11-21-2007, 05:01 PM
« je serais fou de te conserver à mon service »
Livrées à elles-mêmes, certaines paroles résonnent encore et encore. Elles se font écho d’une dimension à une autre, tintant à travers le temps ou l’espace et se logent finalement dans une oreille indiscrète.
Quelque part à la limite de la conscience, un œil dément s’ouvre.
« je serais fou de te conserver à mon service »
Aucun regard ne lui est adressé. Elle qui n’existait que grâce à l’attention des autres, la solitude lui apparaît dans son sens le plus tranchant. Ni centre, ni périphérie, elle en vient à douter de sa propre réalité.
Cris et murmures lui sont interdits. Les sentiments bouillonnent et explosent en elle, prisonniers de son mutisme. La peur, la rage, la peine, le désespoir bondissent et rebondissent sur les parois de son âme, déchirant son esprit.
La marionnette s’est trompée : les cordes qui lui enserraient les poignets n’étaient pas seulement des liens. Sans eux, elle s’effondre, désarticulée, inerte, vide.
Le temps perd son sens, l’uniformité devient synonyme d’éternité, le supplice se perpétue.
Et soudain, l’inattendu survient.
Il s’agit d’abord d’un changement infime, à la limite de la perception, un fin grattement qui se fait entendre. Puis il devient impossible de l’ignorer, le sol commence à se percer. La mince brèche dans la route devient peu à peu un petit trou, un puit conséquent, un gouffre insondable. Puis plus rien.
L’espoir meurt aussi vite qu’il est né.
Une main démesurée surgit alors des abysses, agrippant Abigail par la jambe et l’entraînant vers les ténèbres. Instinctivement, celle-ci s’en défend, plantant ses ongles dans les interstices des pavés. Ceux-ci raclent la pierre, se retournent, cassent dans un gargouillis sanglant. Un hurlement strident vrille le crâne de la démone. Elle perd connaissance.
Lorsqu’elle se réveille, elle se trouve sur les genoux d’un colosse habillé d’une vieille robe aux couleurs passées et à la coupe démodée. Une bougie éclaire la scène d’une lumière timide, faisant briller une fine aiguille dans les mains du géant qui œuvre à recoudre Abigail avec du gros fil noir.
Cette toute nouvelle douleur est une ivresse dans laquelle la démone se plonge avec délice.
Une fois son ouvrage terminé, l’immense couturier casse le fil d’un coup de dents jaunes, pose l’aiguille ensanglantée, sourit à la démone.
Celle-ci se sent à nouveau complète, puis la scène s’évapore.
Abigail ouvre les yeux.
Un sentiment de panique vibre en elle. Les bras froids et dénués d’affection de Caleb l’enserrent, cela ne la rassure pas. Elle contemple son corps sans trace et ne se sent en rien apaisée. Elle reconnaît les rues mal éclairées des bas-fonds d’Immac, sans que cela n’atténue son angoisse.
Elle plante son regard dans celui du Juge et tente de le saluer. De sa bouche, seul un flot de paroles incohérentes parvient à s’extirper.
Les larmes pointent à ses yeux. Gorgées de rimmel, elles tracent deux sillons noirs sur les joues d’Abigail.
Livrées à elles-mêmes, certaines paroles résonnent encore et encore. Elles se font écho d’une dimension à une autre, tintant à travers le temps ou l’espace et se logent finalement dans une oreille indiscrète.
Quelque part à la limite de la conscience, un œil dément s’ouvre.
« je serais fou de te conserver à mon service »
Aucun regard ne lui est adressé. Elle qui n’existait que grâce à l’attention des autres, la solitude lui apparaît dans son sens le plus tranchant. Ni centre, ni périphérie, elle en vient à douter de sa propre réalité.
Cris et murmures lui sont interdits. Les sentiments bouillonnent et explosent en elle, prisonniers de son mutisme. La peur, la rage, la peine, le désespoir bondissent et rebondissent sur les parois de son âme, déchirant son esprit.
La marionnette s’est trompée : les cordes qui lui enserraient les poignets n’étaient pas seulement des liens. Sans eux, elle s’effondre, désarticulée, inerte, vide.
Le temps perd son sens, l’uniformité devient synonyme d’éternité, le supplice se perpétue.
Et soudain, l’inattendu survient.
Il s’agit d’abord d’un changement infime, à la limite de la perception, un fin grattement qui se fait entendre. Puis il devient impossible de l’ignorer, le sol commence à se percer. La mince brèche dans la route devient peu à peu un petit trou, un puit conséquent, un gouffre insondable. Puis plus rien.
L’espoir meurt aussi vite qu’il est né.
Une main démesurée surgit alors des abysses, agrippant Abigail par la jambe et l’entraînant vers les ténèbres. Instinctivement, celle-ci s’en défend, plantant ses ongles dans les interstices des pavés. Ceux-ci raclent la pierre, se retournent, cassent dans un gargouillis sanglant. Un hurlement strident vrille le crâne de la démone. Elle perd connaissance.
Lorsqu’elle se réveille, elle se trouve sur les genoux d’un colosse habillé d’une vieille robe aux couleurs passées et à la coupe démodée. Une bougie éclaire la scène d’une lumière timide, faisant briller une fine aiguille dans les mains du géant qui œuvre à recoudre Abigail avec du gros fil noir.
Cette toute nouvelle douleur est une ivresse dans laquelle la démone se plonge avec délice.
Une fois son ouvrage terminé, l’immense couturier casse le fil d’un coup de dents jaunes, pose l’aiguille ensanglantée, sourit à la démone.
Celle-ci se sent à nouveau complète, puis la scène s’évapore.
Abigail ouvre les yeux.
Un sentiment de panique vibre en elle. Les bras froids et dénués d’affection de Caleb l’enserrent, cela ne la rassure pas. Elle contemple son corps sans trace et ne se sent en rien apaisée. Elle reconnaît les rues mal éclairées des bas-fonds d’Immac, sans que cela n’atténue son angoisse.
Elle plante son regard dans celui du Juge et tente de le saluer. De sa bouche, seul un flot de paroles incohérentes parvient à s’extirper.
Les larmes pointent à ses yeux. Gorgées de rimmel, elles tracent deux sillons noirs sur les joues d’Abigail.