12-15-2008, 07:20 PM
- Haaaan… C’était chauuuuuud !
Lazarus était le genre d’ange à pouvoir s’exclamer sans gêne en pleine rue.
- Quand il vous a grimpé dessus, j’ai vraiment cru qu’il allait vous arracher la chemise. Inteeeeense !
- Tu peux me rappeler une nouvelle fois pourquoi tu n’es pas intervenu ?
- Boaf, il avait pas l’air méchant.
Hermary ne dit rien et continua d’avancer les mains dans les poches. Lazarus marchait à ses côtés. Il faisait partie des plus jeunes recrues du Centre. Le Juge se souvenait bien de son arrivée. Laz’ avait immédiatement déclaré que le règlement, il en ferait ce qu’il voulait. Une tête brûlée. Mais l’administration savait ce qu’elle faisait en l’envoyant sous les ordres de l’ange de Dominique. Hermary avait de la patience à revendre.
Au final, le jeune ange de Daniel était devenu un agent dévoué à la cause. Ou à son représentant, Hermary.
Le juge n’avait pas réussi à lui faire adopter le costume réglementaire. Aujourd’hui encore, il portait une de ses tenues rockabilly. Blouson de cuir, et pantalon du Centre auquel il avait accroché, à l’aide de quelques épingles à nourrices, un pan de kilt. Hermary n’avait pas insisté. Au fond, la loyauté lui importait plus que les vêtements.
Loyauté qui était le cœur de la discussion d’aujourd’hui. Rien n’expliquait pourquoi il avait épié la scène, d’abord depuis le poste de surveillance, puis de la pièce à côté, sans réagir.
- Pas l’air méchant. Un démon. Dé-mon.
- Oh ça va… On parle de Boïzerd, s’pas comme si Bougateu avait débarqué avec une grenade dans chaque main.
- Il n’y a pas de risque zéro.
Lazarus aspira le piercing de sa lèvre inférieure et roula des yeux. Il pivota des talons pour marcher à reculons, les mains croisées derrière la tête. Encore une habitude d’un passif délinquant. Ce n’était pourtant pas si difficile de marcher droit.
- Oï, oï… à qui vous allez faire croire que vous êtes sans défenses ?! Z’êtes aussi blindé que nous autres. Non, vous êtes pire. Une brute !
- Efface-moi ce sourire idiot de ton visage.
- Sir, yes, sir !
Il s’alluma une cigarette et retint la fumée avant de l’expulser par les narines. Hermary le considéra avec désapprobation. Plus pour la forme que pour le fond. Le Juge avait été son mentor. D’ailleurs ce qui ressemblait à une amitié était née d’un goût commun pour certains modi operandi. L’ange Lazare était donc bien placé pour connaître les capacités réelles du Directeur. Il avait partagé assez d’entraînements avec pour savoir qu’Hermary était aussi retors qu’un scorpion.
Et, à y réfléchir, ce n’était pas si flatteur.
- Faites pas cette tête, boss. Si y’avait eu un soucis, je vous l’aurai maîtrisé votre gus. Hop, d’un claquement de doigts. Je pensais que c’était un rendez-vous torride et secret…
- Avec un démon ?
- C’est pas vraiment un démon. Plutôt un violet.
- Un violet ?
- Ouais, voile et vapeur, du genre, on ne sait pas bien si son aura est rouge ou bleue. Un violet. C’est comme ça qu’Armezel dit.
La réflexion aurait pu faire sourire, mais les pensées du Juge étaient déjà tournées vers un ailleurs fait de spéculations. En tant que serviteur du dernier jugement, il n’ignorait pas que le moindre acte pouvait être lourd de conséquence. Il n’avait pas encore le cynisme suffisant pour s’en réjouir.
Son regard s’égara un instant sur l’affichage d’un parcmètre.
Louise étouffait. Terrorisée, elle ne comprenait pas ce qui se passait, ni comment elle en était arrivée là.
Il était près de 21h00 quand elle prenait congé. Elle n’avait pas à faire la fermeture, les collègues le faisaient régulièrement. La jeune femme se souvenait très bien avoir nettoyé les tables. Elle se souvenait d’avoir passé le bonsoir à tous, du petit commis au monsieur George lui-même, son patron. Tout s’était déroulé comme d’habitude. Peut-être le souvenir fugace de ce garçon marquait-il encore son esprit ? Peut-être même était-il un véritable fantasme ?
Il faisait froid, Louise avait rabattu son écharpe sur ses épaules et couvert le bas de son visage. Pas encore transie, mais grelottante, la serveuse, désormais en civil, n’avait pas manqué de resserrer contre elle les pans de son manteau bon marché assez épais.
Elle passa comme d’habitude dans la ruelle non loin du café où elle travaillait. La rue du 3 Octobre 1908. Elle n’avait aucune idée de ce qui s’était passé ce jour-là à Immac, et cela ne la travaillait pas plus que cela. Tout ce qu’elle savait c’est que la ruelle, bien qu’étroite et sombre, parfois habitée par un clochard pas bien méchant en définitif, était un raccourci parfait pour atteindre l’arrêt de bus. Elle avait depuis longtemps pris sur elle de vaincre la peur de cet endroit seulement éclairé par les fenêtres des immeubles l’encadrant.
Elle avait vu la silhouette se découper à la sortie de la ruelle, presque indéfinissable à cause des lampes de la rue qui ne donnaient pas sur le petit passage d’où elle provenait. Celle-ci n’étant ni grande, ni spécialement masculine, un simple pincement au cœur traversa Louise.
La femme commençait à traverser la ruelle à son tour, mais en sens inverse. Elle n’y prêtait guère attention, tout cela était naturel.
Son dernier souvenir fut celui du bus qu’elle vit filer sur la route, et son besoin de le rattraper coûte que coûte.
Elle avait du courir quelque pas, prête à rejoindre la lumière de la rue principale et…
…Maintenant, elle était à genoux, derrière un container, au-dessus d’elle, la silhouette féminine qui compressait une main aussi inhumainement puissante que douloureuse contre sa bouche. Elle avait mal à la nuque. La respiration de Louise devenait difficile.
La main lui broyait presque la mâchoire. Les larmes qui embuaient son regard rendaient flou l’image qu’elle avait de son agresseur. La terreur atteignait son paroxysme.
Soudain, une longue lame surgit devant son visage, depuis son menton jusqu’entre ses yeux.
La voix de la personne qui la retenait ici était anormalement sereine et grave.
Ce n’était pas un son qui correspondait à la personne qui la menaçait.
- Louise. Je connais ta vie. Tu passes ton temps à servir les autres. Un café, un cognac, un plat de résistance. Ta vie est grise et monotone, et tu espères l’embellir un jour avec un homme. Aujourd’hui, tu as servi un client particulier. Ce dernier t’a parlé, et, je le sais Louise, il n’a pas pu te laisser indifférente.
La jeune femme sombrait, les soubresauts de ses épaules et les larmes chaudes qui glissaient sur le cuir des gants de son agresseur lui indiquaient qu’elle perdait le contrôle.
- Louise, écoute-moi. C’est peut-être la dernière chose que tu feras de ta vie. Alors sois attentive. Je vais retirer ma main, et tu vas me dire tout ce qu’il t’a dit, sans lever les yeux sur moi, et sans omettre le moindre détail. Je veux tout savoir Louise. Même ce qu’il a fait quand tu as dû le regarder quitter le café. Louise…Il faut que tu sois forte, car si tu ne me dis pas ce que je veux entendre…Je te ferai…beaucoup de mal.
Et elle parla comme on se déverse, sans pudeur ni limite. Lorsque ce fut fini, elle n’était plus qu’une écorce vide.
Lazarus était le genre d’ange à pouvoir s’exclamer sans gêne en pleine rue.
- Quand il vous a grimpé dessus, j’ai vraiment cru qu’il allait vous arracher la chemise. Inteeeeense !
- Tu peux me rappeler une nouvelle fois pourquoi tu n’es pas intervenu ?
- Boaf, il avait pas l’air méchant.
Hermary ne dit rien et continua d’avancer les mains dans les poches. Lazarus marchait à ses côtés. Il faisait partie des plus jeunes recrues du Centre. Le Juge se souvenait bien de son arrivée. Laz’ avait immédiatement déclaré que le règlement, il en ferait ce qu’il voulait. Une tête brûlée. Mais l’administration savait ce qu’elle faisait en l’envoyant sous les ordres de l’ange de Dominique. Hermary avait de la patience à revendre.
Au final, le jeune ange de Daniel était devenu un agent dévoué à la cause. Ou à son représentant, Hermary.
Le juge n’avait pas réussi à lui faire adopter le costume réglementaire. Aujourd’hui encore, il portait une de ses tenues rockabilly. Blouson de cuir, et pantalon du Centre auquel il avait accroché, à l’aide de quelques épingles à nourrices, un pan de kilt. Hermary n’avait pas insisté. Au fond, la loyauté lui importait plus que les vêtements.
Loyauté qui était le cœur de la discussion d’aujourd’hui. Rien n’expliquait pourquoi il avait épié la scène, d’abord depuis le poste de surveillance, puis de la pièce à côté, sans réagir.
- Pas l’air méchant. Un démon. Dé-mon.
- Oh ça va… On parle de Boïzerd, s’pas comme si Bougateu avait débarqué avec une grenade dans chaque main.
- Il n’y a pas de risque zéro.
Lazarus aspira le piercing de sa lèvre inférieure et roula des yeux. Il pivota des talons pour marcher à reculons, les mains croisées derrière la tête. Encore une habitude d’un passif délinquant. Ce n’était pourtant pas si difficile de marcher droit.
- Oï, oï… à qui vous allez faire croire que vous êtes sans défenses ?! Z’êtes aussi blindé que nous autres. Non, vous êtes pire. Une brute !
- Efface-moi ce sourire idiot de ton visage.
- Sir, yes, sir !
Il s’alluma une cigarette et retint la fumée avant de l’expulser par les narines. Hermary le considéra avec désapprobation. Plus pour la forme que pour le fond. Le Juge avait été son mentor. D’ailleurs ce qui ressemblait à une amitié était née d’un goût commun pour certains modi operandi. L’ange Lazare était donc bien placé pour connaître les capacités réelles du Directeur. Il avait partagé assez d’entraînements avec pour savoir qu’Hermary était aussi retors qu’un scorpion.
Et, à y réfléchir, ce n’était pas si flatteur.
- Faites pas cette tête, boss. Si y’avait eu un soucis, je vous l’aurai maîtrisé votre gus. Hop, d’un claquement de doigts. Je pensais que c’était un rendez-vous torride et secret…
- Avec un démon ?
- C’est pas vraiment un démon. Plutôt un violet.
- Un violet ?
- Ouais, voile et vapeur, du genre, on ne sait pas bien si son aura est rouge ou bleue. Un violet. C’est comme ça qu’Armezel dit.
La réflexion aurait pu faire sourire, mais les pensées du Juge étaient déjà tournées vers un ailleurs fait de spéculations. En tant que serviteur du dernier jugement, il n’ignorait pas que le moindre acte pouvait être lourd de conséquence. Il n’avait pas encore le cynisme suffisant pour s’en réjouir.
Son regard s’égara un instant sur l’affichage d’un parcmètre.
Louise étouffait. Terrorisée, elle ne comprenait pas ce qui se passait, ni comment elle en était arrivée là.
Il était près de 21h00 quand elle prenait congé. Elle n’avait pas à faire la fermeture, les collègues le faisaient régulièrement. La jeune femme se souvenait très bien avoir nettoyé les tables. Elle se souvenait d’avoir passé le bonsoir à tous, du petit commis au monsieur George lui-même, son patron. Tout s’était déroulé comme d’habitude. Peut-être le souvenir fugace de ce garçon marquait-il encore son esprit ? Peut-être même était-il un véritable fantasme ?
Il faisait froid, Louise avait rabattu son écharpe sur ses épaules et couvert le bas de son visage. Pas encore transie, mais grelottante, la serveuse, désormais en civil, n’avait pas manqué de resserrer contre elle les pans de son manteau bon marché assez épais.
Elle passa comme d’habitude dans la ruelle non loin du café où elle travaillait. La rue du 3 Octobre 1908. Elle n’avait aucune idée de ce qui s’était passé ce jour-là à Immac, et cela ne la travaillait pas plus que cela. Tout ce qu’elle savait c’est que la ruelle, bien qu’étroite et sombre, parfois habitée par un clochard pas bien méchant en définitif, était un raccourci parfait pour atteindre l’arrêt de bus. Elle avait depuis longtemps pris sur elle de vaincre la peur de cet endroit seulement éclairé par les fenêtres des immeubles l’encadrant.
Elle avait vu la silhouette se découper à la sortie de la ruelle, presque indéfinissable à cause des lampes de la rue qui ne donnaient pas sur le petit passage d’où elle provenait. Celle-ci n’étant ni grande, ni spécialement masculine, un simple pincement au cœur traversa Louise.
La femme commençait à traverser la ruelle à son tour, mais en sens inverse. Elle n’y prêtait guère attention, tout cela était naturel.
Son dernier souvenir fut celui du bus qu’elle vit filer sur la route, et son besoin de le rattraper coûte que coûte.
Elle avait du courir quelque pas, prête à rejoindre la lumière de la rue principale et…
…Maintenant, elle était à genoux, derrière un container, au-dessus d’elle, la silhouette féminine qui compressait une main aussi inhumainement puissante que douloureuse contre sa bouche. Elle avait mal à la nuque. La respiration de Louise devenait difficile.
La main lui broyait presque la mâchoire. Les larmes qui embuaient son regard rendaient flou l’image qu’elle avait de son agresseur. La terreur atteignait son paroxysme.
Soudain, une longue lame surgit devant son visage, depuis son menton jusqu’entre ses yeux.
La voix de la personne qui la retenait ici était anormalement sereine et grave.
Ce n’était pas un son qui correspondait à la personne qui la menaçait.
- Louise. Je connais ta vie. Tu passes ton temps à servir les autres. Un café, un cognac, un plat de résistance. Ta vie est grise et monotone, et tu espères l’embellir un jour avec un homme. Aujourd’hui, tu as servi un client particulier. Ce dernier t’a parlé, et, je le sais Louise, il n’a pas pu te laisser indifférente.
La jeune femme sombrait, les soubresauts de ses épaules et les larmes chaudes qui glissaient sur le cuir des gants de son agresseur lui indiquaient qu’elle perdait le contrôle.
- Louise, écoute-moi. C’est peut-être la dernière chose que tu feras de ta vie. Alors sois attentive. Je vais retirer ma main, et tu vas me dire tout ce qu’il t’a dit, sans lever les yeux sur moi, et sans omettre le moindre détail. Je veux tout savoir Louise. Même ce qu’il a fait quand tu as dû le regarder quitter le café. Louise…Il faut que tu sois forte, car si tu ne me dis pas ce que je veux entendre…Je te ferai…beaucoup de mal.
Et elle parla comme on se déverse, sans pudeur ni limite. Lorsque ce fut fini, elle n’était plus qu’une écorce vide.