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Je ne suis pas fou !
#2
Je suis dehors.
Il fait froid.
Le ciel est gris et une pluie fine s’insinue à travers mon T-shirt. Je suis pieds-nus, je sens le sol glacé et poisseux qui fait un drôle de bruit humide à chacun de mes pas.

Ross est couché sur le flanc dans le box, il ne bouge plus.
Une légère vapeur s’échappe de la plaie béante au milieu de sa gorge. Tonga lèche le sang qui coule par terre, Sam mange Ross. Cette vision me terrifie. L’angoisse me prend aux tripes, me tétanise et je ne peux quitter ce spectacle macabre des yeux. Keith rigole de me voir si effrayé. Mais ce que Keith n’a pas compris c’est que je ne suis pas seulement effrayé. Je suis surtout excité par tout ça.

L’odeur du sang, les chiens qui se dévorent entre eux…

Et tout à coup, moi aussi j’ai faim. Trop faim. Depuis combien de temps n’ai-je pas mangé ? Je ne me souviens même plus de mon dernier repas. Mais je sais bien que parfois je perds la notion du temps. C’est pour ça que j’ai besoin de maman pour me rappeler la réalité. Je fais demi-tour vers la maison.
Quel silence ! Pourquoi je n’entends pas la sempiternelle radio de maman ? Je vais directement à la cuisine. J’ouvre un placard, il est vide. Le frigo aussi est vide. Mais il faut que je mange.

Alors, je repense à Ross et à sa chair fumante.

Je fonce dans mon atelier et j’attrape ma hache, ensuite je rejoins le box des chiens. Tonga, trop occupée à fourrer sa gueule dans l’estomac de Ross ne voit pas le coup venir et je sépare son corps de sa tête d’un coup. Le sang gicle partout, c’est beau ! Jimi saute sur place en applaudissant. Il est aussi excité que moi et m’encourage à terminer le travail. Je me tourne vers Sam. Mon bon vieux Sam. Il a à peine le temps de lever la tête vers moi. Je croise son regard vide et je lui plante la hache sur le sommet du crâne. Ca fait un bruit dégoûtant quand je sens la lame qui s’enfonce. Et Sam s’affaisse.
Alors je m’approche du cadavre encore chaud de Tonga. Sa tête n’a pas quitté le ventre de Ross, elle tient toujours un morceau de chair entre ses crocs.
C’est drôle.
Je m’agenouille devant Tonga et je bois son sang. C’est tiède, douceâtre, légèrement écœurant. Jimi en salive et Keith se tripote, les yeux exorbités. Mick, est là aussi. Il me regarde et m’injurie copieusement. Je m’en fous. J’ai trop faim. Je me redresse à moitié et leur adresse un doigt d’honneur. Ils ricanent et se donnent des tapes dans le dos. Je plonge ma tête dans la plaie et arrache un gros morceau de chair sanguinolente de la gorge ouverte de Tonga. J’ai du sang dans les yeux, ça pique. Mais je continue à mastiquer goulûment. Dieu que j’avais faim ! Je ne sais pas combien de temps on reste là, les gars et moi, mais quand je me relève il fait presque nuit. Je me dirige vers la maison, assoiffé. Il y a une bouteille d’eau de vie à moitié vide sur la table de la cuisine. Je bois de longues gorgées, ignorant la brûlure de l’alcool puis me dirige en titubant vers ma couche. Je m’écroule sur le matelas et m’endort d’un coup, repu.

Du sang. Des hurlements de douleur. C’est maman qui hurle. Une hache. Maman qui hurle. Tais-toi maman, tais-toi. Un marteau.  Je suis excité, tellement excité. Il faut faire quelque chose maman. S’il te plaît. Une scie. Ca ne suffit pas maman. Du sang. Je veux voir le sang de maman. Arrête de crier maman, sinon Jimi te fera taire ! Je suis si excité.

Je me réveille en sursaut, trempé de sueur. Mon bas-ventre tressaille et mon short est souillé. Je suis soudain pris d’une violente nausée et je me précipite aux toilettes, juste avant de vomir une boue noirâtre au goût vaguement métallique. Je me relève, cligne des yeux pour évacuer le léger vertige qui m’assaille et retourne dans ma chambre. Je m’assois sur le matelas. Curieusement, je me sens détendu, presque serein. Jimi et les autres doivent dormir, je ne les entends pas. Les chiens aussi doivent dormir. Tout est calme. La douleur dans ma tête est comme une petite étoile tout au fond de mon cerveau. Elle brille intensément pour que je ne l’oublie pas mais semble si lointaine… J’ai l’impression d’être revenu des années en arrière, quand je n’avais pas toutes ses voix dans ma tête et que je pouvais réfléchir et penser, presque comme tout le monde.
J’avais même commencé des études, pour devenir mécanicien. Les voitures, une vraie passion à l’époque. Maman disait que j’avais de l’or dans les mains, que je pouvais faire ce que je voulais avec mes dix doigts. Selon elle, j’aurais pu avoir ma propre affaire. Et puis, il y avait les copains, les filles, le shit, l’héro, le rock. J’avais même une guitare. Je jouais dans un petit groupe. C’était comment le nom déjà ? Bref,  j’étais heureux. Jusqu’à ce que Jimi arrive dans ma tête. Il me parlait très peu au début. Il était juste là, assis tranquillement avec sa guitare, à me regarder en jouant toujours la même mélodie. Et puis il a commencé à se moquer de moi, de mon look, de ce que je disais, de ce que je faisais, de ma manière de faire avec les filles. Il est devenu omniprésent dans ma tête, jour et nuit. Puis les autres sont arrivés. Keith, Mick, Sid, John aussi parfois, et ils ont remplacé mes pensées par leurs voix, leurs musiques, leurs sarcasmes. Alors, moi, le petit Al, j’ai sombré doucement. Je leur ai laissé la place. Lorsque parfois je tente de reprendre le dessus, ils ramènent un nouveau dans ma tête. J’ai laissé tomber, je ne suis pas sûr qu’elle puisse encore contenir plus de monde.

J’émets un long soupir. De nostalgie, d’épuisement aussi. Et puis, j’ai froid. Mais qu’est ce qu’il fait froid ici ! Pour la première fois depuis très longtemps, je regarde mon corps. Je porte un T-shirt grisâtre qui a dû être blanc dans une autre vie. Il est maculé de crasse et de tâches indéfinissables. Mes bras se resserrent autour de mes épaules, je me berce lentement mais ce geste ne m’aide pas à me réchauffer. Je suis transi. Je baisse les yeux vers mon short, kaki et taché à de multiples endroits lui aussi, notamment entre les cuisses. Mes jambes son fines et musclées mais recouvertes d’une couche de saleté impressionnante. Mes pieds nus sont quasiment noirs. Je me lève avec difficulté, sentant de nouveau ma tête tourner et peinant à dérouiller mes muscles tétanisés par le froid.
Je me dirige vers la salle de bain et entre dans la baignoire. L’eau brûlante de la douche m’enveloppe et me réchauffe délicieusement. Je me savonne énergiquement de la tête aux pieds, récurant consciencieusement chaque parcelle de peau, plusieurs fois, jusqu’à ce que mon épiderme rougisse sous l’action de l’eau chaude et des frictions. Propre et apaisé, je sors de la baignoire et me plante devant le miroir au dessus du lavabo pour inspecter longuement mon visage.
Je suis jeune, mes traits sont plutôt fins, presque androgynes. Mes cheveux, noirs et un peu trop longs, cascadent doucement autour de mon visage pâle. Mes traits sont tirés, creusés par l’angoisse qui se lit dans mes yeux trop sombres. Une barbe de quelques jours forme une ombre légère sur ma peau. Je passe rapidement la main dans mes cheveux et m’habille en hâte avec des vêtements plus chauds et surtout, plus propres.

Je pense à maman. Mais où est-elle ? Elle se sent peut-être mal, elle est peut-être couchée… Je décide d’aller frapper à la porte de sa chambre. Aucune réponse.

J’entre.
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Messages In This Thread
Je ne suis pas fou ! - by Al Daule - 02-25-2013, 09:09 PM
Re : Je ne suis pas fou ! - by Al Daule - 02-28-2013, 05:06 PM
Re : Je ne suis pas fou ! - by Al Daule - 03-02-2013, 05:30 PM
Re : Je ne suis pas fou ! - by Al Daule - 03-04-2013, 07:50 AM
Re : Je ne suis pas fou ! - by Al Daule - 03-06-2013, 08:58 PM

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