09-14-2010, 05:14 PM
Quote:L'Enfer, voilà ce que sera mon existence, désormais.
Immortelle, la vie n'a plus la même saveur. Les petits plaisirs que je pouvais avoir, comme manger une glace au bord de l'eau, ne me font plus vibrer.
Pendant quelques semaines, j'ai eu du mal à faire la part des choses, à accepter ce que j'étais devenue.
Servir le Prince des plaisirs n'est pas chose aisée, lorsqu'on a encore ses remords.
Lorsqu'on sait que l'on est maudite à jamais, et que l'on est seule, désormais.
J'ai brisé les deux seuls réels interdits, en moins d'un mois.
Je devenais folle. Mes protecteurs partis, que me restait-il, à part ce bar désaffecté?
Ne voyant aucun avenir dans cette existence, j'en ai cherché un dans la précédente...
Revoir ma famille. Revoir ma petite sœur, mes parents.
J'ai pris congé, prétextant un voyage à l'étranger, pour prendre des vacances. Un mensonge de plus ou de moins, peu importait.
Comme ils avaient changé... Mon père s'était amaigri, n'était plus que l'ombre de lui même. Ma mère l'avait quitté, avait déménagé, loin.
Quant à ma petite sœur... Elle était devenue une belle adolescente, la copie exacte de celle que j'étais.
Je suis restée une semaine à les regarder vivre. Ou faire semblant.
Dès que mon père partait travailler, à l'usine, pour prendre son poste de nuit, ma sœur faisait une sorte de rituel pour invoquer mon esprit, discuter avec moi.
Son oui-ja ne bougeait jamais, évidement. Mais elle persistait, cherchait à perfectionner sa mise en scène.
Spectacle déchirant d'une famille détruite. C'est à cet instant que j'ai compris que mon amant meurtrier n'avait pas fait que me tuer, me priver de ma jeunesse et de mon insouciance. C'est toute ma famille qu'il avait anéanti.
Le dernier soir, en écoutant ma sœur pleurer de désespoir, en m'appelant à l'aide, j'ai décidé de lui apparaître, telle que j'étais. Qu'aurais-je pu faire d'autre?
Partir et la laisser ainsi n'aurait pu qu'achever de nous détruire toutes les deux.
La revoir après tout ce temps, me ressembler autant, d'aussi près, me fit pleurer. Lorsqu'elle avait ouvert la porte et m'avait vue, sur le pas de la porte de ce qui fut mon foyer, j'ai cru la terrasser d'émotion.
Il y a une différence entre exorciser son chagrin dans un rituel pour invoquer un esprit, et avoir une personne morte depuis des années devant nous.
Même si le corps que j'occupais désormais n'était pas le mien, j'essayais de tout faire pour retrouver mon doux visage et mon style vestimentaire.
Une chance que mon hôte ait été féminin...
Nous restâmes quelques instants l'une en face de l'autre, sans rien dire ni bouger, à affronter l'ouragan d'émotions qui envahissait nos cœurs, nos âmes et nos esprits, avant de nous prendre dans nos bras, comme si ce geste fut évident et naturel...