01-12-2012, 04:27 PM
La chaleur avait d'abord eu un effet assommant. Mais la brûlure des rayons solaires sur son dos blessé avait réveillé son instinct de survie. Relever la tête, entrouvrir ses paupières à moitié collées. L'effort était déjà intense. Prendre appui sur ses mains, ramper encore vers le caillou et se redresser. Essayer une fois, deux fois, tenter encore une dernière fois et y arriver. Le sang battaient dans ses tempes, sa gorge sèche l'élançait, bloquant trop souvent le filet d'air qui alimentait ses poumons. S'adosser à la roche qui brûlait presqu'autant que le soleil lui-même. Se reposer un instant avant de repartir, peu importe comment.
De légers parfums flottaient au dessus des pétales éparpillés. Brûlées, les feuilles odoriférantes aux essences volatiles capables de transporter un initié sur les sentiers aériens. Dispersées aux vents les poudres de pierres et d'essences en appel aux esprits. Autour de l'arbre mort, un cercle tracé par des pieds à la démarche dansante. Sur ce chemin circulaire l'air vibrait encore des échos des litanies qui avaient réveillé ce qu'il restait de vivant et d'attentif. Les mots volaient encore, après avoir tourné autour du tronc sec et noueux, s'élevant toujours plus haut dans les branches et vers le ciel. Deux mains se posaient et éprouvaient, un corps se hissait, fredonnant maintenant pour ne pas rompre le fil. Autour de lui l'attention se fixait, du coin de l'œil il pouvait voir les couleurs changer, osciller dans la pénombre qui s'installait.
Gelilaa ne sentait plus aucune fatigue. Il se blottit au milieu des branches les plus hautes qui pouvaient le porter, mâchant machinalement quelques feuilles. Dans l'ombre, il y avait un nouveau sentier à suivre, une route scintillante qui redescendait au milieu du Flamboyant interminable. L'apprenti savait comment s'y engager. Le silence retomba. Il scruta l'espace autour de lui, les prémices du monde du dessus. Un oiseau se posa quelque part derrière. Le garçon chanta une trille pour lui et le volatile s'envola. Un peu surpris, Gelilaa se tut. D'autres oiseaux vinrent, qui ne se voyaient que lorsqu'une lumière les traversait. Ils vinrent d'abord sur les brindilles lointaines. Puis plus près. Quand l'un d'eux le frôla, il osa recommencer à chanter. Sa voix trébuchait mais il n'y prenait pas garde. Il sortit de sa tunique une pierre coupante.
Le groupe était revenu avec le corps sans vie. Elle avait succombé, lacérée, égorgée. On l'avait traînée dans la poussière et c'était presqu'un miracle qu'on l'eut retrouvée. Mais de corps, il n'y en avait bien qu'un, le second groupe rentrant bredouille pour la nuit. La tempête s'abattit. Alors que les tensions avaient mené les villageois aux invectives, aux insultes contre leurs anciens frères, la nouvelle déchaîna soudain la violence contenue. Les pierres commencèrent à pleuvoir et le wali, fébrile et trop faible pour faire entendre sa voix forte, ne pouvait chercher et retenir en même temps, ne pouvait même plus ni chercher ni retenir quoi que ce soit, d'ailleurs. Il appela alors autour de lui, interpellant qui il pouvait, s'enquérant de son apprenti. On ne l'écoutait pas, on ne savait pas, on le bousculait presque avant de s'écarter d'un bond, inquiet ou effrayé. L'Ombre était sur eux, elle dévorait presque toute raison.
Il était là, oui, le plus jeune. Il avait emprunté le chemin des songes et elle pouvait le sentir, le toucher de son être le plus profond, cet esprit angélique qui était son premier corps. Sa flamme de vie brûlait plus fortement qu'avant, non pas plus pure mais plus complexe et surtout, surtout, plus avancée sur les routes oniriques qu'elle ne l'avait jamais été. Azerine respira un peu mieux. Elle restait en contact avec Céraziel qui ne tarderait pas à leur dire s'ils pouvaient agir directement ou non et voyait aussi la forme palpitante de ce petit être humain qui était son plus grand lien avec les hommes d'ici. Enfin, elle se sentait utile.
Au loin, la clameur montait. Helliah était reparti lorsqu'il avait vu ses traits se modifier sous l'effet des divers pouvoirs qu'elle utilisait. Elle n'avait pas eu besoin de lui dire où aller, elle savait qu'il garderait un œil sur ce qui était important. Au centre du village, une âme s'élevait lentement. Se lovant au cœur de l'arbre mourant, elle se reposa un moment puis, sa lumière s'intensifia soudain. Inquiète, l'Ange aux tâches de rousseur s'aperçut que le lien de l'apprenti avec son enveloppe se terrestre se faisait plus ténu malgré la force de son esprit. La clameur monta encore, il se mit à pleuvoir des pierres.
Au milieu du songe, Azerine vit la silhouette de l'apprenti se dédoubler. Une part de lui restait blottie entre les branches, persuadée qu'elle était le corps physique, le Gelilaa de la marche terrestre. Mais il n'avait plus la force de se réveiller. L'autre part, le visage sérieux, décidé, contemplait une route scintillante descendant au cœur de l'arbre. Aucune hésitation. Un pas lui suffit à s'engager sur cette voie.
Ramper, trouver sa route vers le village à la position de l'astre qui le tuait par le feu. Ramper. Se lever un peu et chanceler, faire quelques pas et s'écrouler. Recommencer.
Ramper et s'écrouler encore. Ramper et se relever, se relever et s'écrouler. Ramper. La poussière. La brûlure. Le village.
Ramper. Une ombre sur son dos. Redresser la tête. Le village bientôt. L'ombre dans le soleil.
Voir la pierre s'abattre
Quand on offre ce qu'on a de plus précieux et qui nous a été donné au tout début, on ne peut faire autrement que de la laisser s'écouler, sans rien lui refuser des chemins qu'elle emprunte pour s'échapper. De promesse elle était passé devenir, avant d'être existence et bientôt cris et soupirs. La parole, les rêves, grandir. Etre aimé. Prendre sa place. Chérir. Les larmes de sang coulaient plus facilement que l'eau et le sel. Gelilaa, qui s'était levé pour offrir ce qu'il avait, vacilla. Il referma sa main sur la blessure en reposant sa tête contre une branche forte. Le partage l'affaiblissait plus qu'il ne l'aurait imaginé. Tant d'images dansaient autour. Toujours plus nombreux, les esprits animaux se massaient sur la place, sur l'arbre, sur son corps. Il soupira. Dormir lui ferait du bien, maintenant qu'il avait fait ce qu'il pouvait. Si le Flamboyant récupérait, le village se remettrait de tout ça. Il fallait juste que ce soit suffisant, qu'il ait donné assez pour cela.
Un son étrange envahit Azerine. Un son mélancolique, à peine audible mais suffisamment présent pour faire vibrer une part d'elle. Repoussant la sensation désagréable, l'ange rousse écouta les mots qui tombaient.
L'arbitre a vu avec nous. Ils l'ont assassiné.
Une image crue accompagnait le message de Céraziel. Une image qu'Azerine aurait voulu ne pas recevoir. Mais plutôt que de se débattre, elle rebondit dessus, chercha Helliah qui n'était pas loin. Le son étrange vibra soudain beaucoup plus fort. Une douleur vrilla son être et elle se sentit aspirée vers le centre du village. Dans l'arbre, l'âme brûlait plus fort encore si cela était possible, pourtant l'apprenti dormait plus profondément et cela n'aurait pas du être possible. Comme un nouveau spasme la secouait, la Renarde comprit. Il se consumait. Rien ne resterait plus après. Avec un pincement, elle commença à se défaire de son rêve et dans le même temps bondit vers Helliah.
- Nous pouvons agir ! Fais quelque chose pour les tirer de là !
- Quoi ? s'étrangla à moitié son ami.
- Utilise l'idée du petit. Vole Helliah, dépêche-toi !
Un torrent de pensées et de sensations se déversa dans le lien qui les unissait. Plus rapide que les mots, plus fort aussi. Le petit ange reçu tout cela et du se secouer avant de réagir. Mais il en fallait plus pour le clouer au sol. La forme humanoïde fondit, un oiseau de lumière s'éleva, sortant de sa cachette pour s'envoler sur le ciel assombri.
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De légers parfums flottaient au dessus des pétales éparpillés. Brûlées, les feuilles odoriférantes aux essences volatiles capables de transporter un initié sur les sentiers aériens. Dispersées aux vents les poudres de pierres et d'essences en appel aux esprits. Autour de l'arbre mort, un cercle tracé par des pieds à la démarche dansante. Sur ce chemin circulaire l'air vibrait encore des échos des litanies qui avaient réveillé ce qu'il restait de vivant et d'attentif. Les mots volaient encore, après avoir tourné autour du tronc sec et noueux, s'élevant toujours plus haut dans les branches et vers le ciel. Deux mains se posaient et éprouvaient, un corps se hissait, fredonnant maintenant pour ne pas rompre le fil. Autour de lui l'attention se fixait, du coin de l'œil il pouvait voir les couleurs changer, osciller dans la pénombre qui s'installait.
Gelilaa ne sentait plus aucune fatigue. Il se blottit au milieu des branches les plus hautes qui pouvaient le porter, mâchant machinalement quelques feuilles. Dans l'ombre, il y avait un nouveau sentier à suivre, une route scintillante qui redescendait au milieu du Flamboyant interminable. L'apprenti savait comment s'y engager. Le silence retomba. Il scruta l'espace autour de lui, les prémices du monde du dessus. Un oiseau se posa quelque part derrière. Le garçon chanta une trille pour lui et le volatile s'envola. Un peu surpris, Gelilaa se tut. D'autres oiseaux vinrent, qui ne se voyaient que lorsqu'une lumière les traversait. Ils vinrent d'abord sur les brindilles lointaines. Puis plus près. Quand l'un d'eux le frôla, il osa recommencer à chanter. Sa voix trébuchait mais il n'y prenait pas garde. Il sortit de sa tunique une pierre coupante.
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Le groupe était revenu avec le corps sans vie. Elle avait succombé, lacérée, égorgée. On l'avait traînée dans la poussière et c'était presqu'un miracle qu'on l'eut retrouvée. Mais de corps, il n'y en avait bien qu'un, le second groupe rentrant bredouille pour la nuit. La tempête s'abattit. Alors que les tensions avaient mené les villageois aux invectives, aux insultes contre leurs anciens frères, la nouvelle déchaîna soudain la violence contenue. Les pierres commencèrent à pleuvoir et le wali, fébrile et trop faible pour faire entendre sa voix forte, ne pouvait chercher et retenir en même temps, ne pouvait même plus ni chercher ni retenir quoi que ce soit, d'ailleurs. Il appela alors autour de lui, interpellant qui il pouvait, s'enquérant de son apprenti. On ne l'écoutait pas, on ne savait pas, on le bousculait presque avant de s'écarter d'un bond, inquiet ou effrayé. L'Ombre était sur eux, elle dévorait presque toute raison.
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Il était là, oui, le plus jeune. Il avait emprunté le chemin des songes et elle pouvait le sentir, le toucher de son être le plus profond, cet esprit angélique qui était son premier corps. Sa flamme de vie brûlait plus fortement qu'avant, non pas plus pure mais plus complexe et surtout, surtout, plus avancée sur les routes oniriques qu'elle ne l'avait jamais été. Azerine respira un peu mieux. Elle restait en contact avec Céraziel qui ne tarderait pas à leur dire s'ils pouvaient agir directement ou non et voyait aussi la forme palpitante de ce petit être humain qui était son plus grand lien avec les hommes d'ici. Enfin, elle se sentait utile.
Au loin, la clameur montait. Helliah était reparti lorsqu'il avait vu ses traits se modifier sous l'effet des divers pouvoirs qu'elle utilisait. Elle n'avait pas eu besoin de lui dire où aller, elle savait qu'il garderait un œil sur ce qui était important. Au centre du village, une âme s'élevait lentement. Se lovant au cœur de l'arbre mourant, elle se reposa un moment puis, sa lumière s'intensifia soudain. Inquiète, l'Ange aux tâches de rousseur s'aperçut que le lien de l'apprenti avec son enveloppe se terrestre se faisait plus ténu malgré la force de son esprit. La clameur monta encore, il se mit à pleuvoir des pierres.
Au milieu du songe, Azerine vit la silhouette de l'apprenti se dédoubler. Une part de lui restait blottie entre les branches, persuadée qu'elle était le corps physique, le Gelilaa de la marche terrestre. Mais il n'avait plus la force de se réveiller. L'autre part, le visage sérieux, décidé, contemplait une route scintillante descendant au cœur de l'arbre. Aucune hésitation. Un pas lui suffit à s'engager sur cette voie.
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Ramper, trouver sa route vers le village à la position de l'astre qui le tuait par le feu. Ramper. Se lever un peu et chanceler, faire quelques pas et s'écrouler. Recommencer.
Ramper et s'écrouler encore. Ramper et se relever, se relever et s'écrouler. Ramper. La poussière. La brûlure. Le village.
Ramper. Une ombre sur son dos. Redresser la tête. Le village bientôt. L'ombre dans le soleil.
Voir la pierre s'abattre
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Quand on offre ce qu'on a de plus précieux et qui nous a été donné au tout début, on ne peut faire autrement que de la laisser s'écouler, sans rien lui refuser des chemins qu'elle emprunte pour s'échapper. De promesse elle était passé devenir, avant d'être existence et bientôt cris et soupirs. La parole, les rêves, grandir. Etre aimé. Prendre sa place. Chérir. Les larmes de sang coulaient plus facilement que l'eau et le sel. Gelilaa, qui s'était levé pour offrir ce qu'il avait, vacilla. Il referma sa main sur la blessure en reposant sa tête contre une branche forte. Le partage l'affaiblissait plus qu'il ne l'aurait imaginé. Tant d'images dansaient autour. Toujours plus nombreux, les esprits animaux se massaient sur la place, sur l'arbre, sur son corps. Il soupira. Dormir lui ferait du bien, maintenant qu'il avait fait ce qu'il pouvait. Si le Flamboyant récupérait, le village se remettrait de tout ça. Il fallait juste que ce soit suffisant, qu'il ait donné assez pour cela.
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Un son étrange envahit Azerine. Un son mélancolique, à peine audible mais suffisamment présent pour faire vibrer une part d'elle. Repoussant la sensation désagréable, l'ange rousse écouta les mots qui tombaient.
L'arbitre a vu avec nous. Ils l'ont assassiné.
Une image crue accompagnait le message de Céraziel. Une image qu'Azerine aurait voulu ne pas recevoir. Mais plutôt que de se débattre, elle rebondit dessus, chercha Helliah qui n'était pas loin. Le son étrange vibra soudain beaucoup plus fort. Une douleur vrilla son être et elle se sentit aspirée vers le centre du village. Dans l'arbre, l'âme brûlait plus fort encore si cela était possible, pourtant l'apprenti dormait plus profondément et cela n'aurait pas du être possible. Comme un nouveau spasme la secouait, la Renarde comprit. Il se consumait. Rien ne resterait plus après. Avec un pincement, elle commença à se défaire de son rêve et dans le même temps bondit vers Helliah.
- Nous pouvons agir ! Fais quelque chose pour les tirer de là !
- Quoi ? s'étrangla à moitié son ami.
- Utilise l'idée du petit. Vole Helliah, dépêche-toi !
Un torrent de pensées et de sensations se déversa dans le lien qui les unissait. Plus rapide que les mots, plus fort aussi. Le petit ange reçu tout cela et du se secouer avant de réagir. Mais il en fallait plus pour le clouer au sol. La forme humanoïde fondit, un oiseau de lumière s'éleva, sortant de sa cachette pour s'envoler sur le ciel assombri.