Les Sentiers de la Purification.

[Nyrielle]

« Ce soir, nous allons laver le monde du Peché »

Le Chevalier Sigimont de Foix tourna la tête vers l’Archevêque qui commandait la troupe.
Tous des anges, et parmis eux, les plus hauts gradés des serviteurs de Georges, qui avaient participés durant cinq siècles à la lutte contre le Peuple Fée.

« Ce soir, la lie de l’univers connaitra le jugement divin »

Et elle, Nyrielle, servante des exterminateurs catholiques , simple grade un parachutée dans l’unité de cavalerie lourde, pour mener avec les plus grands guerriers du paradis le dernier combat contre les Dragons et leurs sbires.

Un grand honneur, une grande pression. Trancher de l’hérétique, de l’étranger, des seigneurs félons, rien de terrible pour un ange.
Mais la…

Nyrielle-Sigimont de Foix regarda encore une fois l’horizon embrasé par la nuée volante, qui crachait du feu comme pour l’Apocalypse.

Soudain, la main d’un de ses compagnons d’armes se posa sur son épaule, et elle le regarda.
L’homme ne semblait pas éprouver la moindre peur, et il se contenta d’un bref sourire d’encouragement.

"Ce soir, nous accomplirons l'Oeuvre de Dieu"

La boule au creux de l’estomac de la jeune ange s’effaça peu à peu, et c’est avec une ferveur grandissante qu’elle regarda l’archevêque brandir son épée vers le ciel pour lancer l’assaut.

Dégainant elle aussi son épée, elle hurla sa haine des ennemis du Seigneur, en filant à toute allure vers la marée écailleuse.

Et probablement vers la Mort.
Mais qui s’en souciait ?

[Nyrielle]

Et puis, tout avait dégénéré. Georges était tombé sur un os de dragon plutôt indigeste, et la bataille de pions pour faire tomber les rois avait commencé. Yves avait poussé Laurent devant lui, et jeté Dominique dans les pieds du tueur de dragons.

Un coup de Maitre.

Procès, audiences, preuves, condamnations, et un monde qui semblait s'écrouler autour de tout les anges de la Purification.
De sauveurs de la création, on venait de les jeter au rang de vulgaires bouchers avides de sang et le vent de la providence commençait à prendre une fragrance qui fleurait bon la décomposition avancée.

Une fois leur chef sur la touche, les prolongations -bien que le terme ne fut créé que lors de l'émergence du football, bien plus tard donc- durèrent et durèrent, de grade trois en grade deux, de grade deux en grade un, de grade un en Nyrielle.

Et sur le chemin qui menait jusqu'à elle, un certain nombre de collègues avaient bouffé les pissenlits par la racine.
Ce qui n'était pas le genre de truc à la mettre en confiance.

Ca, et les trois anges de dominique qui se tenaient face à elle, comme une putain de nuée de vautour.

"Il a été clairement énoncé dans ce tribunal, et tout aussi parfaitement démontré, votre participation dans un des actes majeurs du Génocide des Fées, en particulier au sein de l'unité de cavalerie responsable des actes 7 bis et 8 bis mentionnés dans le rapport du Conseil d'Exception.

Vous avez été reconnue coupable de trahison, de déviance, et de graves atteintes à différents points du Dogme, concernant le Pardon, la Charité et la Justice."

Tout ça pour une bande d'enfoirés de Kobold. C'était finit, elle allait se faire envoyer au Purgatoire ad vitam eternam pour avoir sauvé le monde.
Gerbant.

"Nous vous condamnons donc..."

Et Nyrielle se mit à prier Jésus.
A cette époque, elle ne l'avait jamais croisé. Sinon, elle aurait probablement sut que c'était totalement inutile.

"...A la dégradation, et au transfert dans une zone administrative pour une période indéterminée, sous surveillance étroite. Cette peine, vous ne la devez qu'à votre inexpérience expliquant en partie vos fautes.

D'autres n'ont pas eu cette chance"

Le Dominique qui semblait être le dominant de la meute plissa les yeux comme un sadique savant fou directement issu du troisième Reich.
Même si à l'époque, le troisième Reich n'existant pas...ect ect

Nyrielle ferma les yeux, et des larmes se mirent à couler le long de ses joues.
C'était pire que le purgatoire.

Jesus devait bien se foutre de sa gueule.

[Nyrielle]

Bureau 18 bis du service administratif chargé de l'entretien des toitures d'Eglises.

Huit cent ans.
Huit cent années passées dans ce bureau aux murs blancs chiottes, à s'occuper de toitures. Et encore, seulement de celles que les humains ne rénovaient pas eux mêmes.

Or une simple demande de fond, dans le service, mettait environ cinquante ans pour aboutir. Partiellement du moins. Enfin, si vous aviez de la chance et des pistons, et les bons formulaires avec leurs dizaines de cachets.

Autrement dit, une génération d'humains s'en était occupé bien avant que vous n'ayez eu le temps de franchir ne fusse que le premier bureau du Service.

Nyrielle gérait le 18 Bis.
Le dernier.

La pauvre n'avait pas vu âme qui vive dans son bureau, elle exceptée, depuis environ 700 ans, date à laquelle un allumé lui avait demandé du pognon pour une église situé dans un patelin italien qui avait un nom de pizza aux oignons.

Quoiqu'à cette époque, la pizza...

Enfin bref. La servante présumée de Laurent -elle n'avait jamais reçu le formulaire de réaffectation à un supérieur- était au bord de la dépression nerveuse, à fixer ce mur atrocement blanc toute la sainte journée.

Et puis, Il était entré, dans son armure crasseuse et pleine de sang, avec l'air de s'être perdu dans les couloirs de l'administration depuis deux semaines.

Il revenait d'une attaque de Notre Dame, et irradiait la puissance d'un nouvel Archange, si bien que Nyrielle était tombée de sa chaise comme une conne quand il avait passé la porte.

La toiture de Notre Dame avait été trouée.

Fallait la rénover au plus vite, avant que les humains ne se demandent comment le trou était arrivée la, ce qui aurait été gênant, vu qu'il avait été crée par la chute d'un démon de combat trop hardi qui avait eu la bête idée d'utiliser son pouvoir de vol avant de se retrouver pétrifié.

Et voilà pourquoi un Archange fraichement nommé glandait dans son bureau. Il avait pas encore des masses de subordonnés, et puis, Notre Dame, c'était sa passion, alors il avait décidé de s'en occuper lui même.

"Ca doit pas être la joie de bosser ici n'empêche"

La conversation qui suivit marqua un tournant décisif dans la vie d'une Ange. Ca s'était passé au treizième siècle, mais Nyrielle, elle, s'en souvenait encore comme si ça s'était passé hier.

C'était un nouvel Archange, et il s'appelait Daniel.

La fin du cauchemar.

[Nyrielle]

Juillet 1997

Ecosse.

Au plus profond des loch, rien ne vient troubler le calme et la sérénité des étendues nacrées de l’onde, excepté le chant criard des mouettes et le souffle d’un vent plus froid qu’une glace Frisco.

Enfin, presque.

Car si jamais un pêcheur particulièrement hardi, un touriste courageux ou le monstre du Loch Ness était venu à se perdre dans la région par cette froide journée d’hiver, il aurait eu la surprise de sa vie.
Sauf peut être Nessie, et encore.

La surprise, donc, d’entendre surgir de la brume une mélopée aussi subtile qu’un tank sherman et aussi en harmonie avec l’endroit qu’un pitbull dans un jardin d’enfant.

Et celle de découvrir, en culotte et top moulant, une jeune naïade faire tremper ses pieds dans l’eau glacée, tranquillement allongée sur un rocher, entourée de paquets de clopes, de cannettes écrasées et d’une vieille radio semblant avoir fait la première guerre mondiale.

Rien à foutre, Nyrielle, elle est insensible au froid.

Et puis, elle a plus de chances de croiser Nessie qu’un putain d’humain, en cette saison.
Alors elle prend des vacances, en surveillant les restes d’une antique église construites quasi un millénaire avant, dans la région.
Et en buvant.
Et en fumant.

Le pays est sympa, et la bière lui plait bien. Le corps aussi, pour une fois qu’on lui refile pas un vieux gras suintant la graisse, elle va pas s’en plaindre. Non, on lui a refilé Mary MacGillian, fervente catholique, belle à damner un saint, mariée à John Ferguson, un beau marin adorable qui en plus sait y faire dans un lit.

Elle est belle la vie.

Mais parfois, la Mary, faut qu’elle aille prier dans la vieille église de Saint André, parce que bon, faudrait pas qu’on remarque certains petits changements, du genre la clope, la bière, la musique, et un caractère un tout petit peu plus tranché qu’avant.

Déjà qu’on lui trouve depuis peu un accent légèrement français…Comme une sorte d’écho dans sa voix.

Putain, j’ai soif. Heureusement qu’il me reste 4 bacs de planqués sous l’autel…
Je me demande ou en est le PSG, cette année.

Shit, ou j’ai foutu ce paquet de clo…

Une paire de Dock Martens…

Une paire de Dock Martens lui était apparue devant la gueule comme ce salopard de Gabriel était apparu à la vierge marie. Sauf que la vierge se trémoussait surement pas à moitié nue sur un rocher à la recherche d’une cig, et que Gabriel portait surement des sandalettes de pédé.

C’est marrant, parce qu’elles semblaient trop grandes pour le type qui se trouvait dedans.
Levant la tête, Nyrielle croisa le regard d’un Archange plutôt furax.

"Salut Boss!"

Et elle tomba à l’eau comme une conne.

Always the same shit.

[Nyrielle]

Juillet 1997.

Ecosse.

Fend l’eau, capitaine des marées insolites, fidèle bateau qui triomphe de l’adversité de l’océan, puissante embarcation qui fait face à la mer en furie.
Et d’un coup de rame affirmé, la barque trace une ligne ferme sur son chemin d’ondée.

Certes, ce n’est ni un drakkar, ni une caravelle, ni un putain de vaisseau spatial ou un putain de monsieur Spock lecherait les couilles du captain Kirk.

Mais c’est son fucking boat. Et elle l’aime.

Et en ce moment, son Boss, l’Archange de sa vie, fume une clope et boit une kanter en la regardant ramer et manœuvrer sa barque sur le Loch froid et calme que la petite église dont elle a la charge domine.

Il n’a pas changé. Sauf qu’une ride lui traverse le front comme une crevasse traverse un plateau rocheux.
Il la regarde, consulte un vieux dossier, la regarde encore, et plisse les yeux. C’est une réévaluation du personnel, qu’il a dit.

Et puis il parle.

« Tu penses quoi de l’idée d’exterminer des youpins ? »

Drole de question. Mais la Nyrielle a un peu de formation dans les génocides, alors forcément, elle demande des détails.

« Ils sont du peuple fée les youpins ? Ils crachent du feu et ils volent ? »

« Heu, j’crois pas non. Ils ont le nez crochu et le front bombé qu’on dit, mais rien sur le crachat de flammes… »

Pas des dragons, ni des gars du peuple fée. Nez crochu et front bombé, non, elle voit pas , même les nains ont pas une tronche comme ça. Vraiment, une drole de question...

« Ben, j’vois pas trop de raison de les buter alors »

Sages paroles qui lui évite de figurer sur les noms de la liste de la nuit des longues battes, sauf que ça, elle ne le saurait jamais.
Le Boss prend congé, et la voila de nouveau seule sur ce lac glacé.

Rame, petite Nyrielle, rame…