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De l'ombre à la Lumière, un pas
#1
  Sur le mur de terre lissé par le temps et cuit par la chaleur, des traits de lumière jouaient de leur éclat, tâches mouvantes sautillant suivant le tintement des morceaux de verre qui leur donnaient naissance. Ils se croisaient et se combinaient en formes abstraites pourtant lourdes de réminiscences. De son regard calme, Galila suivait le ballet improvisé par le vent et le soleil, le dos tourné aux tessons colorés pour mieux se concentrer sur les ombres dévoilées et leurs tranchants souvenirs. En ces heures chaudes et lourdes comme l'haleine des charognards de la savane, la vie s'arrêtait à la frontière des flaques de lumière. Dans la poussière immobile, les sons parlaient un langage universel assourdi, de bruissements infimes, de bourdonnements et de silences éloquents.

- Tu en as mis du temps à revenir.
- Je sais.

  Les herbes sèches si familières avaient à ses oreilles le même écho que les pages craquantes d'un vieux grimoire pour un érudit. Sur sa peau, la caresse réconfortante de l'astre diurne se mêlait à la brûlure des regrets incandescents qu'il s'efforçait de maintenir au loin ; et qu'on l'aidait à écarter d'ailleurs. Mais pas à ce moment, pas en ces lieux où ils ressurgissaient, vivaces et mordants.

- Tu ne regardes toujours pas la lumière en face ?
La voix amusée portait autant de raillerie que de curieuse interrogation.

  Les yeux toujours fixés sur les reflets teintés, il eut une moue vite dissolue dans l'océan nostalgique de son regard. La Lumière...

- Personne ne peut regarder la Lumière en face.
- N'est-ce pas le privilège dont s'enorgueillissent tes frères pourtant ?

Après un soupir discret, il corrigea :
- Personne ne regarde la Lumière en face sans que sa vision n'en soit altérée.
Un rire sec retentit.
- La Lumière blanche, la Lumière crue ne m'intéresse pas, t'en souviens-tu ?
- Oui, fit la voix, plus grave, plus calme. La lumière ne déploie toute sa beauté que lorsqu'on en découvre toutes les composantes, disais-tu.

  Le silence seul répondit à cela, troublé par de vagues échos de discours fantômes et de rêves paresseux et protecteurs. Le cri d'un enfant, trop tôt délivré, troubla l'attente immobile du village.

- Tu n'as pas changé.
- Non, je n'ai pas changé. Toutes ses composantes, toute sa complexité, toutes ses qualités, et ses contradictions.

  Il baissa la tête et ses épaules s'affaissèrent sous le poids de la mémoire parcellaire et des regrets. Derrière ses yeux éteints dansaient encore telles des flammes des images de fleurs écarlates et à la lisière de sa vision, un spectre aux traits familiers chatoyait en se dérobant toujours à ses coups d'œil.

- Tu en as mis du temps à revenir, répéta la voix dans un soupir qui s'effilochait.
- Je sais, répondit Galila. Mais je n'y suis pas vraiment vois-tu. Je ne pourrais jamais y retourner.
- Pourquoi ? reprit la voix, pressante. Puis après un silence : Tu as changé.
- Oui, j'ai changé. Trop d'ombres ont disparu, avalées par la Lumière.
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De l'ombre à la Lumière, un pas - by Galila - 10-29-2011, 09:07 PM

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