentré et en était heureux. Tout allait pouvoir recommencer comme avant.

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Son frère était en conversation avec un de ses nouveaux amis. L'interruption fût brusque, mais les deux parents s'enlacèrent sans que personne n'y trouve rien à redire. Un long moment d'ailleurs, avant qu'enfin le charme ne soit rompu par le plus grégaire des deux.

T'es déjà de retour !

Une voix enjouée et un regard pétillant attestèrent de l'enthousiasme de l’accueil de Naqiyël. Il se détacha néanmoins un peu vite de son frère au premier toussotement du troisième ange.

Ha... Je te présente Zeruel, un ami... Et ça, c'est Nastarël... Il évangélisait les dinosaures sur terre.

Le toussotement se changea alors en petite rire.

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Nastarël était ravi, apparemment la dispute était oubliée. Mais sa joie retomba assez vite à cause d’un opportun et de la manière de Naqiyël de présenter son frère… « ça ». N’oubliant  pas que son jumeau était parfois malhabile, il ne s’en formalisa pas plus que de raison et salua le troisième larron. Le petit rire cependant le mit mal à l’aise. L’ange se moquait-il de lui ?

Enchanté de rencontrer un ami de mon frère, dit-il à l’ange qui affichait maintenant un sourire moqueur.  Ce sourire était vraiment agaçant à force, si bien qu’une question devait être posée. Il fallait quand même être subtil. C’était la première fois que Naqiyël lui présentait un de ses amis, il valait mieux ne pas le froisser pour éviter une nouvelle dispute aussi peu de temps après son retour.

Pourquoi rigolez-vous ? Je vous ai coupé dans une anecdote amusante peut-être ?

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L'inconnu plaça alors sa main de façon à masquer sa bouche. Il n'en demeura pas moins que, malgré cette politesse légèrement affectée, les yeux restèrent rieurs... Moqueurs ?

Je vous prie de m'excuser. Votre frère et moi discutions justement du brio de cette évangélisation. Et... heu... Comment vont les dinosaures ?

Absolument inconscient de la gêne de son frère, ni même du sarcasme de son ami, Naqiyël tourna des yeux curieux et visiblement innocents vers son double :

Oui, comment ils vont? Zeruël voulait me montrer la Terre justement, ça fait un moment que je ne l'ai pas regardé... Tu sais que je regrette de ne pas t'avoir accompagné? Tu as dût drôlement t'amuser en bas. Qu'est ce que tu as fait? Tu vas y retourner? Tu pourras m’emmener? Allez...

Les jacassements intempestifs de l'ange juvénile ne semblaient pas plus surprendre son ami que son frère. Le premier attendis sereinement la fin du débit, avec une patience tout angélique.

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Nastarël regarda d’abord le nouvel ami de son frère. Maintenant il comprenait mieux ce rire… L’ange savait sûrement tout du fiasco de cette mission et s’apprêtait à montrer à son jumeau à quel point son double s’était planté. Immédiatement il se renfrogna et se mit à répondre de manière évasive.

Oh… Finalement tu n’as rien manqué d’intéressant. Tu as bien fait de rester en haut. Mais je suis fatigué de ce long voyage.  Rentrons plutôt et tu pourras me raconter ce que tu as fais ces derniers temps.

Oui, Nastarel n’avait vraiment pas envie de revenir sur cet épisode décevant. Encore moins devant un ange qui souhaitait apparemment s’amuser à ses dépends. Il passa donc un bras autour des épaules de son frangin en espérant que celui-ci le suivre et remercia poliment mais froidement Zeruël.

Désolé de vous chasser, mais j’aimerais passer un peu de temps avec mon frère. Je pense que vous pouvez comprendre cela.

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Zeruel afficha un air d'acceptation, mais également de condescendance, en répondant.

Je peux en effet... Vous souhaitez parlez vous même de ce que notre Seigneur a pensé de votre travail sur terre. Vous y viendrez tôt ou tard... Nous nous revoyons demain Naqiyël.

Et d'un geste gracieux la créature ailé s’éleva dans les airs avant de disparaitre en chantant une louange. Un geste en guise de salut discret, et les deux frères se firent face:

Ben moi, ca vas être vite vu. Je me suis embêté, j'ai fait connaissance avec d'autres gens, et je t'ai attendu. On as bien rigolé, mais sorti des chants...

L'ange haussa les épaules peu convaincu.

Toi, par contre t'as dut voir des trucs nouveaux ! Tu ne vas pas garder ça pour toi... Allez raconte !

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Mais Nastarël n’avait vraiment pas envie de revenir sur cette débâcle. Son frère était réputé pour être caractériel et buté, mais lui aussi avait un peu de fierté mal placée. Il ne souhaitait pas perdre la face devant son frère.

Donc, sur le chemin les menant à leur demeure, à chaque fois que son frangin revenait sur le sujet, il répondait de manière évasive puis détournait la conversation. Il affirmait simplement que rien d’intéressant ne s’était déroulé puis passait du coq à l’âne, posant lui-même des questions sur les nouveaux camarades que s’était fait Naqyiël. Son attention se porta particulièrement sur le fameux Zeruël. Il savait que ce n’était pas bien, mais il ne pouvait s’empêcher de développer une certaine animosité vis-à-vis de cet individu qu’il ne connaissait pas finalement. L’instinct peut-être.

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D'abord Naqyiël répondit avec enthousiaste aux questions de son jumeau, ne tarissant pas d'éloge sur le petit fan club qui s'était formé autours d'un ange de Puissance. Il ne cacha rien, mais finit par comprendre que la réciproque n'était pas vraie. Deux sentiments se firent jour: la déception... Et l'envie. Le jeune ange se persuada bien vite que son frère devait avoir mené une vie d'aventure en bas, qu'il gardait pour lui...

Le coup fut dur. En effet la conversation entre les jumeaux ne suivait pas son cours habituel, qui était franche rigolade, suivit d'une dispute, suivit de la paix avant de revenir sur une franche rigolade. Sans doute était-ce l'influence de ses amis "classes", mais Naqyiël préféra rentrer l'information en son for intérieur sans rien dire à son double.

Plus tard, un temps relativement long vu l'éternité de la séparation, Naqiyël parti contempler la surface de la terre. Il ne trouva aucun dinosaure. Toutes les créatures gigantesques, ou non d'ailleurs, avaient disparu. Questionnant autours de lui, on lui expliqua que les créatures avaient été éliminées par Dieu lui même...

On dût mentionner l'échec de l'opération, mais Naqiyël compris surtout qu'il ne pourrait plus jamais descendre au milieu des dinosaures. Jamais il ne pourrait connaitre ce que son frère avait connu... et refusait de partager. Il en voulut à Nastarël, mais également à lui même, de ne pas être descendu...

Peu habitué de reprocher quelque chose de sérieux à son frangin (les disputes étaient souvent sur des sujets futiles), l'ange haussa les épaules et passa à autre chose. Non sans avoir eut cette ultime pensée:

La prochaine fois qu'il se passe un truc sur terre, je descends !

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L’occasion pour Naqiyël de descendre sur Terre se fit plus rapidement qu’il ne le pensait. Seulement quelques millions d’années plus tard. Alors que les deux frères reprirent le court de leur existence, une nouvelle forme de vie fit son apparition. Bien sûr, elle n’avait pas échappé à Nastarël, qui, malgré sa promesse avec lui-même de ne plus s’intéresser à ce qui se passait ici bas, ne pouvait s’empêcher d'y jeter des petits coups d’œil de temps en temps.  L'ange curieux sentit quelque chose se tramer dans la Cité Eternelle, mais la curiosité ayant ses limites, il n’accorda pas plus d’attention que nécessaire à ces drôles de formes humanoïdes… Les Hommes.

[Naqiyel]

Nastarël cherchait son frère depuis un moment. Que Naqiyël disparaisse sans prévenir, cela arrivait parfois, mais cette fois il y avait comme une tension dans la cité. Le dernier conseil avait été agité et les répercussions se faisaient sentir jusque dans les rues…

L’idée de retrouver son double se faisait plus pressante. Quelque chose se tramait, et si Naqyiël avait eut l’idée de s’en mêler il lui faudrait l’aider. Depuis son retour, son jumeau s’était fait plus secret. Il avait mit ça sur le compte de ses amis, qu’il ne pouvait s’empêcher de jalouser. Parfois, Nastarël avait l’impression que Naqiyël lui reprochait quelque chose. Mais au final, hormis ses absences répétées, les deux frères trouvaient toujours du temps l’un pour l’autre.

Jamais Nastarël n’avait tenté de s’intégrer au groupe d’anges superficiels que son frangin avait rejoint. Il en croisait régulièrement, notamment quant il partait à sa recherche comme à présent. Il nota d’ailleurs mentalement qu’aucun d’eux n’était dans les rues en ce moment. Les accusant de sa solitude, il prit le chemin d’un promontoire ou ces derniers se réunissaient parfois…

Et là, il les trouva. Le petit fan club d’Anaël bien sûr… Mais pas que… Devant ses yeux surpris s’étalait une large population d’anges, un parterre d’ailes immaculées. Ça discutait bon train, mais aucun ne chantait. Et il y avait du beau linge avec ça ! Au sol, en train d’organiser tout ce petit monde, on trouvait Remiel qui beuglait des ordres et Raguël qui s’évertuait à imposer la discipline, entre autre.

Dans le ciel, un seul messager de Dieu volait, et brillait comme un second soleil : l'Étoile du Levant, Samaël, l’Ange de Lumière. Il contemplait de haut toute la scène, et un instant Nastarël crût même qui le dévisageait.  Évidemment, à cette distance, il était peu probable que l’un comme l’autre ait pût se remarquer.

De plus en plus inquiet, notre ange n’en chercha son frère qu’avec plus d’intensité. Peu de participants à cette petite réunion ne le remarquèrent. Pourtant, Nastarël se sentait observé. Invariablement, il ne pouvait s’empêcher de jeter un œil au ciel, là ou planait l’ange préféré de Dieu. Néanmoins, il était moins repérable qu’à son arrivée à présent qu’il était dans la foule. Qu’on le suive avec précision du ciel lui paraissait aberrant, aussi chercha t’il à se calmer.

Et puis, que lui reprocherait-on ? Jamais on avait contraint qui que ce soit ici haut…

Notre intrus finit par trouver l’Ange de Puissance Zeadkiel, qui ne faisait à peu près rien. Aussi, partit-il à l’opposé.

En effet, Zeadkiel et Anaël s'appréciait si peu qu'ils s'évitaient autant qu'ils le pouvaient.

Bingo ! Anaël n’œuvrait pas plus que son frère détesté, mais ce qu’il ne faisait pas, il le faisait le plus loin possible de Zeadkiel. Et là, Nastarël trouva le petit groupe qu’il recherchait… Dont son propre frère à lui, qui faisait preuve d’un enthousiasme exubérant et sonore. A présent, Nastarël fut sûr d’être repéré vu les grand cris fraternels que provoquèrent son arrivée.


« T’es avec nous, Nasta’ ! Je savais pas ! C’est qui qui t’as invité ? Raguël ? »

Son frère faisait sans doute référence au fait qu’il avait déjà travaillé à l’évangélisation des dinosaures avec Raguël. Il lui sourit tant qu’il pût, gêné par la présence des amis fans d’Anaël qui entouraient le prolixe ange, avec parmi eux, Zeruël… Nastarël demanda:

« Salut… De quoi tu parles ? Je te cherchais partout ! Qu’est ce qui se passe ? »

La réponse ne sembla pas satisfaire Zeruël et les siens. Mais Naqiyël s’illumina de ce qui ressemblait à un triomphe.

« Ça te surprends hein ? On va descendre sur Terre… Moi aussi je vais voir la terre. On va accomplir le plan de Samaël ! »

Ces paroles choquèrent l’intrus. Son frère ne parlait ni plus ni moins que d’aller à l’encontre de la volonté de Dieu. Il s’agissait de se reproduire avec les humains afin d’obtenir une race parfaite qui aurait la liberté des Hommes et la gloire des Anges. Mais le Père Éternel avait déjà signifié son désaccord à ce projet, au grand dam de Samaël qui avait essuyé la première rebuffade de son existence.

« Êtes-vous fous ? C’est interdit… C’est… »

« C’EST L’HEURE ! »

Ce cri venait de Raguël. D’un seul geste, il s’éleva dans les airs, arrivant à hauteur de Samaël, tout aussi fixe qu’un astre, et d’un second geste il descendit en piqué, en dessous de l’horizon. Il fut suivit de très près par un groupe d’anges disciplinés.

Affolé, Nastarël s’entendit répondre de son frère :

« Allez… Viens avec nous… Ça va être drôle. Quant on remontra, Dieu reconnaitra son erreur. Et au moins tu seras sûr que je ne te cacherais rien de ce que j’ai fait en bas, moi… »

La bouche de Nastarël s'ouvrît et se referma. C’était donc ça le reproche muet de son jumeau. Il s’apprêtait à répondre quand :

« EN AVANT ! »

C’était Rémiel. Un spectacle grandiose s’offrit aux spectateurs, tandis que les suivants de Rémiel battaient des ailes littéralement en cadence. Eux aussi dépassèrent Samaël sans que celui-ci ne réagisse, son regard toujours posé sur les anges restants.

L’intrus s’emporta, paniquant presque :

« Naqi’, écoute-moi ! Ça va mal finir, tu ne dois pas descendre. »

Pour appuyer ses propos, l’intrus se saisit de l’avant bras de son frère. Mais il se passa quelque chose qui coupa court à toute altercation. A son tour Zeadkiel voulu s’élancer… Ce fût le moment que choisit Anaël pour s’envoler, passant littéralement devant son frère, et l’obligeant à se reculer lourdement, manquant presque de chuter. Évidement, le groupe de Naqiyël suivit son leader qui commandait silencieusement le départ. Zeruël se tourna vers Naqiyël.

« Choisis ton camp, mais choisis le maintenant. »

Dit-il avant de s’envoler à son tour. Se libérant de la prise de son double, le turbulent ange salua avec gaité son frère.

« Tu viens pas ? Bon, bah on se revoit plus tard alors… Ha… Et cafte pas ! »

C’est sans aucune inquiétude apparente, à cette époque où les châtiments n’existaient pas encore, que l’ange insolant s’éleva à la suite des autres. Il disparut derrière l’horizon comme ses prédécesseurs, sans même se retourner, sous les yeux écarquillés de son jumeau.

Le reste des anges disparut à son tour en un temps que Nastarël, sous le choc, ne saurait mesurer. En fait, quant il reprit ses esprits, il ne restait plus que lui… et Samaël.

Samaël n’avait pas changé de position. Il était désormais évident que c’était bien Nastarël seul qu’il observait avec attention. Son regard, pur et lourd était brûlant et évident. L’ange de Puissance était également la source d’une lumière qui rendait difficile sa contemplation, pourtant désirée. Nastarël se sentait tout petit, et devant cette Présence, il ne pût dire qu’un mot :

« Non »

Quoiqu’on ne lui ait posé aucune question, il semblait que cette réponse soit attendue. Les ailes, pourtant déployées, de l’ange grandirent encore, semblant dévorer le ciel. La lumière, pourtant déjà si forte devînt aveuglante. Puis plus rien.

Le Porteur de Lumière disparu, le ciel parut plus sombre…

….Beaucoup plus sombre.

[Nastarël]

Musique-Lacrimosa

Plus le temps passait, plus Nastarël sentit un nouveau sentiment naître en lui : La crainte. Ça commençait à gronder dans la Citée éternelle, Dieu n’ayant clairement pas aimé l’affront fait par son protégé, Samaël.

L’ange attendait donc le retour de son frère avec impatience, espérant que ce dernier ne fasse pas trop de bêtises en bas… Lui qui était naturellement gaffeur il faut dire. Il errait donc dans la Cité Eternelle au milieu de chemins Célestes. Parfois, il jetait un œil sur Terre, guettant les actions de ses congénères, mais restait peu de temps sur son point de vue. En effet, l’histoire avait fait tellement de remous que le monde se pressait pour voir ce qu’il se passait, un vrai poulailler.

Et ça cancanait. Oh ! Il prenait bien soin de les ignorer ces regards en coin et ces moqueries murmurées lors de son passage. Oui, Naqiyël était descendu et certains le savaient fort bien.

« Vous avez vu ?! Samaël est parti malgré le refus de Dieu… Je pense qu'il doit sûrement avoir une bonne raison, il y a un truc qu'il ne nous dit pas. ça me surprend quand même… Par contre, l'autre idiot, lui ce n’est pas étonnant qu’il soit parti la bouche en cœur… Quelle idée, s’accoupler avec des humains, des êtres si faibles… ».

Et oui, ils avaient beau être des anges, les ragots n’étaient pas monnaie courante. Mais ce que Nastarël craignait le plus, c’était ce qui se tramait plus haut encore. Certaines actions nouvelles des humains l’inquiétaient et il n’était pas sur que ce soit très apprécié par la hiérarchie. Les hommes, par l'intermédiaire des anges, apprirent l’art de la guerre. L'idée première était bonne, en faire de preux combattants afin d'améliorer leurs capacités. Hélas, leur nature égoïste pris le dessus et ils commencèrent à se battre de plus en plus et à devenir imbus de leur personne… C’était devenu l’anarchie sur Terre. Dans un certains sens, Nastarël eu l’impression de revoir les dinosaures et leur stupide attitude. Ce n’était pas bon… Ce n’était pas bon…

Finalement, chose exceptionnelle, Dieu qui était d’habitude assez distant par rapport à cette histoire finit par réunir lui-même le conseil. Samaël n’eut d’autre choix que de remonter pour y assister et les anges qui l’accompagnaient en profitèrent pour faire un saut à la Citée Eternelle aussi. De leur côté, les deux jumeaux allaient enfin se retrouver…

Musique-dies irae

Avant cela, attardons nous donc dans la salle du Conseil...

Un Conseil que Dieu avait convoqué de sa propre autorité pour la première fois de toute la Création. Le démiurge jusqu'ici passif, appela son ange chéri entre tous. L'ambiance était houleuse… C'était bel et bien une faute que Samaël avait commise ! La remontrance de Dieu était sans équivoque. Pourtant le ton n'était pas si dur. Le Père Éternel n'attendant que des excuses de son fils préféré.

Mais loin de baisser la tête l'Ange de Lumière répondis au Créateur assis sur son trône! Il argumenta ! Questionna ! Et disserta !

Un temps de silence... Dieu baissa la tête... Une nouvelle fois il allait céder face à son préféré...

Non.

Ses yeux se rouvrirent et il braqua un regard de la profondeur de l'univers sur Samaël. Il demanda à nouveau des excuses et la renonciation à son projet.

Non.

[Naqiyel]

Musique-Lacrimosa

Ailleurs:

Naqiyël se promenait au sein des rues à la recherche de son frère.

Il avait changé...

Comment vous expliquer...

D'abord, il était vêtu...

Non qu'il ait été nu auparavant, mais la toge qui le couvrait semblait... réelle, et non une partie de lui. Cette façon de la réajuster constamment, comme si elle menaçait de tomber, des gestes et des mimiques étranges qui le rendaient visible au milieu des autres anges.

Ensuite, notre Naq' se montrait particulièrement silencieux. Invariablement, il se grignotait le bout des doigts désormais couronnés d'ongles. Autrefois, ses doigts n'étaient que de longues extensions filiformes, presque lumineuses. A présent, ils étaient plus épais et se terminaient sur des ongles qu'il mordait de temps en temps. Le silence était saisissant. Jadis, dans de mêmes occasions, c'était des louanges au Seigneur qu'il chantait. Cette habitude semblait avoir changé pour une autre.

Même le sourire qui l'éclaira lorsqu'il retrouva son frère était... comme trop tangible. Il se précipita sur son double dans une joie qui ressemblait enfin à celle qui était la sienne, et serra son jumeau dans ses bras avec force, autant qu'avec douceur.

Nastarël !

Puis voila que l'ange tira son vis-à-vis loin des regards des badauds... Un besoin d'intimité nouveau également.

Musique-dies irae

Au conseil, seules deux voix se faisaient entendre, mais c'était à présent un brouhaha sans nom. Tout le monde se parlait et s’invectivait. Les anges dans les couloirs entendaient ce qui ressemblait à une marée montante... Quelque chose qui allait tout submerger.

A l'intérieur, des camps se formaient, parfois contre toute attente. Dariël et Raphaël, par exemple, n'étaient pas descendus sur terre, mais semblaient approuver Samaël. Ce n'était encore que des paroles, mais petit à petit les insultes se faisaient jour. Au cœur du cyclone se trouvait son œil : Dieu et Samaël.

Au contraire de tous les autres, ils ne disaient plus un mot.

D'un coup, l'ange de Lumière déploya ses ailes, et en deux battements s'envola par une large ouverture qui permettait au soleil d'éclairer le conseil d'une lumière naturelle. Il fut plus ou moins vivement suivi par d'autres. Certains étant poussés à le faire, plus chassés que s'enfuyant, tel que Gimel...

Mais en aucun cas la séance était levée.

En aucun cas Dieu leur avait donné l'autorisation de partir.

[Nastarël]

Musique-dies irae

Un temps il ne se passa rien dans la salle du conseil. Puis les anges restant se levèrent et sortirent à leur tour avec à leur tête Gabriel, le frère de Samaël, et Mickaël.

Dehors les anges rebelles entrainaient peu à peu d'autres anges à leur suite. Certains cherchaient à les retenir, à les raisonner, mais c'est là que la violence commença.

Ce fût très graduel : Au départ, il s'agissait retirer violemment son bras de quelqu'un qui le tenait ou de repousser celui qui souhaitait vous parler.... Parfois, c'était les loyalistes qui sommaient avec force leurs compatriotes de se rendre.

Les suivants de Samaël étaient maintenant si nombreux que les échauffourées se firent indépendamment de lui. Mais il ne les arrêta pas pour autant lorsqu'il en prit connaissance. Son intention était claire, il réunissait un véritable état-major autour de lui, écoutant avec attention Remiel.

Ailleurs, des groupes s'organisaient autour de différents leader. Par exemple, l'ange qui devait plus tard devenir le Prince Majûj se promenait à la tête d'une clique braillarde. Il interrogeait quiconque passait à sa portée pour connaître son camps : Dieu ou Samaël ? Et si la réponse ne plaisait pas... Eh bien s'en suivait un tabassage qui ne pardonnait pas.

Phénomène inédit, on commençait à parler d'anges qui se … volatilisaient... Comme si le sol les aspirait. Nul ne savait ce qu'était cette "Chute" dans le sol. Les malchanceux étaient-ils détruits comme ces créatures mortelles sur terre ?

Pour la première fois, dans le cœur de chacun, la peur se fit jour.



Musique-Lacrimosa

Nastarël se laissa volontiers entraîner par l’arrivant, ravi de pouvoir à nouveau être à ses côtés. Cette fois encore son absence s’était faite ressentir plus que de raison. Malgré tout, il fut complètement surpris par l’arrivée de son frère et surtout par sa dégaine. Cela confirma ses craintes… Son jumeau n’aurait jamais du descendre, trop de choses changeaient.

Les deux anges arrivèrent près d'une colline où ils aimaient se retrouver. Elle se situait un peu en amont de la Cité, donnant une vision générale sur celle-ci. Combien de fois s'étaient-ils retrouvés ici pour observer de loin l'agitation ambiante d'en dessous. Rigolant parfois des attitudes de leur congénère, imaginant ce qu'ils pouvaient penser  au moment où ils passaient, l'air très sérieusement occupés. Naqyiel était très fort pour apposer des pensée à l'attitude du passant... A chaque fois c'était hilarant.  Mais le temps n'était plus aux réflexions philosophiques ou à la rigolade. En générale assez calme, la colline était maintenant complètement vidée de tout créature. Malgré tout, il fallait être bien idiot pour ne pas ressentir le vrombissement venant de la cité. 

Un fois certains d'être isolés, les questions et les reproches fusèrent vers Naqyiel.

Qu'est-ce que c'est que cette dégaine ? Tu es devenu fou ? Et qu'est-ce qui t'a pris de descendre sans m'en parler avant ? Tu savais bien que tu allais à l'encontre de Dieu non ?

Il n'était pas nécessaire d'être Dieu pour savoir que l'ange était inquiet... Très inquiet...

[Naqiyel]

Musique-dies irae

Les batailles se firent donc organisées. Remiel d'un côté, Barachiel de l'autre. Le frère affrontant le frère. Le voisin blessant le voisin. L'ange tuant, ou croyant tuer, l'ange. Les camps étaient à peu près égaux. Emporté par la tourmente, il n'y avait pas de neutralité. Oh, bien sûr certains se trouvèrent dans un camp ou dans l'autre suivant le hasard des amitiés, de la géographie... Et parfois même de la simple confusion.

Samaël lui même se battait. Ceux qui auraient le privilège de se souvenir garderaient de lui l'image d'un invincible courage, et ce, qu'ils soient amis ou ennemis.

Un seul adversaire se révéla à sa mesure: son frère Gabriel. Que ce dernier abatte son épée de flamme et un escadron entier tombait. A lui seul, il mettait en danger les armées de l'ange de lumière. Aussi le chef des rebelles se précipita donc, et opposa à son frère son bouclier de dix plaques de diamants.

Le combat qui s'en suivit fût mémorable... Mais plus encore amis lecteurs ! Les deux frères conversèrent durant ce combat. Oh oui, chacun trouva la force d'argumenter, de débattre et de discuter. On raconte que cette discussion aurait fait pâlir de jalousie les plus grands philosophes qui devaient suivre.

Évidemment mon rôle en tant que narrateur serait de vous la retranscrire... Seulement voilà, le fracas des combats m'empêche de vous le rapporter. Aussi n'aurez vous que ma parole: C'était grandiose !



Musique-Lacrimosa

Sur un tout autre registre, une autre conversation se menait... Et un autre combat aussi. On avait laissé nos deux héros de moindre importance qui, oui je vous l'affirme... se battaient. Comme tout le monde de fait. Mais revenons un peu en arrière :

 « Qu'est-ce que c'est que cette dégaine ? Demanda Nastarël  Tu es devenu fou ? Et qu'est-ce qui t'a pris de descendre sans m'en parler avant ? Tu savais bien que tu allais à l'encontre de Dieu non ? »

Naqiyël avait donc répondu en ces termes :

 « Dégaine ? Qu'est ce qu'elle a ma dégaine ? Interloqué, il observa son allure, ne semblant pas saisir de quoi parlait son frère Fou ? Dieu ? Mais je fais encore ce que je veux non ? »

L'ange tenait un discours étonné. Il ne semblait pas s'attendre à des reproches... Et visiblement, il le prenait assez mal.

« Samaël est en trait de tout arranger. Et cause moi correct ! Tel que tu me vois je suis un père de famille moi ! Tu veux que je te raconte ? »

Ceci dit, il fit un geste en direction de son frère, visiblement de paix. Ce dernier n'en croyait pas ses oreilles... « Père de famille »?... Avait-il bien compris ? Nastarël resta un instant interdit, cherchant du regard la vérité au fond des prunelles de son jumeau. Son frère, l'être le plus important à ses yeux, avait choisit un humain. Il avait partagé sa chaleur et ses étreintes. Pire ! Il s'était accouplé avec !

Sans comprendre vraiment ce qui lui arrivait, une indescriptible jalousie prit notre ange. Il se sentait abandonné, trahit. Oh... avec du temps, il aurait pu pardonner à son frère, comme toujours... mais au moment même, c'était dur à digérer. De colère, il écarta donc la main tendue par Naqiyël.

« Ainsi donc tu t'es reproduit avec un humain ? N'as-tu pas vu, toi qui était en bas, à quel point ces individus sont égoïstes ? Et toi tu leur donnes notre puissance ? Tu as perdu la raison mon frère ! »

Interloqué Naqiyël écouta son frère:

« C'est quoi ce jugement ? De quel droit tu me juge !? De quel droit tu juge les humains ?! Je ne t'ai jamais jugé moi ! »

A son tour il s'approcha de son frère pour mieux le repousser et continua :

« Arrête de te prendre pour plus important que tu ne l'est ! »

Comme en représailles, l'ange descendu parmi les humains se mit à frapper plus sérieusement, serrant les poings pour se faire. Surpris par ce geste, Nastarël marqua un temps d'arrêt. Finalement, il laissa aussi exploser sa colère, empoignant son frère et ne retenant plus ses mots.

« Je ne me prend pas pour plus important que toi ! Mais je sais mieux où sont les limites et tu les a clairement dépassé ! Je n'aurais jamais du te laisser partir ! Dieu est contre ce projet et ce n'est pas pour rien ! Ouvres un peu les yeux et arrête de faire l'enfant pour une fois ! »

Loin de le calmer, ces paroles énervent prodigieusement Naqiyël

« L’enfant ? Je sait mieux que toi ce que c'est ! Tu n'en as jamais vu ! »

C'est ainsi que petit à petit, le ton continua à monter. Fidèles à leurs habitudes, aucun des deux frères ne voulut céder à l'autre, chacun restant sur ses positions. A la fin, les paroles ne suffirent plus... virent alors des gestes, de plus en plus violents. Pour la première fois, les deux jumeaux s'échangèrent des coups... Pendant ce temps là, la clameur de la Cité se rapprochait.