it's a highway to hell, pompompom, highway to hell...

[Sachiel]

La journée commençait vraiment bien... C'était pratique ces bâtiments sacrés. Sur le parvis, bien exposé en pleine lumière, cette saloperie de youyou rampait sur le sol, le rein perçé par le coup de poignard du démon qui venait sans vergogne ni aucune peur de se réfugier à l'abri des portes du sanctuaire, intouchable et intouché. Voyant une jeune femme le foudroyer du regard, les mains serrées sur la poignée de son épée courte, il lui fit un geste obscène très suggestif et se prépara à foncer une nouvelle fois au dehors, bien décidé à en finir avec ce cancrelat qui s'accrochait désespéremment à la vie.

Urkh urkh urkh, p'tite angèle, tu vas même pas avoir le temps de me voir bouger et t'auras plus qu'à te bouffer les ongles de me voir buter ton copain sans rien pouvoir faire. Gloire à Baal !!!

Il était prêt à foncer, il esquissa le premier geste pour cela, bien décidé à annoncer à son patron une nouvelle victoire pour les forces du Mal (tout en taisant soigneusement les détails de cette brillante victoire) mais là, y'a eu comme un problème...

Il sentit d'un seul coup un choc violent dans le dos et il s'est senti décoller du sol. On la fait pas à un servant du prince démon de la guerre : il roula au sol et se retournait déjà lorsqu'il sentit plus qu'il ne vit le mouvement sur son côté gauche. Il entendit le râclement d'une épée qui jaillit du fourreau et la dernière chose qu'il sentit, c'est cette douleur violente au sommet du crâne.

Et puis plus rien.

[Sachiel]

Il était en retard. Vraiment, il ne comprenait pas l'intérêt de ces missions "subsidiaires". Il était fait pour tuer et les démons pour mourir. Il n'y avait rien d'autre à savoir, rien d'autre à dire, rien d'autre à faire. Finalement, entrer au service de l'archange de la Guerre avait été une bonne chose. Les réticences nées du jeune âge de son supérieur (après tout il avait quand même été humain au VIII° siècle... Sachiel était donc environ 8 fois plus âgé que son maître.) étaient à présent évanouies.

Il courait dans l'Eglise. Sans même prendre la peine de sourire aux grenouilles de bénitier offusquées par son sprint au milieu du lieu saint, il fonçait vers la sortie. Il aperçut alors quelque chose d'assez étrange : un type de taille moyenne, un peu bedonnant et passablement dégarni, armé d'ou gros couteau de boucher poisseux de sang venait d'entrer dans l'Eglise.

Il échappa ainsi à une jeune femme munie d'une épée courte et d'un autre type de grande taille, apparemment sans armes mais dont le bras gauche pendait mollement, signe d'une assez mauvaise blessure près de la clavicule. La fille était armée mais elle semblait réticente à entrer dans l'Eglise. Etait-elle une ennemie ? Mais dans ce cas, pourquoi le petit gros ricanait-il ? Après tout, certains anges n'avaient aucun respect pour l'adversaire et se moquaient ainsi de leurs ennemis. C'était peut être l'un d'entre eux.

Le géant blond remarqua alors la manière dont bougea le petit gros qui sorti de l'Eglise, sauta en salto au dessus de la jeune femme, frappa l'homme déjà blessé dans le dos avant de lui envoyer un coup de pied circulaire en plein visage et, d'une roue magistralement exécutée, de revenir à l'abri des portes de l'Eglise.

Aucun doute n'était possible, cet être était un adepte de Baal.

L'homme dehors s'écroula, le rein probablement perçé par le coup de couteau reçu, la jeune femme restait là, indécise. Sachiel accéléra afin de se porter à la hauteur du démon et le percuta violemment d'un coup d'épaule dans le dos !

Le démon décolla du sol et roula au dehors. il était déjà en train de se relever mais les précieuses secondes perdues allaient lui être fatales. Le géant blond, dans le même mouvement, avait dégainé son épée et frappa son adversaire au somment du crâne. La matière cervicale éclaboussa le géant blond, la jeune femme et l'homme blessé gisant au sol tandis que le démon disparaissait dans un PLOP ! sonore.

Sachiel agita sa main en éventail devant son visage pour dissiper plus vite le petit nuage de souffre qui s'était formé lors de la disparition du Déchu. La pluie fine qui tombait sur le parvins le nettoya en quelques minutes durant lesquelles il profita du calme de cet endroit sacré.

Puis il se mit à marcher vers le parking.

[Sachiel]

Là-bas, la guerre faisait rage. Un bus venait d'arriver, porteur d'une demi-douzaine de démons qui souillaient de leur présence impure le parking de la vieille ville. Déjà, les anges présents avaient engagé le combat, bien décidés à refouler ces damnés loin de leur sanctuaire. Sachiel accéléra le pas, ayant entendu dans son comlink que plusieurs membres de sa section étaient aux prises avec les démons.

D'une foulée rapide et rythmée, il se rendit sur les lieux. La situation était apocalyptique. Le sang coulait à flots et Sachiel se sentait dans son élément. Il avisa un incarné de forte corpulance, assez basané et dont les traits lui disaient vaguement quelque chose. Il le dépassa en trombe, décidé pour une fois à trouver l'ennemi avec certitude avant de frapper.

Il se retrouva face au bus.

J'en ai plus qu'assez de voir cet engin se ramener régulièrement avec des cornus à son bord qui viennent provoquer un carnage jusqu'au pied de notre église !

D'un violent coup de pied, le géant blond défonça les portes du bus. Manifestement, il comptait bien rendre ce dernier inutilisable. Mais ce qu'il entendit après le fit changer d'avis. Le gros noir venait de parler :

Oulala, il fait beaucoup de bruit le grand blond. Vais pas trop le déranger pour l'instant, qu'il s'ammuse avec le Bus seulement. Il y a des volontaire pour l'empallement? Je réinvente le head-fucking pour les interessés.

Abandonnant le bus pour l'instant, Sachiel brandit son épée et s'avança lentement vers celui qui venait de se désigner comme son adversaire.

Ta dernière heure est arrivée, démon. Je savais que je te connaissais. Tu te nommes Magloire et tu sévissais sur M6, dans cette démoniaque émission nommée le Morning Live... Ta carrière sur Terre est finie !

Plongeant sur son adversaire, Sachiel roula par dessus son épaule et frappa en un éclair la démone qui se trouvait derrière ! Cette créature qui menaçait son frère Anabaseth était en réalité son objectif initial mais Sachiel ne put se retenir et d'un mouvement circulaire tout en puissance, il décrocha la tête des épaules du gros noir. Les deux PLOP! sonores eurent lieu presque simultanément et les deux petits nuages de souffre qui se formèrent menacèrent de rendre l'atmopshère soudain irrespirable... Voyant que ses compagnons liquidaient les derniers cornus, Sachiel se retourna vers le bus.

Bon, qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire de toi ?

[Sachiel]

Le géant blond regarda autour de lui. Une sorte de vertige le prit et il dut s'appuyer contre le tronc d'un baobab pour ne pas perdre l'équilibre. Vraiment, les limites de ces corps humains étaient dés...

Un baobab ?

Il regarda autour de lui. La voiture qu'il conduisait l'instant d'avant avait disparue. La route également. Et le trottoir. Et le pont. Et les bâtiments du centre-ville. Toute la cité semblait s'être évanouie dans les airs.

Le séraphin comprit rapidement que selon toute vraissemblance, c'est plutôt lui qui avait été téléporté ailleurs. Restait à savoir où...

La dernière image qu'il parvenait à visualiser était celle de cette fille dans la décapotable. Elle l'avait regardé une fraction de seconde et le monde avait basculé. Le temps que la bulle de son chewing gum éclate et il se retrouvait ici à patauger dans un humus un peu trop vert...

Sachiel ne comprenait pas le plaisir qu'on pouvait ressentir à mâcher une substance qu'avaler risquait de rendre malade. Les habitues humaines lui étaient encore pour la plupart étrangères et il n'avait pas vraiment envie de les connaître. Pourtant, quand on y songeait... Il avait appris ce qu'était le désir et comprit comment les hommes étaient si facilement séduits et corrompus. Les pulsions de cette envellope charnelle jouaient sur son âme immortelle d'une manière fort troublante.

Chassant ces pensées inutiles et revenant à la situation présente, il huma profondément l'air. Les senteurs chargées d'embruns étaient encore alourdies par l'odeur de chair en décomposition qui régnait et celle de la boue omniprésente. Ce qui devait être la dure réalité commençait à se former dans son esprit mais il refusait de le croire pour le moment. Il lui fallait une preuve tangible, irréfutable. Il n'eut plus le choix et dut se rendre à l'évidence lorsque quelques mètres plus loin, il découvrit un plant de fougères plus hautes que lui...

6 mois plus tard

Etait-ce vraiment lui ? Couvert de boue sêchée, vêtu de haillons et de peaux de bêtes fumées et grossièrement tannées, le géant blond empoignant toujours sa lourde épée était tapi dans les hautes branches d'un arbre géant, observant la forêt s'éveiller autour de lui. Ivre de fatigue, affamé, assoiffé, il n'en pouvait plus et savait que son corps avait atteint les limites de sa résistance physique. Il n'était pourtant pas résolu à se rendre, ne sachant pas ce qu'il adviendrait de lui s'il venait à mourir.

Il était ennuyé parce qu'il devait convenir que le démon de Kronos qui l'avait eu usait d'un pouvoir particulièrement puissant. Pourtant, ce n'était visiblement pas un guerrier. Alors devait-il respecter son adversiare ou non ? Sachiel penchait pour le oui mais il n'eut pas le temps d'achever son introspection. Le prédateur venait de le retrouver.

Il se maudit de ne pas avoir remarqué que le vent tournait. Il était trop occupé à penser. Il voulut hurler au monstre qui se dressait devant lui mais sa gorge, qui avait perdu l'habitude de fonctionner, n'émit qu'un coassement ridicule. Il observa le monstre qui se dressait devant lui à plus de cinq mètre du sol : environ 6 tonnes, c'était un mâle de fort belle taille. Lorsque la bête ouvrit sa gueule, deux rangées de crocs d'environ 20 centimètres de long furent dénudées. Le monstre semblait affamé et fort mécontent d'avoir du courir aussi longtemps...

Sachiel sourit. Cet arbre avait été un refuge providentiel pour espionner la jungle mais il s'était laissé surprendre et il allait mourir. Quel adversaire ! Il ne lui restait que quelques secondes à vivre, qu'il mit à profit pour rechercher dans la mémoire de son incarna le nom de cette bête. Il le trouva. Tyrannosaurus rex. Joli nom. Joli monstre.

Il bondit.

Le noir. Le froid. La douleur. La chaleur qui dégourdit lentement les membres. La lumière, enfin. Il avait mal partout, mais il sentait en dessous de lui le contact rassurant du pavé. Tournant légèrement la tête, il aperçu les vitraux familiers de l'église. Il entendit une voix au dessus de lui.

Ne bougez pas. On s'occupe de vous.

Il était de retour. Le combat allait reprendre.

[Sachiel]

Ils étaient deux, seuls dans un petit hotel de banlieue, un bouboi un peu sordide mais dsicret. Les fidèles descendantes de Marie Madelaine faisaient leur office dans les chambres attenantes mais ils n'en avaient cure. Ils avaient d'autres problèmes à régler.

Le petit meuble s'écrasa violemment contre le mur du fond. L'impact avait été si fort que le poste de télé était tombé au sol. L'image grésillait maintenant. Sachiel était visiblement furieux, les muscles de ses épaules tendus à l'extrême. Il avisa son épée posée sur la table basse et caressa l'idée d'aller se défouler dans les bas fonds mais y renonça et se laissa tomber dans un des deux fauteuils. L'autre était occupé par Shasthar.

Sachiel observa quelques secondes sont compagnon d'armes. Un guerrier redoutable, qui n'était jamais tombé sous les coups ennemis et disposait maintenant d'un nombre non negligeable de victimes à son actif. Par contre, son incarnation humaine n'était pas géniale. Devoir supporter cette petite boulotte d'Ava Jonas devait lui peser à force. Zorah lui avait conseillé de le recruter... Les pensées de l'ange se tournaient obstinément vers l'angèle.

A-t-elle dit pourquoi elle partait ?

Shasthar resta silencieux un moment, choisissant avec soin ses mots. Sachiel était connu pour ses colères explosives et la violence qu'il dégageait dans ces moments-là n'était pas toujours contrôlée... Lorsque le regard gris acier de son ami se fixa sur lui, il se décida enfin à parler.

Oui, elle m'a expliqué les raisons de son départ. Mais je ne suis pas certain que cela te plaira...

Sachiel était resté assis. Il reste silencieux et invita d'un geste Shasthar à continuer. Lentement, sa colère se muait en une sorte de rage froide melée d'autres sentiments, celui d'être trahi, celui d'être orphelin... Etait-ce une once de désespoir qu'on pouvait lire au fond de ses prunelles ? il ne se mettrait plus en colère, il garderait ça au fond de lui désormais. Il n'en serait que plus dangereux encore.Shasthar continua :

Le dernier que tu as exécuté... Elle m'a dit que c'était différent, que pour la première fois...

Sachiel semblait surpris par le tour que prenait la discussion.

Que tu y avais pris plaisir. Que tu avais apprécié de le tuer. Et elle ne l'a pas supporté.

Sachiel resta silencieux un bon moment. Il réflechissais. Une heure passa avant qu'il ne reprenne la parole. Shasthar n'avait pas bougé d'un iota. Cet ange était la patience incarnée.

Et toi, qu'en penses-tu ?

Shasthar sourit, avec une once de cynisme d'après Sachiel.

Tant que nous tuons des Damnés, je suis comme notre saint patron Michel. Peut importe la manière, tant que c'est efficace. J'apprends beaucoup à tes côtés. Je reste.

Sachiel se leva et hocha la tête. Shasthar compris et empoigna son manteau, vérifiant que sa propre épée était bien fixée dans la doublure tandis que Sachiel marchait vers la sienne. Le colosse blond sourit légèrement.

Allons tuer quelques Déchus...

Le poste de télé ne grésillait plus. Le speaker de la météo regarda fixement Sachiel une seconde puis il sorti un calepin et dit d'une voix nasillarde :

L'administration a accédé à votre requête. Votre épée vous a été rendue. Mais attention, vous connaissez parfaitement le potentiel destructeur d'une telle arme et son passé plus que douteux. Les services de Dominique vous ont plus que jamais à l'oeil.

Il se remit alors à expliquer le déplacement des cumulo-nimbus au dessus du Pas de Calais et Sachiel tendit la main devant ses yeux. Au prix d'un petit effort de volonté, il visualisa son épée. Sa lame, forte, solide et légèrement barbelée. Ces reflets légèrement bleutés qui la parcouraient. Le damasquinage compliqué que les anciennes traces de brûlures gâttaient un peu. La garde, forte et gravées des signes cunéiformes représentant les sept pêchés capitaux. La garde ceinte de cuir noir et le pommeau équilibrant le tout. Une arme parfaite, sublime. Instantanément, elle apparut dans sa main. Sachiel la sentit vibrer au creux de sa main, partageant sa joie d'être à nouveau liée à lui.

Némésis... Te voilà enfin...

Cette fois, Sachiel souriait franchement. Il empoigna son blouson et suivit Shasthar hors de la pièce. Il était plus que temps d'aller faire la guerre...

[Sachiel]

Que m'est-il arrivé ?

Sachiel contemplait son visage dans la vitrine dun magasin. Autour de lui, souriant cruellement, une demi-douzaine de démons s'écartaient déjà. Sachiel regarda ses mains, rougies du sang de son frère d'armes.

Shasthar, mon ami, te tuer fut l'acte le plus difficile et le plus excitant de toute mon existence...

Sachiel regarda autourt de lui, la brume qui baignait ce parking sordide, les néons de la discothèque et cette musique obscène, les ombres mouvantes des Damnés et des humains pervertis... Pendant un instant, Sachiel douta. Avait-il fait le bon choix ? Puis l'image de KaleeSha se superposa à tout celà et Sachiel sourit. Pour la première fois de sa longue existence, il avait pu goûter au bonheur et il était donc certain d'avoir enfin fait le bon choix. Ce souvenir lui faisait chaud au coeur...

Sachiel prit une longue inspiration et replongea dans ses souvenirs. Ce café, "Chez Régis", c'est là qu'il l'avait rencontrée. Cette créature infernale, il s'en était méfié mais... elle l'attirait. Elle éveillait en lui des émotions qu'il n'avait jamais connu. Depuis quatre mois qu'il était incarné, Sachiel n'avait fait que combattre. Il avait tué, à profusion oh oui... Mais pour autant, il n'en concevait ni joie ni peine. Son existence, il le savait au fond de lui, était vide.

Samael... Plusieurs fois, Sachiel fut confronté au pouvoir de son vieil ami. Il perdit plusieurs incarnations par la faute du Grand Lucifer et sa confiance en lui avait été éprouvée. Et c'est là qu'elle était apparue.

Libre, belle, intolérablement mutine, physiquement très attirante elle avait aussi une âme adorable, faite de force et de stupre mêlées, c'était un être promis à un tel avenir... Dès le début, Sachiel se surprit à imaginer ce que pourrait être une existence éternelle auprès d'elle. Et puis tout s'est enchainé. Les combats, les rendez-vous, les bains de sang, les discussions feutrées. Mais jamais il ne céda, jamais il ne s'abandonna à la luxure tandis que montait sa colère, que couvait sa rage et que menaçait d'exploser sa fureur. Tant de mesquineries, tant d'insolences, tant de jalousies inavouées et de rancoeurs inassouvies, cela rendait Sachiel malade.

Avait-il donc tant subi, tant oeuvré et tant enduré pour être confronté à cela ? Etait-ce tout ? Après neuf mille d'infamies, d'humiliations et de peine, on l'avait enfin autorisé à s'incarner. D'autres anges plus proches de la nature humaine aurait tout simplement dit qu'il avait du faire la corvée de chiotte la plus longue de toute l'histoire du Paradis... Et le seul Archange qui ai pris le risque de l'accepter parmi les siens fut Michel, aussi jeune soit-il, aussi humain qu'il ai été...

Tout ça parce qu'il avait commis une erreur. Lors de la grande révolte, lorsque chacun des anges de puissance prenait position, lorsque Samael est venu le voir pour lui offrir le Choix, il n'avait pas osé. Il n'avait pas choisi le Ciel non... Il n'avait pas osé choisir et il l'avait payé au centuple. Méprisé par les Déchûs, ignoré par les Fidèles, il s'était vu confiné aux plus humbles tâches durant les neuf millénaires qu'avaient duré le Grand Jeu. Enfin il avait une occasion de prouver sa valeur...

Sachiel sentit son coeur humain se serrer. Il rendait une bien piètre monnaie à celui qui lui avait fait confiance quoiqu'à la réflexion, Michel n'avait pas vraiment pris de risque, au vu du grand nombre d'anges incarnés ici. Il lui fallait des guerriers puissants et Sachiel en était un. Voilà tout.

KaleeSha... Toi la Dame Pourpre qui hante mes pensées, tu m'as libéré... En vérité, je te dois bien plus qu'à n'importe qui... Je te dois tout et cette damnation, tu m'as appris à la désirer...

Mais à présent, Sachiel ne savait plus que penser. KaleeSha avait gagné, il le savait à présent. Elle avait achevé son oeuvre et son âme de guerrier était perdue. Mais pour autant, n'allait-il pas se fourvoyer sur des chemins éloignés des siens ? Et ses voies, celles de la guerre... Et maintenant, il venait de tuer son meilleur ami... Pourquoi ? Quel était le sens profond de tout ceci ? Pourquoi s'entretuer si la réincarnation était immédiate ? Quel message Dieu voulait-il faire passer à ses serviteurs et à ses ennemis ?

Je n'en sais foutre rien, mais je me dois d'assumer le poids de mes pêchés. Maintenant, je connais le sens profond du mot liberté...

Reniant la culpabilité mais acceptant la réalité de ses actes, Sachiel s'aventura sur les chantiers de banlieue, là où nul n'était jamais dérangé. Il leva les yeux vers la lune, admira sa beauté virginale et songea encore à KaleeSha. Jusqu'au dernier moment, elle serait dans ses pensées, il le savait.

Sachiel s'agenouilla lentement sur l'herbe humide. il inspira lentement et, emprunt d'une étrange sérennité, il dégagea sa longue épée et en admira une dernière fois la ligne parfaite. A la maniere des anciens samouraïs, il se recueillit pendant un long moment, recentrant ses énergies et apaisant son esprit. Il connaissait intuitivement le rituel depuis sa naissance, au Troisième Jour. il ne s'agissait de rien d'autre que de l'essence même du Choix, de sa plus pure expression. Et Sachiel avait d'ors et déjà fait son choix.

Il rejeta Dieu, du plus profond de son être et instantanément, il ressenti la déchirure, la coupure. C'en était fini, il ne reverrait plus jamais l'immaculée clartée des Cieux. Mais étrangement, cela ne lui manquerait pas, il en était certain. L'image de KaleeSha revint en lui, plus forte que jamais et il sut qu'il l'aimait.

Il rit en silence, se moquant gentiment de lui-même, devenu si humain alors que la fin approchait.

Enfin, il fit ses adieux au monde, qu'il n'avait pas pris le temps d'apprécier, qu'il n'avait pas appris à connaître, quoique cela n'ai plus d'importance aujourd'hui. Pendant un instant, il envisagea de vivre, simplement, de voir son corps vieillir, son esprit dégénérer et son âme s'alourdir. Mais non, pourquoi attendre ? Une nouvelle aventure l'attendait, l'Inconnu, enfin... Il comprit instantanément l'immense courage des mortels, qui continuent à vivre alors que tout les pousserait à mourir. Mais foin que de tout cela.

Adressant une dernière pensée à celle qui avait embrasé son âme, il prit son épée par le fort de la lame et en appliqua la pointe sur son abdomen. Une légère pression et déjà, le glaive enchanté entaillait les chairs, s'enfonçant dans les viscères, déchirant les boyaux, râclant finalement la colonne vertébrale avant de percer le dos. Intolérable douleur qu'il endura pourtant stoïquement, le regard perdu dans le lointain. Enfin, il senti son coeur cesser de s'emballer, son flux sanguin s'affaiblir, son regard se voiler. Tandis que son corps s'affaisait, il sourit légèrement lorsqu'au loin, devant lui, apparut une clarté...

Cette lueur...