10-04-2011, 01:28 AM
La fin d'une aventure...
Quote:L'odeur de viande grillée me rappelle celle des merguez que nous avait servi Tarik à mon mariage.
Tarik, un jeune homme qui ne savait guère ce qu'il foutait là, mais qui s'était trouvé une nouvelle famille et qui ne demandait qu'à survivre auprès de nous, avec nous.
Tarik, fauché par une mitrailleuse SAW à un check-point parce qu'il n'avait pas compris qu'il fallait qu'il s'arrête. Petit con...
Je fume un cigare à sa mémoire, et rince ma bouche avec une grande gorgée de vodka Kalachnikov.
Marque commerciale, mais au moins, elle a le bon goût d'être russe, et en cet instant, c'est tout ce que je demande.
L'odeur de viande grillée est quelque peu déplacée en ce jour de jeûn. Faire un barbecue en plein jour, en plein Ramadan, c'est peut être abusé.
Et je n'en n'ai plus rien à foutre. Pas après les saloperies que l'on m'a fait faire, pas après ce que l'on m'a montré de l'Islam, et des autres religions.
Je me rappelle une réplique du Silence des Agneaux. Celle à propos des agneaux qui gueulent dans l'étable parce que le père de la gentille nunuche de service s'amuse à les enfiler.
Maintenant que les cris ont cessé, peut être que mes cauchemars vont s'arrêter aussi?
J'ai tué Jamila. Je n'avais plus le cœur à la regarder agoniser à cause de la fistule que je lui ai faite. La pauvre n'avait rien demandé, après tout, si ce n'est d'être une bonne fille, une bonne épouse.
Cela m'a fait mal de trouer une fois de plus son petit corps, mais cette fois-ci, elle n'a rien senti, n'a rien vu. Une balle en plein coeur, rapide et sans douleur, alors qu'elle était endormie dans cette chambre où elle vécut tant d'horreurs.
Devoir achever cette petite m'a mis en tête de faire payer ceux qui l'avaient jetée dans mes draps.
Impossible de les éliminer moi-même, car je n'avais aucune envie d'être ajoutée à la longue liste des renégats infernaux. Il me fallait être plus subtile...
Quoique subtile n'est peut être pas le mot lorsqu'on fait péter 25 kgs de C4 au beau milieu d'une réunion d'état major.
Bref. Je suis la dernière. Le QG crame. Les humains crament. Les démons ont fait Plop. Demain, Al Jazeerah accusera les Etats-Unis d'avoir attaqué des civils avec un drone Predator.
Un missile Hellfire ne causerait pas ce genre de dégâts, mais à vrai dire, on s'en fout. C'est pour le spectacle, l'esbrouffe, et tout le monde le sait.
Je ne supporte plus cette hypocrisie.
J'en ai ma claque des spectacles morbides. J'en ai ma claque d'être un instrument de mort.
Ce n'est pas ce que je suis, ce n'est pas ce que je veux.
Alors je rentre, comme je le peux.
Des semaines passent, entre rêve et réalité.
Je suis hébétée par le souvenir de ces derniers mois, alors que les brumes du haschich et de toutes les autres drogues que l'on nous donnait pour partir au compbat se dissipent, éliminées par mon organisme.
Je vis ce que vivent tous les migrants clandestins. Les frontières poreuses que l'on traverse avec un guide véreux et sans scrupule. Les camps de rétention où l'on torture sans ménagement.
L'abandon dans le désert, sans eau ni nourriture. C'est ainsi que j'expie mes fautes, hantée par le doux visage de Jamila.
Ses larmes me hantent et m'abreuvent. Comment ai-je pu violer une si jeune enfant? Comment ai-je pu me voiler la face au point de n'y voir qu'un état de fait qui allait de soi?
Je me déteste de lui avoir fait cela, et chaque pas que je fais vers l'Europe, dans ce sable brûlant, n'est qu'une occasion de plus de me jurer de ne plus jamais tolérer que l'on touche à un enfant.
A moitié morte, je parviens à me glisser sur un ferry faisant la liaison Alger-Marseille. Le reste n'est que brouillard et cauchemars.
Je me réveille dans une ville que je n'aurais jamais cru revoir.
Immac.
Welcome to Hell, Valky.
Welcome to your home...