03-11-2006, 06:18 AM
Bon les mecs, faut arrêter de déconner ! Comme ils en ont marre des bavures, les Domeux nous ont pondu un nouveau règlement. On arrête de râler et on écoute, bordel ! Maintenant, à chaque fois que vous ferez une bavure, y'aura rapport en trois exemplaires et si vous accumulez trois rapports, ce sera un blâme. Et vous savez déjà que deux blâmes, c'est une perte de grade directe !
...
Quoi, qu'est-ce qu'il a, à se marrer, celui-là ?
C'est Raoul, chef...
Et alors ?
Raoul, il s'en fout : il est pas gradé...
Daniel n'avait jamais été grand mais ça l'avait jamais empêché de gueuler aussi fort que les autres, voire plus. Ce matin-là, il en avait plein le cul. Le Conseil venait de s'achever dans une jolie série d'engueulades. Toujours ce gros connard de Dominique qui pouvait pas l'encadrer. Et Laurent qu'arrêtait pas de le chambrer sur les purges qu'il avait du faire dans ses propres rangs après l'affaire "Terre Creuse". Et Joseph qui insistait encore pour mener de nouvelles enquêtes et provoquer de nouvelles purges, envoyer d'autres anges en rééducation pour le prochain millénaire, et blablabla... N'importe quoi ! Les mecs qui restaient c'était des purs, des durs, des tatoués. Pas des fiottes en tous cas et c'était ça le principal. Pas des bruns non plus, les affectionnados du p'tit colérique à moustache, Daniel avait jamais pu les pifrer. Au moins, c'en était fini de tous ces fachos qui ne comprenaient rien à rien au vrai mouvement skin. Et ça, au moins, ça lui faisait plaisir.
Daniel s'installa derrière son bureau en virant d'un coup de dock bien placée une pile de feuillets dactylographiés et estampillés "urgent". Il appela Gigi, sa secrétaire, une jolie bombe aux cheveux roux super courts mais qui savait montrer qu'elle était mignonne, même en jean, bretelles et rangers. Le tee-shirt moulant devait y être pour quelque chose...
"- Quoi de neuf ?
- Ben tout le bordel habituel, patron. Rien de bien nouveau. Ah si on a encore eu un problème avec l'ange Raoul."
Daniel fronça les sourcils. Ce nom-là, ça lui disait quelque chose. Mais quoi ? Impossible de mettre le doigt dessus. Il lança à Gigi son regard le plus bovin. Elle savait, elle. Dieu seul savait comment elle faisait mais elle savait toujours tout ce qu'il y avait à savoir sur les dossiers qu'elle lui apportait. Daniel la soupçonnait de rencarder parfois ses anciens potes de chez Dominique pour qui elle bossait avant de venir chez lui mais quand la demande de transfert était arrivée sur son bureau (et à cette époque-là c'était un sacré foutoir) il s'en était pissé dessus de rire. Une bonne occasion d'emmerder le vieux con. Il n'avait pas hésité une seconde. Il avait eu le nez creux : Gigi était devenue une pièce maîtresse de l'organisation angélique chez Daniel. Elle était montée en grade super vite mais comme ça, les gros boeufs évitaient de trop baver en attendant devant son bureau. Faut dire qu'elle avait le coup de tatanne rapide, Gigi. Et si ça suffisait pas, elle savait faire pleuvoir les limitations. Daniel lui faisait confiance, il était toujours ok quand elle en demandait une pour un quelconque pénible. Merde, elle avait déjà commencé à causer et lui, il avait perdu le fil.
"- Et donc, on l'avait mis au placard à surveiller les églises du Larzac, histoire de laisser le temps aux choses de s'apaiser. Si vous vous souvenez bien patron, comme il était quand même de grade 2, on avait décidé de pas le rappeler malgré la bourde. Bref on pensait que ça serait tranquille mais y'a eu ce problème avec le grade 3 de chez Emmanuel qui avait récupéré un capitaine renégat de Baal avec l'aide des jumeaux, vous savez les deux serviteurs de l'Epée que Laurent utilise souvent pour faire son sale boulot, bref ces gars-là voulaient l'interroger avant de lui éclater définitivement la tronche. Ben ils se sont ramenés dans l'église d'un petit bled nommé Boussoul, dans le Larzac justement."
Voilà ça y est, ça lui revenait. Ce con de Raoul avait décidé que la défense des lieux saints ça se faisait sérieusement et ça, on pouvait pas le lui reprocher. Alors il avait fait appel à des vieux potes pour se fournir en mines claymore et en télécommandes histoire qu'en cas de problèmes, il y ait du répondant et ça, Daniel trouvait que c'était normal, quoique peut être un peu excessif. Il avait commencé à mettre systématiquement en place un système de défense télécommandé dans un périmètre de soixante mètres autour de chaque église et lieu saint de sa zone et ça, on pouvait pas non plus vraiment le lui reprocher. Un truc bien carré, aucune chance que les caves s'explosent avec en allant à la messe du dimanche. Mais forcément, en voyant quatre types avancer vers son église (ces cons avaient justement choisi celle où il s'était installé) dont un avec un fusil d'assaut en main, un autre avec une paire de cornes et une langue barbelée et les deux derniers avec une carapace de pierre, il avait cru à une attaque en règle. Et on pouvait pas vraiment lui en vouloir. Alors il y avait été franco, Raoul. Et le pire c'est que Dieu lui avait filé un petit coup de pouce : les mines claymore avaient fait voler en morceaux le grade 3 et un des deux jumeaux. L'autre était tellement furieux qu'il avait même pas pensé à activer son aura. Du coup, il s'était mangé direct un coup de dock bénie dans la face et il avait très vite rejoint son frérot. Normal en somme. C'est vrai que Raoul avait eu un petit temps d'arrêt quand il vit que le cornu avait les mains attachées dans le dos mais comme l'autre con lui a balancé un gros jet de flammes dans la face, il a fait ce qu'on lui avait apprit à faire : il a arrêté de réflechir et il a cogné. Il a fait éclater sa petite gueule de tafiole au renégat et là encore, impossible de lui en vouloir. Mais voilà, toute l'affaire avait fait beaucoup de bruits là-haut. Emmanuel était furieux, Laurent pareil. Dominique trouvait ça lamentable rapport au principe de Discrétion, tout ça. Il avait fallut rappeler Raoul, le dégrader et le coller au placard pour avoir la paix. Impossible de lui dire ce qu'il avait fait comme connerie mais il avait accepté ça quand même, histoire de pas foutre la merde dans les rangs. Un brave gars. Ou peut être qu'il avait rien compris à l'affaire en fait.
"- Ok bon, qu'est-ce qu'il a fait ?
- Ben avec le problème Terre Creuse, on a du envoyer des troupes pour foutre une pile aux renégats.
- Laisse-moi finir, Raoul a été envoyé aussi et il y a encore eu un problème.
- Oui mais bon, impossible...
- De lui en vouloir, je sais. C'est toujours comme ça, avec lui. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ils étaient toute une équipe basée à Paris, ils traquaient une bande de renégats dans les catacombes qui trafiquaient avec des cornus de chez Bifrons. Forcément, quand ils les ont retrouvés, ça a bastonné grave. Nos gars étaient à un contre huit, sans compter les zombies. Du coup, ben ils s'en sont pris plein la gueule. Mais comme Raoul avait pas l'intention de laisser s'en tirer les salauds et qu'il est moins con qu'il en a l'air, il avait embarqué une ceinture d'explosifs. Quand il a vu que c'était foutu, il s'est fait sauter le caisson pour emporter le plus d'enfoirés avec lui.
- Joli ! Et ça a marché ?
- Mieux que ça, patron. Y'a eu une intervention divine. Du coup les renégats et les cornus ont été vaporisés alors que Raoul, lui, il a pas pris une égratignure...
- Super ! Je vois vraiment pas ce qu'on pourrait lui reprocher, cette fois. Où est le problème, Gigi ?
- Ils se trouvaient juste en dessous du métro et la galerie n'a pas trop aimé l'explosion de seize kilos de C-4 dans un milieu très confiné. Du coup, ben ça s'est écroulé...
- C'est pas vraiment sa faute, là.
- Je sais patron et on aurait peut être pu étouffer l'affaire avec l'aide des gars de chez Jean et leurs super pelleteuses qui font le rebouchage super vite. Mais y'avait des gens dans le métro. C'était l'heure d'affluence et les quais étaient blindés. Des centaines de témoins. Du coup, les Domeux hurlent au non-respect du principe de discrétion.
- Merde, ils me font bien marrer ces cons. C'est quand même pas sa faute si les renégats se balladent à dix-huit heures plutôt qu'à minuit. Et puis les services de la pouf sont là pour gérer ce genre de problème, non ?
- Tout à fait patron, les anges de Blandine ont été mobilisés histoire de régler le problème. Mais ça a été plus difficile que prévu.
- Comment ça ?
- Ben la chûte du plafond, ça l'a pas tué ce bourrin de Raoul. Du coup il a commencé à s'extraire des gravats devant tous les témoins en beuglant comme un âne, probable qu'il était tout content d'avoir niqué les cornus et les renégats.
- Ah ouais laisse-moi deviner : ça a pas plu du tout aux domeux question discrétion ni aux gars de la pouf parce que c'est le genre de trucs qui marque les mémoires et qui est beaucoup plus dur à effacer qu'un écroulement qu'on peut facilement faire passer pour un accident ?
- C'est exactement ça, patron. En plus, Joseph dit que si ça se trouve, il était de mèche avec les renégats et qu'il a tout fait péter pour couvrir leurs traces. Du coup, ben ça gueule..."
Daniel observa le dossier que Gigi avait posé sur son bureau. Il était épais. On pouvait pas lui reprocher grand chose à ce gros con de Raoul. Pas de sa faute s'il avait survécu après que Dieu lui-même se soit penché sur son cas, quand même... Mais ça allait être dur de calmer le jeu, ça c'était clair.
"- Bon et ensuite ?
- Ben il a été chopé par les gars de Laurent et mis au secret. Un peu dur comme traitement, à mon avis..."
Daniel tiqua. Gigi n'avait pas fini, c'était clair. Y'avait encore un problème. Bon, tant qu'à faire, autant y aller à fond. Il lui fit signe de continuer. Elle hésita une seconde et lâcha finalement le morceau. Vu la tronche qu'elle faisait, elle l'aimait bien, ce Raoul. Et il devait être encore plus dans la mouise, si c'était possible.
"- Ben voilà patron. Dès le lendemain le coordinateur des forces de Dominique à Paris, accessoirement gouverneur de Notre-Dame, eut le dossier entre ses mains et il décida d'aller voir lui-même. D'après ce que j'ai entendu dire, les gars de Joseph avaient torturé Raoul toute la nuit pour lui faire cracher qu'il était complice des renégats mais il avait tenu bon. Le Domeux s'est foutu de sa gueule et là, apparemment Raoul a vu rouge.
- Ouais normal. Moi à sa place, je leur aurais déjà défoncé la rate, à ces enfoirés.
- Il était attaché patron. Mais il lui a quand même balancé un bon coup de boule, histoire de lui montrer qu'il était pas une fiotte qui se pisse dessus en voyant un Domeux un peu plus gros que les autres. Et on peut pas vraiment...
- Lui en vouloir, ouais ça va Gigi, je commence à connaître la chanson. Et après ? Le domeux a été pleurer sa mère qu'il s'était pris un gnon ?
- Ben en fait, il a été pleurer direct auprès de Dominique vu que Dieu a encore donné un petit coup de pouce à Raoul. Résultat, le coup de boule a fracassé le crâne du Domeux qui s'est retrouvé direct au Paradis. Et comme il a des relations, je crois que ça va chier..."
Daniel se massa les tempes, se demandant comment un seul gars pouvait avoir autant le don de se foutre dans la merde. La purge n'était pas encore complètement finie et s'il voulait éviter qu'on confie à Joseph le soin d'enquêter sur les supects, il fallait que la réputation de ses troupes reste impeccable. Y'avait pas grand chose à faire, à part sacquer un brave gars pas très malin à qui on pouvait pas vraiment reprocher grand chose. Vraiment pas de bol...
"- Alors qu'est-ce qu'on fait patron ?
- Y'a pas trente-six solutions Gigi. Tu me prépares un dossier de dégradation, on le renvoit au grade zéro. On lui évite la limitation en lui retirant quelques pouvoirs. Ouais, encore. Tiens, on va lui retirer ses connaissances en maniement d'explosifs, c'est pas un service à lui rendre que de lui laisser ça. Faut lui trouver un placard, si on le garde ici, il est encore capable de trouver un moyen de s'attirer des ennuis."
Daniel observa sa secrétaire. Visiblement, elle était pas contente et lui non plus, ça lui plaisait pas de devoir faire ça. Y'avait comme un arrière-gout de merde dans cette histoire et il aimait franchement pas ça. C'était pas bon pour son humeur. Puis il eut une idée. Une bien méchante, comme ça lui arrive parfois.
"- Dit Gigi, on a trouvé personne, encore, pour cette demande des services de Dominique ? tu sais ce bled perdu, là...
- Immac sur Sable, patron ?
- Ouais exactement. C'est bien là-bas qu'ils ont un taux de plop hallucinant, non ?
- Ouais patron. C'est super louche cette affaire mais Yves et Dominique veulent rien dire et mes contacts dans leurs services savent rien. Dans le dossier, y'a marqué qu'ils ont besoin de mettre en place un service de défense de l'église locale. Discret et efficace, comme d'hab' quoi. Faut un spécialiste, au moins un grade 2 mais ils sont tous occupés pour le moment."
Daniel ricana.
"- On va leur envoyer Raoul. Il a déjà fait ce genre de boulot et ça va lui faire plaisir de fracasser quelques crânes de cornus. Bon, vu qu'il sera dégradé, ça va être la ramasse mais il va s'en sortir, ce bourrin, c'est sûr. Et puis ça va foutre en rogne les Domeux. Il va leur filer des migraines, ils vont en pleurer leur mère...
- Ok patron. Je mets quoi comme nom de code ?
-Raoul111. Je crois que ça tout à fait approprié."
Daniel et Gigi partirent d'un grand éclat de rire. Finalement, la journée se passa bien et le Conseil trouva admirable la bonne volonté de Daniel qui sanctionna son serviteur avant même qu'on le lui demande, contrairement à ses habitudes. Tout le monde était content là-haut, mais ce qui était sûr, c'est qu'en bas, ça allait pas durer...
...
Quoi, qu'est-ce qu'il a, à se marrer, celui-là ?
C'est Raoul, chef...
Et alors ?
Raoul, il s'en fout : il est pas gradé...
Daniel n'avait jamais été grand mais ça l'avait jamais empêché de gueuler aussi fort que les autres, voire plus. Ce matin-là, il en avait plein le cul. Le Conseil venait de s'achever dans une jolie série d'engueulades. Toujours ce gros connard de Dominique qui pouvait pas l'encadrer. Et Laurent qu'arrêtait pas de le chambrer sur les purges qu'il avait du faire dans ses propres rangs après l'affaire "Terre Creuse". Et Joseph qui insistait encore pour mener de nouvelles enquêtes et provoquer de nouvelles purges, envoyer d'autres anges en rééducation pour le prochain millénaire, et blablabla... N'importe quoi ! Les mecs qui restaient c'était des purs, des durs, des tatoués. Pas des fiottes en tous cas et c'était ça le principal. Pas des bruns non plus, les affectionnados du p'tit colérique à moustache, Daniel avait jamais pu les pifrer. Au moins, c'en était fini de tous ces fachos qui ne comprenaient rien à rien au vrai mouvement skin. Et ça, au moins, ça lui faisait plaisir.
Daniel s'installa derrière son bureau en virant d'un coup de dock bien placée une pile de feuillets dactylographiés et estampillés "urgent". Il appela Gigi, sa secrétaire, une jolie bombe aux cheveux roux super courts mais qui savait montrer qu'elle était mignonne, même en jean, bretelles et rangers. Le tee-shirt moulant devait y être pour quelque chose...
"- Quoi de neuf ?
- Ben tout le bordel habituel, patron. Rien de bien nouveau. Ah si on a encore eu un problème avec l'ange Raoul."
Daniel fronça les sourcils. Ce nom-là, ça lui disait quelque chose. Mais quoi ? Impossible de mettre le doigt dessus. Il lança à Gigi son regard le plus bovin. Elle savait, elle. Dieu seul savait comment elle faisait mais elle savait toujours tout ce qu'il y avait à savoir sur les dossiers qu'elle lui apportait. Daniel la soupçonnait de rencarder parfois ses anciens potes de chez Dominique pour qui elle bossait avant de venir chez lui mais quand la demande de transfert était arrivée sur son bureau (et à cette époque-là c'était un sacré foutoir) il s'en était pissé dessus de rire. Une bonne occasion d'emmerder le vieux con. Il n'avait pas hésité une seconde. Il avait eu le nez creux : Gigi était devenue une pièce maîtresse de l'organisation angélique chez Daniel. Elle était montée en grade super vite mais comme ça, les gros boeufs évitaient de trop baver en attendant devant son bureau. Faut dire qu'elle avait le coup de tatanne rapide, Gigi. Et si ça suffisait pas, elle savait faire pleuvoir les limitations. Daniel lui faisait confiance, il était toujours ok quand elle en demandait une pour un quelconque pénible. Merde, elle avait déjà commencé à causer et lui, il avait perdu le fil.
"- Et donc, on l'avait mis au placard à surveiller les églises du Larzac, histoire de laisser le temps aux choses de s'apaiser. Si vous vous souvenez bien patron, comme il était quand même de grade 2, on avait décidé de pas le rappeler malgré la bourde. Bref on pensait que ça serait tranquille mais y'a eu ce problème avec le grade 3 de chez Emmanuel qui avait récupéré un capitaine renégat de Baal avec l'aide des jumeaux, vous savez les deux serviteurs de l'Epée que Laurent utilise souvent pour faire son sale boulot, bref ces gars-là voulaient l'interroger avant de lui éclater définitivement la tronche. Ben ils se sont ramenés dans l'église d'un petit bled nommé Boussoul, dans le Larzac justement."
Voilà ça y est, ça lui revenait. Ce con de Raoul avait décidé que la défense des lieux saints ça se faisait sérieusement et ça, on pouvait pas le lui reprocher. Alors il avait fait appel à des vieux potes pour se fournir en mines claymore et en télécommandes histoire qu'en cas de problèmes, il y ait du répondant et ça, Daniel trouvait que c'était normal, quoique peut être un peu excessif. Il avait commencé à mettre systématiquement en place un système de défense télécommandé dans un périmètre de soixante mètres autour de chaque église et lieu saint de sa zone et ça, on pouvait pas non plus vraiment le lui reprocher. Un truc bien carré, aucune chance que les caves s'explosent avec en allant à la messe du dimanche. Mais forcément, en voyant quatre types avancer vers son église (ces cons avaient justement choisi celle où il s'était installé) dont un avec un fusil d'assaut en main, un autre avec une paire de cornes et une langue barbelée et les deux derniers avec une carapace de pierre, il avait cru à une attaque en règle. Et on pouvait pas vraiment lui en vouloir. Alors il y avait été franco, Raoul. Et le pire c'est que Dieu lui avait filé un petit coup de pouce : les mines claymore avaient fait voler en morceaux le grade 3 et un des deux jumeaux. L'autre était tellement furieux qu'il avait même pas pensé à activer son aura. Du coup, il s'était mangé direct un coup de dock bénie dans la face et il avait très vite rejoint son frérot. Normal en somme. C'est vrai que Raoul avait eu un petit temps d'arrêt quand il vit que le cornu avait les mains attachées dans le dos mais comme l'autre con lui a balancé un gros jet de flammes dans la face, il a fait ce qu'on lui avait apprit à faire : il a arrêté de réflechir et il a cogné. Il a fait éclater sa petite gueule de tafiole au renégat et là encore, impossible de lui en vouloir. Mais voilà, toute l'affaire avait fait beaucoup de bruits là-haut. Emmanuel était furieux, Laurent pareil. Dominique trouvait ça lamentable rapport au principe de Discrétion, tout ça. Il avait fallut rappeler Raoul, le dégrader et le coller au placard pour avoir la paix. Impossible de lui dire ce qu'il avait fait comme connerie mais il avait accepté ça quand même, histoire de pas foutre la merde dans les rangs. Un brave gars. Ou peut être qu'il avait rien compris à l'affaire en fait.
"- Ok bon, qu'est-ce qu'il a fait ?
- Ben avec le problème Terre Creuse, on a du envoyer des troupes pour foutre une pile aux renégats.
- Laisse-moi finir, Raoul a été envoyé aussi et il y a encore eu un problème.
- Oui mais bon, impossible...
- De lui en vouloir, je sais. C'est toujours comme ça, avec lui. Bon, qu'est-ce qui s'est passé ?
- Ils étaient toute une équipe basée à Paris, ils traquaient une bande de renégats dans les catacombes qui trafiquaient avec des cornus de chez Bifrons. Forcément, quand ils les ont retrouvés, ça a bastonné grave. Nos gars étaient à un contre huit, sans compter les zombies. Du coup, ben ils s'en sont pris plein la gueule. Mais comme Raoul avait pas l'intention de laisser s'en tirer les salauds et qu'il est moins con qu'il en a l'air, il avait embarqué une ceinture d'explosifs. Quand il a vu que c'était foutu, il s'est fait sauter le caisson pour emporter le plus d'enfoirés avec lui.
- Joli ! Et ça a marché ?
- Mieux que ça, patron. Y'a eu une intervention divine. Du coup les renégats et les cornus ont été vaporisés alors que Raoul, lui, il a pas pris une égratignure...
- Super ! Je vois vraiment pas ce qu'on pourrait lui reprocher, cette fois. Où est le problème, Gigi ?
- Ils se trouvaient juste en dessous du métro et la galerie n'a pas trop aimé l'explosion de seize kilos de C-4 dans un milieu très confiné. Du coup, ben ça s'est écroulé...
- C'est pas vraiment sa faute, là.
- Je sais patron et on aurait peut être pu étouffer l'affaire avec l'aide des gars de chez Jean et leurs super pelleteuses qui font le rebouchage super vite. Mais y'avait des gens dans le métro. C'était l'heure d'affluence et les quais étaient blindés. Des centaines de témoins. Du coup, les Domeux hurlent au non-respect du principe de discrétion.
- Merde, ils me font bien marrer ces cons. C'est quand même pas sa faute si les renégats se balladent à dix-huit heures plutôt qu'à minuit. Et puis les services de la pouf sont là pour gérer ce genre de problème, non ?
- Tout à fait patron, les anges de Blandine ont été mobilisés histoire de régler le problème. Mais ça a été plus difficile que prévu.
- Comment ça ?
- Ben la chûte du plafond, ça l'a pas tué ce bourrin de Raoul. Du coup il a commencé à s'extraire des gravats devant tous les témoins en beuglant comme un âne, probable qu'il était tout content d'avoir niqué les cornus et les renégats.
- Ah ouais laisse-moi deviner : ça a pas plu du tout aux domeux question discrétion ni aux gars de la pouf parce que c'est le genre de trucs qui marque les mémoires et qui est beaucoup plus dur à effacer qu'un écroulement qu'on peut facilement faire passer pour un accident ?
- C'est exactement ça, patron. En plus, Joseph dit que si ça se trouve, il était de mèche avec les renégats et qu'il a tout fait péter pour couvrir leurs traces. Du coup, ben ça gueule..."
Daniel observa le dossier que Gigi avait posé sur son bureau. Il était épais. On pouvait pas lui reprocher grand chose à ce gros con de Raoul. Pas de sa faute s'il avait survécu après que Dieu lui-même se soit penché sur son cas, quand même... Mais ça allait être dur de calmer le jeu, ça c'était clair.
"- Bon et ensuite ?
- Ben il a été chopé par les gars de Laurent et mis au secret. Un peu dur comme traitement, à mon avis..."
Daniel tiqua. Gigi n'avait pas fini, c'était clair. Y'avait encore un problème. Bon, tant qu'à faire, autant y aller à fond. Il lui fit signe de continuer. Elle hésita une seconde et lâcha finalement le morceau. Vu la tronche qu'elle faisait, elle l'aimait bien, ce Raoul. Et il devait être encore plus dans la mouise, si c'était possible.
"- Ben voilà patron. Dès le lendemain le coordinateur des forces de Dominique à Paris, accessoirement gouverneur de Notre-Dame, eut le dossier entre ses mains et il décida d'aller voir lui-même. D'après ce que j'ai entendu dire, les gars de Joseph avaient torturé Raoul toute la nuit pour lui faire cracher qu'il était complice des renégats mais il avait tenu bon. Le Domeux s'est foutu de sa gueule et là, apparemment Raoul a vu rouge.
- Ouais normal. Moi à sa place, je leur aurais déjà défoncé la rate, à ces enfoirés.
- Il était attaché patron. Mais il lui a quand même balancé un bon coup de boule, histoire de lui montrer qu'il était pas une fiotte qui se pisse dessus en voyant un Domeux un peu plus gros que les autres. Et on peut pas vraiment...
- Lui en vouloir, ouais ça va Gigi, je commence à connaître la chanson. Et après ? Le domeux a été pleurer sa mère qu'il s'était pris un gnon ?
- Ben en fait, il a été pleurer direct auprès de Dominique vu que Dieu a encore donné un petit coup de pouce à Raoul. Résultat, le coup de boule a fracassé le crâne du Domeux qui s'est retrouvé direct au Paradis. Et comme il a des relations, je crois que ça va chier..."
Daniel se massa les tempes, se demandant comment un seul gars pouvait avoir autant le don de se foutre dans la merde. La purge n'était pas encore complètement finie et s'il voulait éviter qu'on confie à Joseph le soin d'enquêter sur les supects, il fallait que la réputation de ses troupes reste impeccable. Y'avait pas grand chose à faire, à part sacquer un brave gars pas très malin à qui on pouvait pas vraiment reprocher grand chose. Vraiment pas de bol...
"- Alors qu'est-ce qu'on fait patron ?
- Y'a pas trente-six solutions Gigi. Tu me prépares un dossier de dégradation, on le renvoit au grade zéro. On lui évite la limitation en lui retirant quelques pouvoirs. Ouais, encore. Tiens, on va lui retirer ses connaissances en maniement d'explosifs, c'est pas un service à lui rendre que de lui laisser ça. Faut lui trouver un placard, si on le garde ici, il est encore capable de trouver un moyen de s'attirer des ennuis."
Daniel observa sa secrétaire. Visiblement, elle était pas contente et lui non plus, ça lui plaisait pas de devoir faire ça. Y'avait comme un arrière-gout de merde dans cette histoire et il aimait franchement pas ça. C'était pas bon pour son humeur. Puis il eut une idée. Une bien méchante, comme ça lui arrive parfois.
"- Dit Gigi, on a trouvé personne, encore, pour cette demande des services de Dominique ? tu sais ce bled perdu, là...
- Immac sur Sable, patron ?
- Ouais exactement. C'est bien là-bas qu'ils ont un taux de plop hallucinant, non ?
- Ouais patron. C'est super louche cette affaire mais Yves et Dominique veulent rien dire et mes contacts dans leurs services savent rien. Dans le dossier, y'a marqué qu'ils ont besoin de mettre en place un service de défense de l'église locale. Discret et efficace, comme d'hab' quoi. Faut un spécialiste, au moins un grade 2 mais ils sont tous occupés pour le moment."
Daniel ricana.
"- On va leur envoyer Raoul. Il a déjà fait ce genre de boulot et ça va lui faire plaisir de fracasser quelques crânes de cornus. Bon, vu qu'il sera dégradé, ça va être la ramasse mais il va s'en sortir, ce bourrin, c'est sûr. Et puis ça va foutre en rogne les Domeux. Il va leur filer des migraines, ils vont en pleurer leur mère...
- Ok patron. Je mets quoi comme nom de code ?
-Raoul111. Je crois que ça tout à fait approprié."
Daniel et Gigi partirent d'un grand éclat de rire. Finalement, la journée se passa bien et le Conseil trouva admirable la bonne volonté de Daniel qui sanctionna son serviteur avant même qu'on le lui demande, contrairement à ses habitudes. Tout le monde était content là-haut, mais ce qui était sûr, c'est qu'en bas, ça allait pas durer...