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Il n'est pas de pardon que l'on puisse accorder aux autres si on ne peut se l'accorder à soi-même.
Immac-sur-Sable, commissariat.
Les coups de feu se succèdent inlassablement. La jeune africaine vêtue intégralement de noir vide le chargeur de son beretta consciencieusement.
- Cessez le feu !!
Le silence tombe sur le stand de tir et dure 2 bonnes secondes avant de faire place aux cliquetis des armes et aux bruits que les machines font lorsqu'elles ramènent les cibles.
La petite croix en or avait cessé son mouvement de balancier au bout de la chaînette, plaquée par sa main contre son coeur.
Une main se posa sur son épaule.
- Bravo Mathilde, très beaux tirs comme toujours. Tu devrais vraiment nous rejoindre. Peut être qu'ils t'engageraient au GIGN ?
- Vous savez bien que je ne suis pas une femme d'action. J'entretiens juste ma forme.
- Je suis sûr que tu gagnerais mieux ta vie qu'actuellement.
- Allons, vous savez bien que ce n'est pas ce qui m'intéresse.
- Hmm hmm.. je t'invite à boire un coup ce soir ?
- Désolé, je dois aller à l'église.
- Ahem.. bien bien, alors à la semaine prochaine... Fais attention à toi !
Elle rangea son arme et son permis de port d'armes dans son porte-feuilles, fixant un moment sa carte de détective privé. Puis elle pris la direction de la sortie d'un pas chaloupé. Ce soir serait un grand soir, et elle ne raterait cela pour rien au monde.
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Mathilde fixait son téléphone d'un air anxieux. Il était 20h35, et toujours rien. Son pot de glace vanille caramel sur les genoux, elle se baffrait pour passer le temps.
- Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu ! Faites qu'ils n'aient pas changé d'avis.
20h40, le téléphone sonne. Mathilde bondit, renversant sa glace sur le sofa en cuir déjà bien entamé par Germaine, sa chatte Angora.
- Oui ! Oui je suis là ! Allô ?!
- Oui, bonjour madame, est-ce que vous auriez quelques minutes pour répondre à un questionnaire sur la consommation..
- Clic !
Le téléphone raccroché, elle se mit en tailleur sur le canapé, position zen, son pot de glace à nouveau sur les genoux, la cueillère à soupe fermement ancrée dans sa main droite pour attaquer sans vergogne le mal à la racine.
20h57, le téléphone sonne à nouveau.
- Oui, oui ? Allô ?
- Oui ma chéwie, c'est moi, je..
- C'est pas le momentCLIC !
Mathilde gromelle, bougonne, elle est au bord des larmes. Elle n'a finalement pas été retenue. Pourtant, elle serait parfaite pour ce job ! Une foi sans faille, des informations à la pelle, une organisation.. presque organisée, et le must, elle tire mieux que n'importe quel flicaillon ! Alors, qu'est-ce qui peut bien lui faire défaut..?
20h59 et 59 secondes, le téléphone sonne une troisième fois.
- Allô..?
- Bonsoir ma fille.
- Papa je.. Oh ! Bonsoir mon père !
La voix lasse et presque triste de Mathilde devient pleine d'espoir, vibrant presque d'un bonheur et d'une joie.. heu bref, elle est trop trop contente.
- Comment allez vous aujourd'hui ?
- Chaque jour que le Seigneur fait, je vais !
- Bien bien. J'ai sous les yeux votre dossier, et votre affectation.
- Oh je.. je.. Oh.. je vous écoute.
- Etant donné vos capacités particulières, vous serez sous les ordres d'un Ange de Laurent du nom de Dariel. Il vient tout juste d'arriver dans notre belle ville.
- C'est un honneur pour moi, et j'espère me montrer à la hauteur de ses espérances.
- Je l'espère aussi ma fille. Rendez vous demain matin à l'église à 7h00, nous vous y attendrons tous deux.
- J'y serai mon père.
- Bonne soirée ma fille, que Dieu vous garde.
- Qu'Il vous garde aussi !
Elle raccrocha le combiné, posa son pot de glace presque vide sur la table basse, pris une profonde inspiration et..
- YAAAAAAAAAAAHOOOOOOOOOOOUUUUUUUUUUUUUUUU !!!
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Le léger voile de brume se dissipait lentement sur le vieux quartier pavé. Mathilde aimait la Vieille-Ville. Souvent elle avait arpenté la partie piétonne, près du cimetierre, non pas attirée par des pulsions morbides étrangement courantes à Immac, mais plutôt pour profiter de la fraîcheur de la place de la fontaine durant les longues journées d'été.
Car en effet, hormis s'entraîner au tir, Mathilde n'avait rien à glander de ses journées. Elle vivait chez sa mère, fervante catholique et rentière de surcroît. Et même si cette dernière n'aimait pas que sa fille ne fasse rien de sa vie, elle la savait investie d'une tâche défiant les normes humaines : Dieu l'avait choisie, et elle allait tout niquer.
C'est donc pinpante, fraîche, souriante et tendue comme une ficelle de string qu'elle arriva à l'église avec trois quart d'heure d'avance, craignant d'être en retard.
Comme d'habitude, les lieux étaient bourrés à craquer. Aucune église d'une autre ville n'aurait pu rivaliser avec celle d'Immac. Même à notre dame, ils ne devaient pas être si nombreux 24 heures sur 24. Clodos et femmes ultra sexy se cotoyaient dans la joie et la bonne humeur. Si un panneau indiquant "Silence, Prière en cours" avait jamais existé, personne n'aurait pu s'en douter aujourd'hui.
Et parmi eux quelques anges. Une poignée. Une bande. Une putain de foule d'anges, elle le savait. Et elle, elle avait été choisie pour en servir un. Elle se rendit compte alors de tout l'impacte de sa chance, et hurla sa joie :
- Amen !
Un groupe de clodos se tourna vers elle, et lui fit un signe de la main, deux doigts vers le ciel, en guise de salut.
- AMEN !
Ville de barges...
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Elle s'avança donc vers l'autel. Le père Thisquen ne s'y trouvait pas, probablement était-il dans le confessional ou dans sa cellule. De toute façon elle était en avance. Elle en profita donc pour s'agenouiller à l'une des rangées et se mit à prier.
Une main lui secouant l'épaule la tira de sa méditation somnolante.
- Mathilde ? Ma fille ?
- Hu.. Maman ? Oh ! Pardon mon père !
Elle se releva d'un bond, presque au garde à vous, puis se courba profondément pour saluer.. le simple curé d'un village paumé ou personne ne voudrait se rendre.
- Hé bien ma fille, vous êtes en retard. Cela ne vous ressemble guère.
- Je.. pardon ?
Elle regarda sa montre : 7h15. Jésus Marie Joseph !!
- Oh pardonnez moi mon père, j'ai.. j'ai très mal dormis cette nuit et.. enfin.. Je suis désolé, cela ne se reproduira pas.
Le Père Thisquen sourit.
- Cela vaudrait mieux.
Le ton froid et cassant du prêtre surpris la jeune-femme. Ses lèvres n'avaient pas bougé, pourtant Mathilde était certaine que c'était lui qui avait parlé.
- Mathilde, je te présente Cyriaque Brandonoy, ton... nouvel employeur.
L'homme assis sur le banc de devant, dos à Mathilde, se releva pour lui faire face. Mathilde leva les yeux, lentement, suivant les boutons de la chemise blanche impeccable pour finalement contempler les traits d'un homme d'âge mûr, oriental et bronzé. Son visage était un masque implaccable de dureté, réhaussé par ses yeux d'un noir profond.
La bouche de Mathilde s'entrouvrit sans laisser échapper un son, frappé qu'elle l'était par la beauté presque terrifiante de l'homme qui la toisait.
Incapable de prononcer une parole, c'est l'homme qui s'adressa au prêtre, sans détacher son regard de celui de Mathilde.
- Merci mon père. Nous ne voudrions pas prendre plus de votre temps.
- Haem.. vous avez raison. Puisse Dieu veiller sur vous.
Le Père Thisque effectua un rapide signe de croix à leur intention. Si Mathilde l'avait regardé, elle aurait aisément lu l'inquiétude qui suintait de son regard, mais ce n'était pas le cas.
- Tu as perdu ta langue semble-til.
- Je.. heu.. heu.. pardon.. je suis.. honorée d'être sous vos ordres..
- Maître.
Le regard de Mathilde exprima tour à tour l'incompréhension, la perplexité, puis l'horreur lorsque l'on se rend compte que l'on se trouve dans un étau duquel rien ni personne ne pourra plus nous en sortir. Elle balbutia.
- M.. Maître..
- Tu vas aller faire des courses. Tu as de l'argent ? Non ? Evidemment. Tiens, et dépêches toi. Puisque c'est ta seule prérogative, autant que tu la fasses comme il le faut.
- Je.. je sais tirer.. au revolver.. j'ai..
- Tu es une femme, ne dis pas d'imbécilités. Maintenant va, je ne le répèterai pas. J'ai des choses autrement plus importantes à faire que de m'occuper de toi.
Mathilde le regarda partir à grands pas dans son costume parfaitement coupé, bouche bée. Tous ses espoirs s'étaient évanouis en l'espace de quelques secondes. Et c'est ainsi que se firent les premiers pas de Mathilde en tant que Soldat de Dieu.
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