02-26-2008, 10:20 PM
Des heures plus tard.
Une pièce obscure.
Une bouteille de vin.
Approchons nous pour l'étudier.
Le cul plutôt large permet au récipient une certaine stabilité plus que nécessaire dans les pérégrinations d'un alcoolique.
Posée avec exactitude en son centre, une étiquette indique sobrement les mots "vin rouge". Un grand cru, certainement.
Plus haut toujours, le goulot, invention au combien précieuse de l'humanité. Sur ce dernier, le prolongement naturel : la main du Père Fritz.
Apparemment, notre héros - de la messe - du dimanche est dans une de ces habituelles transes éthyliques. Mais ne nous inquiétons pas, il lui reste surement des gouttes de sang parmi les litres d'alcool coulant dans ses veines. Ce soir est une journée pieuse, une fois de plus. Mais elle a un gout particulier. Et non pas seulement à cause du cuivre présent dans le vin rouge, non. L'homme de Foi, celui là même qui a entendu l'appel de Dieu, des années de ça, est à nouveau pris de visions.
Tout d'abord, ce sont ses mains, qui commencent à trembler. Ses yeux s'embrument alors, les ténèbres devenant opaques autour de lui. Sa mâchoire se crispe, et sa bouche se ferme et s'entrouvre dans des spasmes irréguliers. Dernier acte d'un appel longue distance donné par Dieu lui même, son corps tout entier convulse et il s'effondre. Apparemment le Très-Haut avait aussi envie de lui insérer de force le combiné dans le crâne.
Quelques heures plus tard, le Père Fritz se lève, prenant garde de ne pas glisser sur la flaque de vomi séché non loin. D'un habile revers de la main, il s'assure de nettoyer ses lèvres.
Il se tourne alors vers son bureau, et cherche avec frénésie un bout de papier et de quoi écrire. Les moines et les curés étaient autrefois les premiers gardiens du savoir, et enseigner l'écriture et les lettres aux plus jeunes étaient une de leur fonction principale. Le ciel n'avait pas jugé utile de conférer à Fritz ce genre de talent.
Non. Le Verbe suffisait.
Ainsi qu'une paire de jambe à toute épreuve. Forcément, le Verbe avait l'inconvénient de porter moins loin que les écrits.
Un grognement de contentement et déjà le crayon s'agite sur le papier, dessinant des lettres tarabiscotées et des boucles maladroites, preuve d'un manque de pratique.
Le Père Fritz murmure au fur et à mesure qu'il écrit :
"La Foi est un rasoir."
"La Foi est un rasoir et je marche chaque jour sur sa lame. Mais ce n'est pas moi qu'elle transperce."
"Le chemin du pèlerin est un désert brûlant que nous devons chacun traverser un jour."
"Le Seigneur lui même l'a fait autrefois, et aujourd'hui il est notre guide."
"Celui nous détournant des ombres qui parsèment ce désert, qui murmurent à l'oreille du pénitent des pensées impures et des sombres tentations."
"Je ne peux m'empêcher de penser, qu'une seule ombre mérite d'exister ici bas : celle que dessine la Sainte Croix du Christ sur le sable brûlant, là où il mena son dernier combat."
La table n'est pas stable et voici que plusieurs fois elle penche en avant, n'aidant en rien la calligraphie du prêtre.
Sa bouteille de vin est à portée de main mais il semble étrangement la délaisser.
Le liquide clapote doucement sur les parois de verre, au rythme des soubresauts de l'homme. La flamme de la bougie elle même vacille à chaque respiration de l'homme de foi.
Celle-ci est dure, comme si chaque gorgée d'air était de plomb. Le Père Fritz semble alors plisser les yeux, comme pour se rappeler de choses trop longtemps oubliées.
"Enfonçant sa Sainte Lance dans le cœur de chaque Romain s'approchant de lui, à aucun moment Christ n'a faibli."
"Que Dieu maudisse mille fois Judas-le-Traître pour avoir frapper notre Seigneur dans le dos, le livrant ainsi à Ponce Pilate et aux marchands du Temple."
"Jésus dit alors : Je vous somme de me détacher, car si je descends par moi même, je ferais en sorte que vous n'ayez plus assez de membres pour marcher, vous obligeant ainsi à ramper comme les serpents que vous êtes. Et Jésus vit que ce qu'il venait de dire était bon."
"Mais les Romains, les Juifs et Judas-ce-fils-de-pute étaient aveuglés par la haine et la volonté de subtiliser au Seigneur ces biens."
"En effet, Ponce Pilate ne cachait pas sa convoitise à l'égard de Marie-Madeleine, l'amante de notre dévoué Christ."
"Ainsi furent les paroles de Jésus : Comment pourrais-je laisser un gros porc toucher à ma propriété ? Si tu veux goutter, tu fais comme tout le monde, tu payes."
"Et ses ennemis, se rendant compte que notre Seigneur était dans son bon droit, profitèrent de la situation pour attaquer notre Sauveur."
"Je prononce aujourd'hui son nom haut et fort : Seigneur Christ."
"Le Paradis d'un côté, l'Enfer de l'autre."
"Pourquoi prêcher là où Dieu veille ?"
"De multiples chemins se présentent devant moi, mais je n'ai qu'une seule destination : abattre le Malin de mes mains."
"Et ainsi je me confie mon âme et mon arme à l'Église, qu'elle soit mon guide, me permettant d'accomplir la Vengeance du Seigneur."
Le Père Fritz achève d'écrire le dernier mot.
Et il signe.
Une pièce obscure.
Une bouteille de vin.
Approchons nous pour l'étudier.
Le cul plutôt large permet au récipient une certaine stabilité plus que nécessaire dans les pérégrinations d'un alcoolique.
Posée avec exactitude en son centre, une étiquette indique sobrement les mots "vin rouge". Un grand cru, certainement.
Plus haut toujours, le goulot, invention au combien précieuse de l'humanité. Sur ce dernier, le prolongement naturel : la main du Père Fritz.
Apparemment, notre héros - de la messe - du dimanche est dans une de ces habituelles transes éthyliques. Mais ne nous inquiétons pas, il lui reste surement des gouttes de sang parmi les litres d'alcool coulant dans ses veines. Ce soir est une journée pieuse, une fois de plus. Mais elle a un gout particulier. Et non pas seulement à cause du cuivre présent dans le vin rouge, non. L'homme de Foi, celui là même qui a entendu l'appel de Dieu, des années de ça, est à nouveau pris de visions.
Tout d'abord, ce sont ses mains, qui commencent à trembler. Ses yeux s'embrument alors, les ténèbres devenant opaques autour de lui. Sa mâchoire se crispe, et sa bouche se ferme et s'entrouvre dans des spasmes irréguliers. Dernier acte d'un appel longue distance donné par Dieu lui même, son corps tout entier convulse et il s'effondre. Apparemment le Très-Haut avait aussi envie de lui insérer de force le combiné dans le crâne.
Quelques heures plus tard, le Père Fritz se lève, prenant garde de ne pas glisser sur la flaque de vomi séché non loin. D'un habile revers de la main, il s'assure de nettoyer ses lèvres.
Il se tourne alors vers son bureau, et cherche avec frénésie un bout de papier et de quoi écrire. Les moines et les curés étaient autrefois les premiers gardiens du savoir, et enseigner l'écriture et les lettres aux plus jeunes étaient une de leur fonction principale. Le ciel n'avait pas jugé utile de conférer à Fritz ce genre de talent.
Non. Le Verbe suffisait.
Ainsi qu'une paire de jambe à toute épreuve. Forcément, le Verbe avait l'inconvénient de porter moins loin que les écrits.
Un grognement de contentement et déjà le crayon s'agite sur le papier, dessinant des lettres tarabiscotées et des boucles maladroites, preuve d'un manque de pratique.
Le Père Fritz murmure au fur et à mesure qu'il écrit :
"La Foi est un rasoir."
"La Foi est un rasoir et je marche chaque jour sur sa lame. Mais ce n'est pas moi qu'elle transperce."
"Le chemin du pèlerin est un désert brûlant que nous devons chacun traverser un jour."
"Le Seigneur lui même l'a fait autrefois, et aujourd'hui il est notre guide."
"Celui nous détournant des ombres qui parsèment ce désert, qui murmurent à l'oreille du pénitent des pensées impures et des sombres tentations."
"Je ne peux m'empêcher de penser, qu'une seule ombre mérite d'exister ici bas : celle que dessine la Sainte Croix du Christ sur le sable brûlant, là où il mena son dernier combat."
La table n'est pas stable et voici que plusieurs fois elle penche en avant, n'aidant en rien la calligraphie du prêtre.
Sa bouteille de vin est à portée de main mais il semble étrangement la délaisser.
Le liquide clapote doucement sur les parois de verre, au rythme des soubresauts de l'homme. La flamme de la bougie elle même vacille à chaque respiration de l'homme de foi.
Celle-ci est dure, comme si chaque gorgée d'air était de plomb. Le Père Fritz semble alors plisser les yeux, comme pour se rappeler de choses trop longtemps oubliées.
"Enfonçant sa Sainte Lance dans le cœur de chaque Romain s'approchant de lui, à aucun moment Christ n'a faibli."
"Que Dieu maudisse mille fois Judas-le-Traître pour avoir frapper notre Seigneur dans le dos, le livrant ainsi à Ponce Pilate et aux marchands du Temple."
"Jésus dit alors : Je vous somme de me détacher, car si je descends par moi même, je ferais en sorte que vous n'ayez plus assez de membres pour marcher, vous obligeant ainsi à ramper comme les serpents que vous êtes. Et Jésus vit que ce qu'il venait de dire était bon."
"Mais les Romains, les Juifs et Judas-ce-fils-de-pute étaient aveuglés par la haine et la volonté de subtiliser au Seigneur ces biens."
"En effet, Ponce Pilate ne cachait pas sa convoitise à l'égard de Marie-Madeleine, l'amante de notre dévoué Christ."
"Ainsi furent les paroles de Jésus : Comment pourrais-je laisser un gros porc toucher à ma propriété ? Si tu veux goutter, tu fais comme tout le monde, tu payes."
"Et ses ennemis, se rendant compte que notre Seigneur était dans son bon droit, profitèrent de la situation pour attaquer notre Sauveur."
"Je prononce aujourd'hui son nom haut et fort : Seigneur Christ."
"Le Paradis d'un côté, l'Enfer de l'autre."
"Pourquoi prêcher là où Dieu veille ?"
"De multiples chemins se présentent devant moi, mais je n'ai qu'une seule destination : abattre le Malin de mes mains."
"Et ainsi je me confie mon âme et mon arme à l'Église, qu'elle soit mon guide, me permettant d'accomplir la Vengeance du Seigneur."
Le Père Fritz achève d'écrire le dernier mot.
Et il signe.