10-16-2007, 07:37 AM
Caleb retira son gant, adossé au mur ancien et fendu du bâtiment dans lequel il se tenait reclus depuis des jours, échappant à ses assassins, écoutant les râles d’agonie des rois et des bénis.
Exhalant un souffle de fumée noire, il regarda Madra, lovée sur elle-même au fond du canapé qui lui servait de nid pour une nuit, une nuit de plus. Une nuit entière durant laquelle son hôte craindrait de ne pas voir l’aube.
Cette fois-ci, ils ne s’en tireraient pas. Du moins, c’était peu probable.
Trop rapides, trop expérimentés, trop hargneux, leurs nouveaux adversaires ne leur offriraient pas la chance de sortir indemnes de leur combat.
Mais chaque situation donnait lieu à des milliers de solutions. Autant de réalités que de battements de cœurs fébriles.
Il se laissa glisser le long du mur et sorti de nouveau, le carnet au cuir usé et aux pages jaunies par le temps, qui paradoxalement semblait lui-même, parfaitement hors de la marche temporelle.
Il décrocha le stylo à plume noir de la couverture où il était enchâssé, et griffonna.
« Cette nuit, ce jour…à un moment donné de cette journée que je ne saurais définir avec précision, j’ai rencontré le Baron Van der Decken.
La marche qu’il ouvre pour obtenir ses entretiens est désagréable, elle a la fragrance glacée des étendues d’eau que l’on prête aux seuls noyés.
Cependant, son bateau pathétique, monté sur roulette, lui coûte le peu que sa stature et son rang lui offrent de prestige. J’imagine qu'il faut une pointe d'excentrisme pour séduire un prince.
Le baron est un être aussi énorme qu’étrange, il n’a pas la grâce et la subtilité des grands intrigants, c’est un individu qui semble avoir obtenu son statut par la seule force de ses poings, ce qui me semble aberrant si j’en juge par sa propension à se faire parti et bourreau.
Il n’a aucune finesse et il ne s’exprime pas. Il grogne des borborygmes que ses favoris sont les seuls à pouvoir comprendre.
Au-delà de cette figure excentrique, j’ai du faire face à la jalousie des miens et je me félicite de les éduquer avec zèle. Ils ont mis en pratique mes recommandations et c’est avec regret que je me suis malheureusement échappé des mailles de leur filet fragile.
Un rapport non exhaustif basé sur une discussion avec Catherine.
Je crains que le contenu ne soit trop maigre pour me briser.
Au final, c’est peut être la particularité de ma dévotion à l’enfer qui me sauvera toujours de ces rapports.
Ma déférence n’est en rien issue d’une valeur comme la loyauté que l’on voue à son maître par conviction en sa grandeur et sa justesse.
Je ne possède pas le luxe de glorifier.
Mon indéfectible service à mon prince trouve sa source dans ce qu’il m’arracha : le choix.
Ma seule liberté est de sublimer mon existence damnée à travers la loge, et à ferrailler pour arracher ce qui n’est ni mon dû, ni un droit : la suprématie.
C’est là les fruits de notre éducation.
…
Un coup de feu vient de claquer dans l’air.
Abigail vient de jurer et elle maudit le laisser aller de Kerarthe. Ce nomade a gardé la nonchalance des barbares de ce peuple oriental dont il est issu.
Son hôte vient donc de mourir.
Nos ennemis se doutent-ils que notre nombre est encore loin d’être négligeable ?
Abigail craint pour son incarnation qu’elle voudrait pérenniser.
Je me vois mal la consoler.
D’autres que moi pourront le faire.
Ce jour, je jure de broyer ceux que je sais les instigateurs de ma confrontation avec le baron sur le banc des accusés.
Bien que je fus innocenté, je ne saurais leur pardonner leur geste et encore moins leur manque manifeste d’argument.
On ne laisse pas un adversaire en vie quand on s’attache à vaincre.
Ils paieront donc pour leur négligence. Je poserai les pièces sur vos yeux, conspirateurs.
Il n’y aura pas de terriers assez profonds, pas de répit.
Je ne commettrai pas vos erreurs.
J’interromps là mes écrits, il est temps de tuer…ou de mourir. »
Exhalant un souffle de fumée noire, il regarda Madra, lovée sur elle-même au fond du canapé qui lui servait de nid pour une nuit, une nuit de plus. Une nuit entière durant laquelle son hôte craindrait de ne pas voir l’aube.
Cette fois-ci, ils ne s’en tireraient pas. Du moins, c’était peu probable.
Trop rapides, trop expérimentés, trop hargneux, leurs nouveaux adversaires ne leur offriraient pas la chance de sortir indemnes de leur combat.
Mais chaque situation donnait lieu à des milliers de solutions. Autant de réalités que de battements de cœurs fébriles.
Il se laissa glisser le long du mur et sorti de nouveau, le carnet au cuir usé et aux pages jaunies par le temps, qui paradoxalement semblait lui-même, parfaitement hors de la marche temporelle.
Il décrocha le stylo à plume noir de la couverture où il était enchâssé, et griffonna.
« Cette nuit, ce jour…à un moment donné de cette journée que je ne saurais définir avec précision, j’ai rencontré le Baron Van der Decken.
La marche qu’il ouvre pour obtenir ses entretiens est désagréable, elle a la fragrance glacée des étendues d’eau que l’on prête aux seuls noyés.
Cependant, son bateau pathétique, monté sur roulette, lui coûte le peu que sa stature et son rang lui offrent de prestige. J’imagine qu'il faut une pointe d'excentrisme pour séduire un prince.
Le baron est un être aussi énorme qu’étrange, il n’a pas la grâce et la subtilité des grands intrigants, c’est un individu qui semble avoir obtenu son statut par la seule force de ses poings, ce qui me semble aberrant si j’en juge par sa propension à se faire parti et bourreau.
Il n’a aucune finesse et il ne s’exprime pas. Il grogne des borborygmes que ses favoris sont les seuls à pouvoir comprendre.
Au-delà de cette figure excentrique, j’ai du faire face à la jalousie des miens et je me félicite de les éduquer avec zèle. Ils ont mis en pratique mes recommandations et c’est avec regret que je me suis malheureusement échappé des mailles de leur filet fragile.
Un rapport non exhaustif basé sur une discussion avec Catherine.
Je crains que le contenu ne soit trop maigre pour me briser.
Au final, c’est peut être la particularité de ma dévotion à l’enfer qui me sauvera toujours de ces rapports.
Ma déférence n’est en rien issue d’une valeur comme la loyauté que l’on voue à son maître par conviction en sa grandeur et sa justesse.
Je ne possède pas le luxe de glorifier.
Mon indéfectible service à mon prince trouve sa source dans ce qu’il m’arracha : le choix.
Ma seule liberté est de sublimer mon existence damnée à travers la loge, et à ferrailler pour arracher ce qui n’est ni mon dû, ni un droit : la suprématie.
C’est là les fruits de notre éducation.
…
Un coup de feu vient de claquer dans l’air.
Abigail vient de jurer et elle maudit le laisser aller de Kerarthe. Ce nomade a gardé la nonchalance des barbares de ce peuple oriental dont il est issu.
Son hôte vient donc de mourir.
Nos ennemis se doutent-ils que notre nombre est encore loin d’être négligeable ?
Abigail craint pour son incarnation qu’elle voudrait pérenniser.
Je me vois mal la consoler.
D’autres que moi pourront le faire.
Ce jour, je jure de broyer ceux que je sais les instigateurs de ma confrontation avec le baron sur le banc des accusés.
Bien que je fus innocenté, je ne saurais leur pardonner leur geste et encore moins leur manque manifeste d’argument.
On ne laisse pas un adversaire en vie quand on s’attache à vaincre.
Ils paieront donc pour leur négligence. Je poserai les pièces sur vos yeux, conspirateurs.
Il n’y aura pas de terriers assez profonds, pas de répit.
Je ne commettrai pas vos erreurs.
J’interromps là mes écrits, il est temps de tuer…ou de mourir. »