Jesus on Tour

[Karib]

Petit matin de printemps dans la charmante ville d'Immac sur Sable. Le ciel est encore plein d'étoiles, à peine effacées par une vague lueur naissante à l'horizon. Au loin, un oiseau commence à chanter.

Il est tôt, mais le devoir n'attend pas, même quand il s'agit de se salir les mains...

La scène se passe dans une ruelle déserte de la vieille ville.
Un homme marche, seul, vêtu de sombre. Un casque dissimule son visage. Il tient un grand sac noir à la main.
Il s'arrete devant une grande porte de garage, pose son bagage à ses pieds, et regarde autour de lui... Personne ne l'a suivi, la mission peut suivre son cours...

Il entrouvre la porte, se glisse à l'intérieur, et referme aussitot.

"Salut cocotte... je suis venu te finir..." murmure-t-il.
Sa voix résonne dans le grand garage vide et froid.

Une lueur vive brûle dans ses yeux, un sourire se dessine lentement sur ses lèvres.
Il ouvre son grand sac, enfile des gants et sort son matériel, prêt à accomplir sa besogne.

...

Quelques heures plus tard... même endroit...


L'homme repose à terre, assis dos au mur, gisant au milieu d'un tas de cadavres...
Il affiche un large sourire satisfait, malgré son visage et ses vêtements maculés de tâches.
Son regard est perdu droit devant lui, en direction d'un grand bus garé au milieu de la pièce.

Son oeuvre... L'équipe en sera surement fière, et la ville entière pourra enfin contempler son talent.
Il englouti la fin d'une bouteille de bière qu'il tenait à la main, puis jette ce nouveau cadavre qui roule et va percuter les autres dans un tintement de verre.

Essuyant d'un revers de manche les tâches de peintures de sa figure, il se relève, shoote un grand coup dans le tas de bouteilles et de bombes de peintures vides, titube à peine quelques pas, et monte dans le bus, sur le siège conducteur.

Il sort un CD de sa poche et le glisse dans le lecteur, mettant au passage le volume au maximum. Le moteur vrombit, et le véhicule sort dans les rues répandre sa douce mélopée. Musique !


Il est 9h du matin...
Le début d'une grande journée.....

[Nyrielle]

« Hey mec ! Jésus, c'est ton pote!”

Ouais, Jésus, c’est l’ami des grands et des petits, de 7 à 77 ans. Tout le monde l’aime, il est trop sympa.
Et tenir un discours contraire face aux deux masses vaguement humaine d’environ 90 kilos de muscles et de poils, probablement descendant en ligne droite du puissant Chewbacca, c’est courir le risque probable de se faire casser en deux.

Sur le parking de l’église, le taux d’athée commença soudain à fondre pour atteindre subitement le fin fond du néant.

Et pour cause, l’étrange spectacle qui s’y produisait avait tout l’air de tenir du surnaturel, tant la scène était étrange.

Il y avait d’abord un bus, tellement improbable qu’on croyait d’abord à une illusion d’optique, et un énorme Jésus qui semblait adresser un clin d’œil de séducteur à toute les femmes d’Immac sur Sable, et aux hommes aussi.

Ensuite, il y avait les conducteurs. On aurait attendu de vieux prêcheurs tordus et aigris, du genre intégriste réchappé du régime de Vichy, avec leurs vieux sermons poussiéreux et leurs vieilles soutanes de corbeau.

Mais c’était bien pire.

Une bande de bikers, en rangers et blousons de cuirs, était rassemblée autour du bus, et alpaguait les passants pour leur fourrer des bibles en main, avant de leur donner des grandes tapes sur l’épaule tout en parlant de Jésus, Vous savez celui qui marchait sur l’eau au lieu d’en boire, le saint homme, qu’avait un vignoble à la place des veines, putain, sacré nom d’une pute borgne, ça c’était un mec qui en avait dans le slibard !

Le manège dura assez longtemps pour que la vieille ville sache enfin que Dieu avait inventé la moto, la bière, Jésus, les églises, et que putain, c’était fort, qu’il fallait trop l’adorer, parce que merde, même Copperfield, il faisait pas mieux.

Et pendant ce temps, on chargeait des caisses mystérieuses dans le bus, et des palettes des binouzes par centaines.

Immac ne s’en doutait pas, mais c’était le début d’une grande aventure…

[Nyrielle]

« Bon, je vous rappelle, on fait dans l’subtil cet… »

« Hey Nyrielle, je prends les balles explosives ou perforantes? »

Nyrielle regarda fixement la bande qui se dressait devant elle. Opération subtile? Elle avait comme un doute.
Ca venait peut être des discussions interminables de Philibert et Ian sur les armes à feu et les meilleurs calibres à utiliser pour exploser la tête d’un passant à 50 mètres, ou du regard de Dariel quand il polissait son épée, ou de celui de Karib, qui démontrait par A+B que même un Ange pouvait être terassé par l’alcool, quand il avait 15 grammes dans le sang.

« Une opération subtile, putain. Et rapide. S’pas compliqué nan? »

Elle n’eut qu’un parterre de visages interrogatifs, perplexes ou médusés comme unique réponse.

« Mouais…Vous vous souvenez tous du plan de route? »

Approbation générale.

« Bon, et n’oubliez pas, cette fois, on transforme pas le Centre Ville en une imitation de la dernière Croisade… »
« Ha je l’ai vue celle là, trop fort Harisson Ford ! Quand il écrit le nom de dieu sur les dalles, chapeau, putain j’savais même pas comment ca s’écrivait c’truc, et quand il éclate la bande de Turcs, ça c’est un hér… »

« Ta gueule. Bon…Monsieur Philibert, vitesse lumière ! »

« Hein? »

« Nan rien, laisse, une connerie…On se retrouve pour la phase deux. »

Nyrielle descendit du bus et se dirigea vers une moto rutilante sur laquelle elle bondit avant d’appuyer comme une forcenée sur l’accélérateur.
Quand la roue avant faillit partir tout seule en laissant le moteur sur place, l’ange se décida à opter pour la voiture familiale qui se trouvait à coté.

Se mettant au volant, elle regarda le Bus partir en premier avec un léger sourire.

« Bandes de cons…Le mieux, c’est le Temple maudit, j’vous jure, y’a plus de valeur dans ce monde de merde.
Quelle bande de gamins n’empêche, ça me scie…Bon…

Un peu de musique.»

Et Nyrielle de démarrer, en chantant à tue tête comme une conne.

[L’Archange Daaaaniel]
[L’archange Daaaaniel]

Une ombre file dans la nuit
C'est un assassin qui s'enfuit
Et comme un démon il sourit
Son crime restera impuni

Une voiture qui surgit
Un coup de frein, des pneus qui crient
Un homme armé qui en jaillit
La justice s'appelle Dany

Dans la chaleur
De la nuit
Le mal est toujours puni

Aucun danger ne l'impressionne
Les coups durs il les affectionne
Et la baston, ça le passionne
L’Archange Daniel ne craint personne

Lorsque les coups de feu résonnent
Comme un éclair il tourbillone
Surtout si la Binouze est bonne
L'Archange Daniel ne craint personne

Comme un chasseur il suit sa proie
Pour que l’église et la foi
Triomphent, il est prêt à donner
Des coups de Rangers sans hésiter

Quand sa silhouette apparaît
Les méchants se mettent à trembler
Ils savent qu'ils ne pourront jamais
Echapper à ce justicier

Dans la chaleur
De la nuit
Le mal est toujours puni

Aucun danger ne l'impressionne
Les coups durs il les affectionne
Et la baston, ça le passionne
L’archange Daniel ne craint personne

Lorsque les coups de feu résonnent
Comme un éclair il tourbillone
Surtout si la binouze est bonne
L’archange Daniel ne craint personne

[Philibert]

Gratte...gratte...grattement de couilles, et le camion démarra.

A son bord toute une équipe de bras cassés, ce qui se faisait de mieux au niveau du n'importe quoi angélique : musique électronique, 4 soupapes, binouzes et jambons-fromage, c'est le Techno Motor Daniel Club.
Plus deux trois invités surprise histoire d'assurer la sécurité et de tempérer les éventuels débordement à coup de sermons et d'autres trucs...surtout d'autres trucs.
C'allait être sérieux.

"Et les mecs, vous savez ce qu'on fait avec une poupée gonflable qui a les yeux blancs?"
"...?"
"On la vide !"
"Mouarf arf arf arf arf...Allez, ferme ta gueule et vérifie ton matériel"

Car à n'en pas douter la populace allait se ruer sur ce que contenaient les mystérieuses boites en carton rangées au fond du bus.
Aucune publicité n'avait cependant circulé, pas besoin, ils contaient sur le bouche-à-oreille qu'allait engendrer la qualité du produit et son prix plus qu'abordable étant donné sa totale gratuité.

Le public cible?
Les 15-25 ans, une génération de branleurs en perte de repères que même la Playstation 3 n'avait su conquérir.
Mais l'axe du mal que représentait Sony n'avait qu'à bien se tenir car au beau milieu de nulle part, dans un petit patelin appelé Immac sur Sable, quelques illuminés étaient sur le point de déverser sur le monde la plus terrible des armes de conversion massive jamais créée.

"Hey ! Listen people, c'est une Sainte Mission, une fucking Croisade Intellectuelle" avait dit Nyrielle. Deux mots qui allaient aussi bien ensemble qu'alcool et modération.

Et pourtant...





Centre ville, quelques rires bien gras plus tard

Vroum-vroum et pétarades.
Le bus crisse et crachote, lancé à une vitesse folle pour arriver au premier point de largage à l'heure convenue ; pas le temps de s'arrêter fallait faire pleurer popol avant de monter et d'ailleurs les portes s'ouvrent en pleine marche devant les premiers Croisés qui sont briefés, équipés, prêts à décrocher.

"Alpha 1 et 2, 10 secondes avant impact"
"Roger"
"Quoi?"
"Roger !"
"Moi c'est Philibert, merde Karib on avait dit piété et sobriété !"
"Mais nan ducon, on dit ça quand..." "Go GO GO" "Aaaaaaaaa"

Descendre d'un bus en marche c'est un peu comme sauter en parachute, mais sans parachute et avec un supplément de bitume dans les dents.
Pas de quoi alarmer notre petit commando céleste on se relève, on a la foi et...

...Dispersion ninja !

[Nyrielle]

Immac sur Sable. Sur le Sable.

Jeunes en bermuda et bombasses en bikini deux pièces string ficelles, pour une ambiance torride version alerte à Malibitch. Par une chaude journée ensoleillée, durant les vacances de Pâques, la jeunesse d’Immac avait envahit la plage et se croyait visiblement en plein cœur de l’été.

Le grand asiate qui sortit de la voiture lui, ne semblait pas vouloir tomber la chemise pour autant.
Il garda ses lunettes de soleil, son gros blouson de cuir, et se dirigea vers la foule de pêcheurs ambulants…


Saloperie de jeunesse dorée corrompue des mes fesse…Sea, sex and sin ! J’suis sur que la moitié de ces raclures sont des jeunes révoltés communistes.

Enfin, heureusement qu’on est la.

Ce fut la pensée de Nyrielle lorsqu’elle plongea sur la plage, en trainant une énorme caisse derrière elle.
Il allait falloir ruser cette jeunesse décadente comme un renard ruse un poule : sournoisement.

Et ce fut un asiatique ultra musclé, lunettes de soleil ray ban et sourire blanc immaculé qui vint s’asseoir à coté de deux bimbos d’a peine 18 ans à moitié nue, et qui, ouvrant son blouson de cuir trop rebel, leur jeta un regard qui semblait légèrement embrasé, avant de dévoiler une série d’abdo qui semblaient avoir été taillés dans le marbre.

"Hey les filles, je suis sur qu’en plus d’être de vraies beautés, vous êtes assez intelligentes pour me laisser vous offrir un verre avant de m’envoyer chier."

L’humour, la dérision, la frime, la tentation, et l’alcool.
Rien d’étonnant à ce que 15 minutes plus tard, Nyrielle soit quasi en train de leur passer de la pommade…
En tout cas, elle leur passait de la crème solaire, tout en causant, et 25 minutes plus tard, ça débattait de la Foi, de l’Eglise, et du fait d’être jeunes et chrétiens.

"Sans déconner les filles, être chrétien, c’est plus autant la mer à boire. On interdit pas aux jeunes de trop s’amuser, tu sais. Genre dans les évangiles, jamais il est marqué que tu peux pas faire la teuf, mais sans déconner, vous défoncez pas à la coke quoi, y’a l’amusement, puis y’a le vice et la dégradation de soi…

J’parie que vous avez des potes qui partent en vrille tout les soirs à la disco hein. Et des copines qui font n’importe quoi de leurs corps dans les toilettes. Mais vous êtes plus malines hein… "

Et toujours ce sourire éclatant.
Et puis une ou deux bibles, sorties du sac, et quelques conseils pour un avenir meilleur.
Oui, Immac pouvait se sortir de la violence et de la drogue sans retomber au moyen age les jeunots.
C’était la Sainte Mission de la Jeunesse chrétienne.
On organise des teufs de temps en temps, viendez voir. Entrée et alcool gratos !


Lentement, sournoisement, la plage fut conquise par un Conquistador de la Foi. Les jeunes se marraient comme des imbéciles en lisant les dites bibles spécialement préparées pour eux, et ils se diraient chrétiens pour le fun.
Et la, on leur poserait quelques bases de morales solides, pas trop chiantes, mais suffisantes pour repousser le démon au fin fond des chiottes de l’enfer.

Machiangélique !

[Philibert]

Immac sur Sable. Parc de la Mairie


Je m'appelle Stella.
Ne me demandez pas mon âge, ce serait impoli.
Je suis mariée, deux enfants, et j'exerce le métier de lieutenant de police.
J'aime la musique classique, les émissions de Drucker, l'odeur des chaussures neuves et la sensation qu'on a de décoller lorsqu'on prend un ascenseur qui descend.
Généralement je laisse tremper mes céréales un bon quart d'heure dans le lait avant de les engloutir. C'est mou. Ca me rappelle mon enfance.
Hier, ma fille m'a annoncé qu'elle était enceinte de 2 mois et qu'elle voulait avorter.
Elle a 14 ans.
La plupart de mes amis disent de moi que je suis une passive et c'est vrai, je prends la vie comme elle vient, je ne m'implique dans pas grand chose...

Mais aujourd’hui, c’est différent.

Aujourd'hui, je m'appelle Alpha 2.
Je suis en mission pour le compte d'un ami que j'ai rencontré à l'Eglise.
Lui et sa "section" comme il dit militent pour un retour aux valeurs catholiques dans l'éducation.
Alors pour l'aider je vais distribuer quelques bibles remises au goût du jour.
Ce n'est pas grand chose, non, mais c'est quelque chose quand même.

Aujourd'hui, je vais changer le monde.
Rien qu'un petit peu.



Quelle belle journée.

Allongés sur l'herbe derrière quelques buissons touffus, deux adolescents procédaient à des échanges de fluides buccaux sous les cieux ensoleillés.
Lui essayait désespérément de dégrafer l'interdit sous son léger chemisier vert pomme tandis qu'Elle n'arrêtait pas de glousser.
Touchante intimité cependant quelque peu bafouée par le regard de jeunes oisillons...et d'une femme d'âge mûr.

"Amha"

Stella savait combien la première impression était primordiale si on voulait être écouté et c'est ainsi que, faisant fi de toute honte d'adulte trop coincée, elle déballa d'un coup toute sa connaissance d'invectives type "jeune".
20 ans de métier qui ressortent en 4 secondes.

"Hey ! Garçon ! Yo ! Ouala ! Good morning vietnam ! Ouech gros ! Wazaaaaaa ! Psssst ! Tac tac !

Premier contact...

"Merde mais dégage vieille conne !"

..failed.
Tant pis, on ne désespère pas, on ne relève pas, on prend sur soi et on se souvient que la patience est une vertu.

"Frère, soeur, puis-je requérir votre attention un petit instant?"

"Putain mais tu crois que je tripote ma frangine? Allez, barre toi raclure consanguine !"

"Bon d'accord, si vous le prenez comme ça..."

D'un geste vif, Stella attrapa le sac du petit malotru vida son contenu sur le sol et ramassa un petit sachet rempli de verdure pour cigarette qui fait rire. Fini de palabrer. Si le monde s'est fait en 7 jours c'est que Dieu ne s'était pas fait chier à prendre des pincettes.
Sortant son insigne :

"Police bande de merdeux.
Alors écoutez moi bien, vous allez me faire le plaisir d'enregistrer ce que j'ai à vous dire, de prendre ces bouquins, de les lire et d'en parler à vos amis.
Capice?"

"Ou..Oui madame..."


Vraiment, quelle belle journée.