Janus/Valefor

[Vik]

La suite de l'aventure précédente. Les voleurs ont eu affaire à une équipe de Domeux compétents

Un procès digne d'un vrai polar

BRAQUAGE METALOR Deux des «petits poissons» versent des larmes de crocodile. Mais deux autres restent froids. Bernés par les Corses, aucun d'eux ne verra la couleur des 666 kilos d'or
GIOVANNI SAMMALI
28 mars 2006

Le procès du braquage Metalor, réussi avec la complicité d'agents de la sécurité en janvier 2004, s'est ouvert hier à Neuchâtel. Même si un avocat a présenté les six prévenus comme de «petits poissons», c'est une affaire de grand banditisme que juge la Cour d'assises. Le dispositif de sécurité l'a rappelé, ainsi que la nervosité de deux des accusés: ils ont décoché des coups à l'un des photographes qui attendaient leur arrivée.

Et puis, il y a ce fameux butin, plus de 10 millions en or, qui n'a pas été retrouvé. Et le mode opératoire, avec des caméras de surveillance sprayées pour les rendre inopérantes. La Cour a quand même vécu sa «petite séance de cinéma», dixit le président Niels Sörensen, en visionnant des scènes du braquage.

Les truands corses qui l'ont exécuté, en prenant un cadre et un agent intègre en otage, seront jugés en France. Le dernier fugitif vient d'ailleurs d'être arrêté au Brésil. Ce sont les organisateurs, établis à Neuchâtel ou en Romandie, qui comparaissent depuis hier.

Parmi eux, trois agents Protectas, pathétiques. Le chef d'agence en arrêt maladie pour burn out, l'auxiliaire suicidaire et le troisième, un peu paumé, se sont connus alors qu'ils travaillaient sur l'arteplage d'Expo.02 à Yverdon.

Les deux premiers de ces «petits poissons», repentis, ont versé des larmes de crocodile. Habitués à nager en eau trouble, ils ont avoué une série d'escroqueries à l'assurance.

Cette fois, ils ont visé un butin colossal. En confiant l'exécution du coup à des malfrats de l'Hexagone, ils ont pris le risque de se faire doubler.

Les deux prévenus qui seront entendus ce matin ont le physique de l'emploi. Ce sont eux qui étaient en contact avec les Corses. Ils devaient toucher une des sept parts du butin, mais ils nient avoir été présents le jour J. La petite amie de l'un d'eux a fourni hier un alibi. Problème: celui-ci ne couvre pas les bonnes heures. Et c'est du côté de Fribourg, donc en direction de leur lieu de résidence, qu'ont été retrouvées les deux Scénic volées qui ont servi à sortir l'or de l'usine......

Ce procès digne d'un grand polar continue ce matin. Avec une quasi-certitude: si les truands français savent où est passé l'or, les prévenus n'en verront jamais la couleur.

«Pas l'oeuvre de rigolos!»

BRAQUAGE METALOR Le procureur veut un verdict à la hauteur d'une organisation très professionnelle. Les 666 kg d'or disparus en Corse sont un record cantonal
GIOVANNI SAMMALI
29 mars 2006


«Du grand banditisme, et non l'oeuvre de rigolos improvisant un coup le samedi soir.» Au procès du braquage de l'usine Metalor de Marin (NE), le procureur Pierre Cornu a requis hier de 3 ans et demi à 10 ans de prison contre les principaux protagonistes du côté suisse, dont trois agents de sécurité. Il a insisté sur le côté très professionnel de ce coup record pour le canton.

Côté français, les truands ont été arrêtés, mais les 666 kg d'or se sont volatilisés en Corse.

«Même dans un film, ce scénario paraîtrait exagéré», a ironisé le procureur. Repérages, rencontres, plans, plaques dérobées en Suisse pour les véhicules volés en France, vignettes autoroutières, téléphones portables neufs, changements de véhicules, itinéraire de fuite dédoublé... «Et même un plexiglas de la bonne dimension pour remplacer la vitre à casser sur place!»

Neuf ans ont été requis contre le responsable de l'agence Protectas, qui a de plus contre lui dix escroqueries à l'assurance pour de faux vols de voitures (préjudice de 300 000 francs). L'auxiliaire qui a joué le faux otage, prêt à se faire tirer dans une jambe pour faire plus vrai, risque 6 ans. Leur ancien collègue, écarté du coup au final, risque 3 ans et demi. Il a fait le lien avec le Valaisan et le Français de Fribourg au casier chargé, lequel a lancé son ami corse sur le coup.

Ces deux repris de justice nient tellement être intervenus le jour J - alors qu'une part du butin doit leur revenir - que l'accusation est convaincue qu'ils ont au moins agi comme chauffeurs. Elle a demandé des peines de 4 à 10 ans.

Des antennes de téléphonie mobile ont prouvé qu'au moment crucial le Français a franchi la frontière vers Genève, avant de revenir à Fribourg... Celui-ci a hébergé les exécutants chez lui et a admis seulement hier qu'il connaissait le fameux Corse. Pour mieux le disculper... «Grand banditisme et loi du silence. Tu te tais, tu touches», a lancé le procureur. D'ailleurs, les agents de sécurité passés à table ont été tabassés en prison par leurs coaccusés.

La défense a plaidé des peines plus clémentes, refusant qu'on fasse un exemple. Le verdict est attendu ce soir.