L'herbe était épaisse, de cette taille idéale des pelouses tondues le 36 de chaque mois. Parsemé de trèfles et de pâquerettes, le matelas d'un vert soutenu alignait les brins comme autant de bras amicaux tendus vers l'Ange de Novalis. Dans son dos, la chaleur du soleil d'automne le poussait doucement à s'allonger. Tout doucement. Il se laissa tomber avec plaisir, goûtant le parfum naturel de ce coin protégé. Visage tourné vers le ciel, tête reposant dans le creux de ses mains, Galila inspira profondément. Un tapis de pensées laissait filtrer au travers de ses pétales des rayons de rouge tendre, d'or liquide et de lumière abricot. A travers les paupières, les ombres chaudes dansaient par à-coup, coulantes et ensorcelantes. Une brise caressante, avec un zeste de fraîcheur diluée, jouait dans les feuilles et ployait par moment les tiges, s'amusant de son toucher éthéré à dresser l'épiderme dans un effleurement langoureux. Le temps même, dans cet épisode de calme, s'étirait tel un chat, baillant en découvrant ses crocs et avalant par mégarde quelque moucheron imprudent. Son apparente immobilité trompa les sens de Galila qui glissa, bienheureux, sur la pente inéxorable de l'oubli.
Pause. Chant du silence, ballet des profondeurs intérieures.
Les silhouettes colorées sombraient pour renaître l'instant suivant. Lointaines, elles s'approchaient parfois, s'enroulaient en mêlant leurs nuances puis s'éloignaient à nouveau. A la surface, là où l'être physique rencontre le reste de la création, le souffle se fit plus présent, plus joueur et taquin. Sans cesse différent, choisissant d'inédites directions pour revenir et surprendre, il ébouriffait la chevelure pour mieux la rabattre une minute après. D'infimes grains de sable rejoignirent le mouvement, griffant délicatement l'enveloppe. Chaque retour du vent chassait un peu plus la chaleur, amenant des frissons qui hérissaient jusqu'à la moindre parcelle de peau découverte. Derrière le voile, les ombres de lumière se tordaient et cherchaient à s'élever, bientôt fondues les unes dans les autres. De ce camaïeu vivant semblait irradier une chaleur improbable, incertaine, inattendue... et finalement étouffante. Glissant le long des membres, les ongles irréels de la brise déchaînée laissèrent des sillons glacés que les formes enfiévrées ne pouvaient apaiser.
Un son, des sons, grinçants, confus, émergèrent dans le tumulte silencieux. Ils s'accrochèrent à la chair et s'élevèrent et s'enflèrent, se nourissant de la peur avant même qu'elle ne perle du coeur. A l'unisson, les flammes dévorantes ronflèrent et les griffes givrées déchirèrent. Dans une cacophonie effroyables les bruits devinrent des voix et les voix se muèrent en triomphe. Et le triomphe de cette troupe terrible dont le corps était feu et le contact froide mort possédait des mots et des accords pour mieux corrompre et décomposer :
Des bouches aux sourires carnassiers éructaient leur haine de l'humain et du sacré. Des rires fusaient, meutriers, et les légions continuaient leur lintanie impie, ne gagnant un semblant d'union qu'en reprenant maintes et maintes fois leur refrain insolent :
Le sombre chant emplissait tout l'espace. Les mains déformées et les gueules affamées se précipitaient, se bousculant dans leur hâte de participer à la curée, mais avançant, inexorablement...
Changement de système, dans un univers manquant brusquement de repère. L'horizontale se précipita à la rencontre de la verticale. Le brouhaha disparut, masqué par une note unique, vibrante, sonore. Un cri. La lumière du jour à son apogée blessa les yeux qui, malgré leur nudité, ne voyaient pas encore la beauté intacte du carré de nature préservée. Reprenant petit à petit le dessus, Galila passa une main dans la brousse de ses cheveux et sur son visage où une fine couche de sueur témoignait encore du cauchemar qui l'avait assailli. Il secoua la tête, désolé. Il y avait dans le brassage des idées des mélanges absolument radicaux, pires qu'une fin de soirée à éponger les verres dans un bar bondé. Poussant un soupir, il retomba en arrière, prudent. Un léger grondement résonna au fond de son abdomen. Un nuage traversa. Puis un deuxième. Et un troisième. Un bruit de fond sans source précise agitait la fraîcheur moite de l'air, indisposant légèrement l'Ange de Novalis. Un vent de Sibérie souffla sur sa bohême...
Il se releva en sursaut, conscient de s'être laissé aller à nouveau. Oh punaise ! marmonna-t-il décontenancé. Il va falloir investir dans un poste radio, et vite !
Pause. Chant du silence, ballet des profondeurs intérieures.
Les silhouettes colorées sombraient pour renaître l'instant suivant. Lointaines, elles s'approchaient parfois, s'enroulaient en mêlant leurs nuances puis s'éloignaient à nouveau. A la surface, là où l'être physique rencontre le reste de la création, le souffle se fit plus présent, plus joueur et taquin. Sans cesse différent, choisissant d'inédites directions pour revenir et surprendre, il ébouriffait la chevelure pour mieux la rabattre une minute après. D'infimes grains de sable rejoignirent le mouvement, griffant délicatement l'enveloppe. Chaque retour du vent chassait un peu plus la chaleur, amenant des frissons qui hérissaient jusqu'à la moindre parcelle de peau découverte. Derrière le voile, les ombres de lumière se tordaient et cherchaient à s'élever, bientôt fondues les unes dans les autres. De ce camaïeu vivant semblait irradier une chaleur improbable, incertaine, inattendue... et finalement étouffante. Glissant le long des membres, les ongles irréels de la brise déchaînée laissèrent des sillons glacés que les formes enfiévrées ne pouvaient apaiser.
Un son, des sons, grinçants, confus, émergèrent dans le tumulte silencieux. Ils s'accrochèrent à la chair et s'élevèrent et s'enflèrent, se nourissant de la peur avant même qu'elle ne perle du coeur. A l'unisson, les flammes dévorantes ronflèrent et les griffes givrées déchirèrent. Dans une cacophonie effroyables les bruits devinrent des voix et les voix se muèrent en triomphe. Et le triomphe de cette troupe terrible dont le corps était feu et le contact froide mort possédait des mots et des accords pour mieux corrompre et décomposer :
Des bouches aux sourires carnassiers éructaient leur haine de l'humain et du sacré. Des rires fusaient, meutriers, et les légions continuaient leur lintanie impie, ne gagnant un semblant d'union qu'en reprenant maintes et maintes fois leur refrain insolent :
C'est la lutte infernale
Groupons-nous et demain
Les Anges, ces pédales,
Paveront notre chemin...
Groupons-nous et demain
Les Anges, ces pédales,
Paveront notre chemin...
Le sombre chant emplissait tout l'espace. Les mains déformées et les gueules affamées se précipitaient, se bousculant dans leur hâte de participer à la curée, mais avançant, inexorablement...
Changement de système, dans un univers manquant brusquement de repère. L'horizontale se précipita à la rencontre de la verticale. Le brouhaha disparut, masqué par une note unique, vibrante, sonore. Un cri. La lumière du jour à son apogée blessa les yeux qui, malgré leur nudité, ne voyaient pas encore la beauté intacte du carré de nature préservée. Reprenant petit à petit le dessus, Galila passa une main dans la brousse de ses cheveux et sur son visage où une fine couche de sueur témoignait encore du cauchemar qui l'avait assailli. Il secoua la tête, désolé. Il y avait dans le brassage des idées des mélanges absolument radicaux, pires qu'une fin de soirée à éponger les verres dans un bar bondé. Poussant un soupir, il retomba en arrière, prudent. Un léger grondement résonna au fond de son abdomen. Un nuage traversa. Puis un deuxième. Et un troisième. Un bruit de fond sans source précise agitait la fraîcheur moite de l'air, indisposant légèrement l'Ange de Novalis. Un vent de Sibérie souffla sur sa bohême...
Il se releva en sursaut, conscient de s'être laissé aller à nouveau. Oh punaise ! marmonna-t-il décontenancé. Il va falloir investir dans un poste radio, et vite !