10-22-2007, 10:13 PM
III.
Jackson se leva, ou plutôt bondit, tandis que Cromwell se raidissait sur sa chaise. Il arracha les pages du fax et lut fébrilement. Il souleva un sourcil, puis imperceptiblement se détendit.
“- Votre alter ego, Alistair Cromwell, est décédé il y a six mois dans un incendie au centre pénitencier où il était détenu. Cela devrait vous dispenser de pas mal de tracasseries administratives dorénavant. Bienvenue à New York, Monsieur”, et il lui tendit la main que l'autre serra sans chaleur.
- Je suis heureux de constater que les doutes que vous aviez aient pu être lever aussi rapidement.
- Désolé de vous avoir fait attendre, j'espère que cela ne retardera pas trop le programme de votre soirée.
- Ne vous inquiétez pas, je compte faire une visite surprise à une vieille amie. Je ne suis pas à une heure près, cela fait une éternité que nous ne nous sommes pas vu...
<center>*</center>
Dans un fast food du Lower East Side, à la déco rétro sortie d'un dessin de Norman Rockwell, Cromwell, attablé seul devant un verre et une bouteille de San Pellegrino, s'impatientait. La nuit était tombée et avec elle, était arrivée une neige lourde et collante. Les cimes des arbres éclairés par les lampadaires et enseignes lumineuses brillaient d'une lumière virginale et froide. Mais au sol, les flocons se transformaient rapidement en une infâme bouillie noirâtre qui vous perçait les os. La salle, toute en longueur avec d'un côté le bar et de l'autre des tables le long de la fenêtre, était quasiment déserte. D'un côté, un policier en uniforme du NYPD discutait accoudé au zinc avec le barman qui l'écoutait d'une oreille distraite, de l'autre quelques teenagers se partageaient une pizza en riant trop fort. Cromwell s'était installé à l'écart, tout au fond, face à l'entrée. A intervalle régulier, il jetait un coup d'oeil irrité à sa montre. Il passa sa main sur la vitre pour en chasser la buée, et tenta de percer les ténèbres. Son rendez-vous avait déjà un heure de retard.
Soudain la porte battante s'ouvrit violemment, et une bourrasque de neige pénétra dans le restaurant. Quelqu'un s'apprêtait à la refermer, quand une femme sculpturale entra. Elle portait un long manteau à col fourrure sur une légère robe fourreau noire qui épousait les courbes parfaites de son corps. Son visage enfantin encadré d'accroche-coeurs avaient un air vaguement ennuyé. Elle embrassa la pièce d'un regard hautain sans même s'arrêter sur les gens présents jusqu'à ce qu'elle découvre Cromwell. D'un pas sûr, elle se dirigea droit sur lui. Les hommes se retournaient sur son passage mais elle ne les voyaient même pas.
Cromwell était stupéfait, il la dévisageait comme si il voyait une morte. Arrivée à son niveau, elle lui jeta d'un air moqueur :
“- Vous permettez que je m'asseye ? ”
La voix le dégrisa instatanément, et sur un ton rogue, il répondit :
“- Je vous en prie, ma chère Madra.
- Alors comme ça tu es à New York ? Ca faisait longtemps non ? ”. Elle parlait d'une voix enjouée et cajôleuse. “ Et bien c'est tout l'effet que ça te fait de me revoir ? Tu es toujours aussi bavard à ce que je vois.
- J'ai certains projets ici...
- Ah oui, voyons ça ? Comme... Par exemple... Me tuer ?
- Par exemple.”
Elle rejetta la tête en arrière et éclata d'un grand rire cristallin.
“ - Tu es toujours aussi drôle... et toujours aussi naïf... Tu as déjà échoué une fois.” D'un geste tendre, elle tendit la main, et effleura son visage à l'endroit de sa cicatrice. Il ne se recula pas, mais ferma les yeux brièvement. “ Tu portes encore la marque de notre dernière rencontre, cela ne t'as pas suffit ?
- Cette fois sera la bonne.
- J'aurais cru que d'avoir croupi dans les Abysses t'aurais remis les idées en place, mais tu es un sot. Dire que je t'ai aimé, Abaddon... j'étais folle...”Sa voix avait prise un teinte douce amer. Elle continua d'un ton plus cassant. “ Tu crois que pendant tout le temps de ton Exil, je suis resté les bras croisés à ne rien faire? Mais pendant que tu effectuais ta pénitence, mon pouvoir a cru, bien au delà de ce que tu imagines, et tu viens me défier dans mon domaine... Crois-tu que toute cette neige soit due au hasard ? Je comprends bien mieux la glace et le froid que tu ne comprendras jamais le feu, tout démon de Belial que tu sois. Crois-tu que j'ignorais ta présence ici ? Dès que tu as posé le pied sur le sol de New York, j'ai senti ta présence pernicieuse, ta haine absurde et brûlante. C'est le passé, tu vis dans le passé, oublie notre histoire.”
- Adores ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré.
- Encore tes citations idiotes. C'est tout ce que...
Alors que Madra continuait à parler, en une fraction de seconde, Cromwell, ou Abaddon, se saisit de la bouteille, la fracassa sur le bord de la table et se jeta sur elle en brandissant le tesson coupant. Alors il se produisit quelque chose qu'il n'avait pas prévu, et n'aurait jamais pu prévoir. A l'instant où le verre allait déchiré la gorge parfaite, et détestée, la scène se figea. L'aiguille de l'horloge s'arrêta, la bière qui était en train d'être tiré cessa de couler, et le démon se retrouva stoppé dans son élan, suspendu à mi-hauteur au dessus de la table. Du coin de l'oeil, il pouvait voir que la circulation avait cessée à l'extérieur. La pièce avait pris une teinte surnaturelle, tout semblait recouvert d'une mince pellicule bleue, excepté Madra et lui, et il régnait un silence absolu.
Madra, l'air courroucée, se leva.
“ - Tu m'as déçu, tu n'as pas changé. Je devrais te tuer pour ce que tu viens de faire. Mais je ne me salirai pas les mains. J'ai contacté les services d'Andromalius, ils ne savaient pas que tu étais là, et tu ne devrais pas y être d'ailleurs. Ils ont envoyé une équipe pour venir te chercher. Profites bien de ton séjour à New York, il sera bref. Adieu, silly boy.”
Et elle sortit dans un silence glacial.
Le démon aurait bien rétorqué quelque chose, mais il était paralysé. Puis progressivement, les couleurs du monde revinrent et il s'écrasa soudain sur la table dans un vacarme épouvantable. Tous les regards se tournèrent vers lui.
<center>*</center>
Quelques minutes plus tard, une fois qu'il eut expliqué plusieurs fois qu'il était juste tombé de sa chaise, et que la femme qui était avec lui était sortie discrétement par derrière, l'homme qu'il attendait arriva enfin. Il portait une livrée grise de chauffeur de maître, une casquette profondément enfoncé sur le visage et à la main, tenait une valise.
Abaddon ne dissimula pas son impatience.
“ - Enfin vous êtes là ! Qu'est ce qui vous a retenu ?
- Je l'ai vu rentrer dans le restaurant, j'ai préféré ne pas intervenir, elle aurait pu me voir. Vous avez de la chance d'être encore vivant vu ce que vous avait fait, c'était de la folie... Pourquoi ne vous en êtes vous pas tenu au plan..
- Fermez votre putain de grande gueule, et donnez moi cette valise.
- Vous êtes toujours sûr de vouloir suivre le plan ? Maintenant qu'Elle sait que vous êtes là, ça va être bien plus compliqué.
- Je sais ce que je fais, c'est moi qui prend les risques. Dites-moi ce que je dois savoir.
- Dans la valise, il y a des vêtements du personnel de l'hotel Waldorf Astoria, et une arme.. Il y a un homme à nous qui vous attendra dans deux heures à l'entrée de service. Elle a une suite au dernier étage, impossible de la louper, elle fait tout le dernier étage...Vous savez où c'est ?
- Park Avenue. Et l'arme ça sera suffisant pour la tuer ? Vous avez vu ce qu'elle a fait ce soir ?
- Vous n'aurez qu'une chance pour tirer. Mais théoriquement, cela devrait la renvoyer dans les Limbes.
- Théoriquement.”
<center>*</center>
A suivre...
Jackson se leva, ou plutôt bondit, tandis que Cromwell se raidissait sur sa chaise. Il arracha les pages du fax et lut fébrilement. Il souleva un sourcil, puis imperceptiblement se détendit.
“- Votre alter ego, Alistair Cromwell, est décédé il y a six mois dans un incendie au centre pénitencier où il était détenu. Cela devrait vous dispenser de pas mal de tracasseries administratives dorénavant. Bienvenue à New York, Monsieur”, et il lui tendit la main que l'autre serra sans chaleur.
- Je suis heureux de constater que les doutes que vous aviez aient pu être lever aussi rapidement.
- Désolé de vous avoir fait attendre, j'espère que cela ne retardera pas trop le programme de votre soirée.
- Ne vous inquiétez pas, je compte faire une visite surprise à une vieille amie. Je ne suis pas à une heure près, cela fait une éternité que nous ne nous sommes pas vu...
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Dans un fast food du Lower East Side, à la déco rétro sortie d'un dessin de Norman Rockwell, Cromwell, attablé seul devant un verre et une bouteille de San Pellegrino, s'impatientait. La nuit était tombée et avec elle, était arrivée une neige lourde et collante. Les cimes des arbres éclairés par les lampadaires et enseignes lumineuses brillaient d'une lumière virginale et froide. Mais au sol, les flocons se transformaient rapidement en une infâme bouillie noirâtre qui vous perçait les os. La salle, toute en longueur avec d'un côté le bar et de l'autre des tables le long de la fenêtre, était quasiment déserte. D'un côté, un policier en uniforme du NYPD discutait accoudé au zinc avec le barman qui l'écoutait d'une oreille distraite, de l'autre quelques teenagers se partageaient une pizza en riant trop fort. Cromwell s'était installé à l'écart, tout au fond, face à l'entrée. A intervalle régulier, il jetait un coup d'oeil irrité à sa montre. Il passa sa main sur la vitre pour en chasser la buée, et tenta de percer les ténèbres. Son rendez-vous avait déjà un heure de retard.
Soudain la porte battante s'ouvrit violemment, et une bourrasque de neige pénétra dans le restaurant. Quelqu'un s'apprêtait à la refermer, quand une femme sculpturale entra. Elle portait un long manteau à col fourrure sur une légère robe fourreau noire qui épousait les courbes parfaites de son corps. Son visage enfantin encadré d'accroche-coeurs avaient un air vaguement ennuyé. Elle embrassa la pièce d'un regard hautain sans même s'arrêter sur les gens présents jusqu'à ce qu'elle découvre Cromwell. D'un pas sûr, elle se dirigea droit sur lui. Les hommes se retournaient sur son passage mais elle ne les voyaient même pas.
Cromwell était stupéfait, il la dévisageait comme si il voyait une morte. Arrivée à son niveau, elle lui jeta d'un air moqueur :
“- Vous permettez que je m'asseye ? ”
La voix le dégrisa instatanément, et sur un ton rogue, il répondit :
“- Je vous en prie, ma chère Madra.
- Alors comme ça tu es à New York ? Ca faisait longtemps non ? ”. Elle parlait d'une voix enjouée et cajôleuse. “ Et bien c'est tout l'effet que ça te fait de me revoir ? Tu es toujours aussi bavard à ce que je vois.
- J'ai certains projets ici...
- Ah oui, voyons ça ? Comme... Par exemple... Me tuer ?
- Par exemple.”
Elle rejetta la tête en arrière et éclata d'un grand rire cristallin.
“ - Tu es toujours aussi drôle... et toujours aussi naïf... Tu as déjà échoué une fois.” D'un geste tendre, elle tendit la main, et effleura son visage à l'endroit de sa cicatrice. Il ne se recula pas, mais ferma les yeux brièvement. “ Tu portes encore la marque de notre dernière rencontre, cela ne t'as pas suffit ?
- Cette fois sera la bonne.
- J'aurais cru que d'avoir croupi dans les Abysses t'aurais remis les idées en place, mais tu es un sot. Dire que je t'ai aimé, Abaddon... j'étais folle...”Sa voix avait prise un teinte douce amer. Elle continua d'un ton plus cassant. “ Tu crois que pendant tout le temps de ton Exil, je suis resté les bras croisés à ne rien faire? Mais pendant que tu effectuais ta pénitence, mon pouvoir a cru, bien au delà de ce que tu imagines, et tu viens me défier dans mon domaine... Crois-tu que toute cette neige soit due au hasard ? Je comprends bien mieux la glace et le froid que tu ne comprendras jamais le feu, tout démon de Belial que tu sois. Crois-tu que j'ignorais ta présence ici ? Dès que tu as posé le pied sur le sol de New York, j'ai senti ta présence pernicieuse, ta haine absurde et brûlante. C'est le passé, tu vis dans le passé, oublie notre histoire.”
- Adores ce que tu as brûlé, et brûle ce que tu as adoré.
- Encore tes citations idiotes. C'est tout ce que...
Alors que Madra continuait à parler, en une fraction de seconde, Cromwell, ou Abaddon, se saisit de la bouteille, la fracassa sur le bord de la table et se jeta sur elle en brandissant le tesson coupant. Alors il se produisit quelque chose qu'il n'avait pas prévu, et n'aurait jamais pu prévoir. A l'instant où le verre allait déchiré la gorge parfaite, et détestée, la scène se figea. L'aiguille de l'horloge s'arrêta, la bière qui était en train d'être tiré cessa de couler, et le démon se retrouva stoppé dans son élan, suspendu à mi-hauteur au dessus de la table. Du coin de l'oeil, il pouvait voir que la circulation avait cessée à l'extérieur. La pièce avait pris une teinte surnaturelle, tout semblait recouvert d'une mince pellicule bleue, excepté Madra et lui, et il régnait un silence absolu.
Madra, l'air courroucée, se leva.
“ - Tu m'as déçu, tu n'as pas changé. Je devrais te tuer pour ce que tu viens de faire. Mais je ne me salirai pas les mains. J'ai contacté les services d'Andromalius, ils ne savaient pas que tu étais là, et tu ne devrais pas y être d'ailleurs. Ils ont envoyé une équipe pour venir te chercher. Profites bien de ton séjour à New York, il sera bref. Adieu, silly boy.”
Et elle sortit dans un silence glacial.
Le démon aurait bien rétorqué quelque chose, mais il était paralysé. Puis progressivement, les couleurs du monde revinrent et il s'écrasa soudain sur la table dans un vacarme épouvantable. Tous les regards se tournèrent vers lui.
<center>*</center>
Quelques minutes plus tard, une fois qu'il eut expliqué plusieurs fois qu'il était juste tombé de sa chaise, et que la femme qui était avec lui était sortie discrétement par derrière, l'homme qu'il attendait arriva enfin. Il portait une livrée grise de chauffeur de maître, une casquette profondément enfoncé sur le visage et à la main, tenait une valise.
Abaddon ne dissimula pas son impatience.
“ - Enfin vous êtes là ! Qu'est ce qui vous a retenu ?
- Je l'ai vu rentrer dans le restaurant, j'ai préféré ne pas intervenir, elle aurait pu me voir. Vous avez de la chance d'être encore vivant vu ce que vous avait fait, c'était de la folie... Pourquoi ne vous en êtes vous pas tenu au plan..
- Fermez votre putain de grande gueule, et donnez moi cette valise.
- Vous êtes toujours sûr de vouloir suivre le plan ? Maintenant qu'Elle sait que vous êtes là, ça va être bien plus compliqué.
- Je sais ce que je fais, c'est moi qui prend les risques. Dites-moi ce que je dois savoir.
- Dans la valise, il y a des vêtements du personnel de l'hotel Waldorf Astoria, et une arme.. Il y a un homme à nous qui vous attendra dans deux heures à l'entrée de service. Elle a une suite au dernier étage, impossible de la louper, elle fait tout le dernier étage...Vous savez où c'est ?
- Park Avenue. Et l'arme ça sera suffisant pour la tuer ? Vous avez vu ce qu'elle a fait ce soir ?
- Vous n'aurez qu'une chance pour tirer. Mais théoriquement, cela devrait la renvoyer dans les Limbes.
- Théoriquement.”
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A suivre...