10-17-2007, 09:30 PM
II.
Johnson se versa un goblet brûlant de café saumâtre, et alla se poster à son endroit favori : la fenêtre de son bureau. De là, il avait une vue imprenable sur le tarmac de l'aéroport JFK. Il aimait contempler le va-et-vient incessant des avions qui venaient de l'autre bout du globe. Il n'avait jamais quitté les Etats-Unis et cela lui donnait l'impression de voyager, au moins en imagination. Son regard se reporta sur les gens qui s'agitaient en bas à l'entrée du terminal : bagagistes, hôtesses, passagers qui s'affairaient dans tous les sens. Une véritable fourmilière humaine dont il se sentait un peu responsable. Après tout, même si il n'était qu'un petit rouage d'une immense machine, son travail consistait à ce que tous ces gens soient en sécurité sur le sol américain.
Il leva les yeux et contempla la lente descente des avions en approche. Les nuages, dont la couleur tiraient sur un gris bitumeux désespérant comme si les pistes de l'aéroport se reflétaient dans le ciel vespéral, bouchaient complétement l'horizon. De la neige était annoncée pour dans la nuit, c'était bien tôt pour la saison, mais cela faisait plusieurs semaines déjà qu'un froid glacial régnait sur New York.
Notre homme serait bien rentré chez lui, mais un dernier “cas” lui était tombé dessus. Juste avant l'heure de sa relève en plus, c'était bien sa veine. D'ailleurs c'était probablement lui qui arrivait du terminal B derrière un agent en uniforme. Johnson se pencha imperceptiblement en avant, et scruta avec plus d'intérêt l'individu.
Il avait la trentaine, les cheveux en bataille, une mise négligée mais de façon un peu artificielle, une veste de bonne coupe sur un pantalon déchirée. Il portait nonchalamment un gros sac de voyage en bandoulière. Il y avait quelque chose dans sa démarche d'animal, non pas racée et féline mais primitive et brutale. Soudain il s'immobilisa et leva les yeux lentement vers Johnson et scruta attentivement la vitre teintée qui ne laissait rien transparaître de l'extérieur. Sous l'intensité du regard hostile, Johnson se recula instinctivement, mais il sentit comme un souffle d'air chaud lui passer sur le visage. Mal à l'aise, il se rassit à son bureau, et bu un verre d'eau fraîche pour faire passer le café qui lui laissait maintenant un goût déplaisant dans la bouche. C'était sûrement un petit étourdissement dü à la surprise et à la fatigue et au stress de la journée. Il compulsa les papiers devant lui pour se remettre les idées en place en attendant que son futur interlocuteur n'arrive.
Lorsqu'il entra, Johnson se leva et lui indiqua la chaise.
“- Asseyez-vous, je vous prie”
Pendant qu'il s'executait, il en profita pour le détailler. Il avait un visage anguleux, une bouche sensuelle orné d'un piercing sur la lèvre inférieure, un teint pâle qui contrastait avec une barbe de trois jours, des yeux assez enfoncés, d'une couleur sombre assez indéfinissable, noire peut être. Une fine cicatrice qui commençait sur l'arcade souricillière et se terminait sous son oeil gauche complétait le tableau. L'impression diffuse de menace que Johnson avait ressenti précédemment avait disparu. Il jeta un coup d'oeil rapide à la porte de son bureau pour s'assurer que son assistant était bien là et commença.
“- Je suis l'officier des douanes, Mark Johnson. Vous avez été convoqué ici pour une simple vérification. Vous êtes bien M. Alistair Cromwell, citoyen britannique ?
- C'est le cas. Quel est le problème ?”
Son anglais était irréprochable, mais il parlait avec des inflexions étranges, comme si il avait longtemps séjourné à l'étranger.
“- Votre nom est sur la liste noire des services d'immigration américains. Je dois m'assurer de votre identité ou bien... vous interdire l'entrée sur le territoire américain. Vous n'auriez même pas du pouvoir monter dans l'avion. De quelle destination venez-vous ?”
L'autre ne semblait pas s'affoler à l'énoncé de la pire alternative
“- Rangoon.
- La Birmanie... Pas étonnant qu'on vous ait laissé passer, leurs contrôles sont des plus laxistes.
- Votre profession, M. Cromwell ?
- Je suis... artiste. Je souffle et sculpte le verre.”
Johnson connaissait parfaitement les réponses à toutes ces questions, le seul but était de faire parler son interlocuteur et voir comment il réagissait.
“ - Et pour quelle raison voyagiez-vous en Birmanie ? Raisons professionnelles, privées ?
- J'avais besoin de me ressourcer... Retrouver mon inspiration.
- Pour quelqu'un qui revient des tropiques, vous avez la peau bien claire. Vous craignez le soleil ?
- J'ai passé beaucoup de temps sous l'eau, la plongée sous marine m'a fait découvrir des nouveaux horizons. Les coraux ont des formes et couleurs étonnantes..”
Devant le ton imperturbable de l'anglais, Johnson décida de passer à la vitesse supérieure.
“ - J'ai faxé une demande à Interpol pour obtenir le dossier complet au nom d'Alistair Cromwell. Je devrais le recevoir sous peu. En attendant je peux vous dire ce qu'il y a dans le résumé que j'ai. Ce qui lui ait reproché, ou ce qui vous ait reproché s'il s'agissait de vous.”
Il avait dit cette dernière phrase sur un ton badin, mais Cromwell semblait tout d'un coup moins sûr de lui. Il s'agitait sur sa chaise et passa une main dans ses cheveux. Johnson ne pensait pas réelement qu'il puisse avoir un homme recherché en face de lui, sinon il aurait pris plus de précautions. Si il s'agissait d'un homme traqué, il aurait voyagé sous un nom d'emprunt. Mais tout d'un coup, le doute le saisit. Il appuya une fois sur l'interrupteur caché sous son bureau qui allumait une lampe rouge dans le couloir, un signal à l'adresse de son assistant dans le couloir : “Tiens toi prêt”.
“- Votre homonyme est accusé d'un attentat à la voiture piégée sur le sol indonésien il y a cinq ans. La cible était une ressortissante américaine, qui avait des intérêts à Jakarta. Elle n'est pas morte mais à été gravement touché et est tombée dans le coma. Le dossier ne précise pas si elle en est sortie. Par contre ce qui est certain c'est que plusieurs passants ont été tué.
- Ca vous dérange si je fume ?”, l'interrompit son interlocuteur qui paraissait toujours plus mal à l'aise et sortait un étui à cigare de sa poche.
- Impossible, vous êtes dans un aéroport, rangez moi ça !”
Cromwell lui jeta un regard de haine pure, et il crut qu'il allait se jeter sur lui, mais la lumière mauvaise dans ses yeux passa aussi vite qu'elle était venue. Il souriait même franchement maintenant.
“- C'est vrai que nous sommes aux Etats-Unis. J'avais oublié combien vous êtiez portée sur la question”, et il rangea son étui.
Malgré ce revirement, l'atmosphère de la pièce était incroyablement tendue. Johnson déglutit et poursuivit.
“- On suspecte que cette tentative d'assassinat était un réglement de compte liée au marché des stupéfiants et des armes dans le sud-ouest asiatique. La cible principale n'a pas portée plainte et a disparue peu après.
- Terrorismes, drogues et armes ? Et bien c'est plutôt un gros poisson que vous cherchez. Ca fait beaucoup pour un simple artiste comme moi. Vous pensez vraiment que je pourrais être cet homme ? ”
A cet instant, le fax qui était situé sur une étagère à quelques pas des deux hommes se mit à clignoter. Dans un crépitement, il commença à imprimer plusieurs pages sur lesquelles on voyait clairement l'en-tête d'Interpol.
<center>*</center>
A suivre...
Johnson se versa un goblet brûlant de café saumâtre, et alla se poster à son endroit favori : la fenêtre de son bureau. De là, il avait une vue imprenable sur le tarmac de l'aéroport JFK. Il aimait contempler le va-et-vient incessant des avions qui venaient de l'autre bout du globe. Il n'avait jamais quitté les Etats-Unis et cela lui donnait l'impression de voyager, au moins en imagination. Son regard se reporta sur les gens qui s'agitaient en bas à l'entrée du terminal : bagagistes, hôtesses, passagers qui s'affairaient dans tous les sens. Une véritable fourmilière humaine dont il se sentait un peu responsable. Après tout, même si il n'était qu'un petit rouage d'une immense machine, son travail consistait à ce que tous ces gens soient en sécurité sur le sol américain.
Il leva les yeux et contempla la lente descente des avions en approche. Les nuages, dont la couleur tiraient sur un gris bitumeux désespérant comme si les pistes de l'aéroport se reflétaient dans le ciel vespéral, bouchaient complétement l'horizon. De la neige était annoncée pour dans la nuit, c'était bien tôt pour la saison, mais cela faisait plusieurs semaines déjà qu'un froid glacial régnait sur New York.
Notre homme serait bien rentré chez lui, mais un dernier “cas” lui était tombé dessus. Juste avant l'heure de sa relève en plus, c'était bien sa veine. D'ailleurs c'était probablement lui qui arrivait du terminal B derrière un agent en uniforme. Johnson se pencha imperceptiblement en avant, et scruta avec plus d'intérêt l'individu.
Il avait la trentaine, les cheveux en bataille, une mise négligée mais de façon un peu artificielle, une veste de bonne coupe sur un pantalon déchirée. Il portait nonchalamment un gros sac de voyage en bandoulière. Il y avait quelque chose dans sa démarche d'animal, non pas racée et féline mais primitive et brutale. Soudain il s'immobilisa et leva les yeux lentement vers Johnson et scruta attentivement la vitre teintée qui ne laissait rien transparaître de l'extérieur. Sous l'intensité du regard hostile, Johnson se recula instinctivement, mais il sentit comme un souffle d'air chaud lui passer sur le visage. Mal à l'aise, il se rassit à son bureau, et bu un verre d'eau fraîche pour faire passer le café qui lui laissait maintenant un goût déplaisant dans la bouche. C'était sûrement un petit étourdissement dü à la surprise et à la fatigue et au stress de la journée. Il compulsa les papiers devant lui pour se remettre les idées en place en attendant que son futur interlocuteur n'arrive.
Lorsqu'il entra, Johnson se leva et lui indiqua la chaise.
“- Asseyez-vous, je vous prie”
Pendant qu'il s'executait, il en profita pour le détailler. Il avait un visage anguleux, une bouche sensuelle orné d'un piercing sur la lèvre inférieure, un teint pâle qui contrastait avec une barbe de trois jours, des yeux assez enfoncés, d'une couleur sombre assez indéfinissable, noire peut être. Une fine cicatrice qui commençait sur l'arcade souricillière et se terminait sous son oeil gauche complétait le tableau. L'impression diffuse de menace que Johnson avait ressenti précédemment avait disparu. Il jeta un coup d'oeil rapide à la porte de son bureau pour s'assurer que son assistant était bien là et commença.
“- Je suis l'officier des douanes, Mark Johnson. Vous avez été convoqué ici pour une simple vérification. Vous êtes bien M. Alistair Cromwell, citoyen britannique ?
- C'est le cas. Quel est le problème ?”
Son anglais était irréprochable, mais il parlait avec des inflexions étranges, comme si il avait longtemps séjourné à l'étranger.
“- Votre nom est sur la liste noire des services d'immigration américains. Je dois m'assurer de votre identité ou bien... vous interdire l'entrée sur le territoire américain. Vous n'auriez même pas du pouvoir monter dans l'avion. De quelle destination venez-vous ?”
L'autre ne semblait pas s'affoler à l'énoncé de la pire alternative
“- Rangoon.
- La Birmanie... Pas étonnant qu'on vous ait laissé passer, leurs contrôles sont des plus laxistes.
- Votre profession, M. Cromwell ?
- Je suis... artiste. Je souffle et sculpte le verre.”
Johnson connaissait parfaitement les réponses à toutes ces questions, le seul but était de faire parler son interlocuteur et voir comment il réagissait.
“ - Et pour quelle raison voyagiez-vous en Birmanie ? Raisons professionnelles, privées ?
- J'avais besoin de me ressourcer... Retrouver mon inspiration.
- Pour quelqu'un qui revient des tropiques, vous avez la peau bien claire. Vous craignez le soleil ?
- J'ai passé beaucoup de temps sous l'eau, la plongée sous marine m'a fait découvrir des nouveaux horizons. Les coraux ont des formes et couleurs étonnantes..”
Devant le ton imperturbable de l'anglais, Johnson décida de passer à la vitesse supérieure.
“ - J'ai faxé une demande à Interpol pour obtenir le dossier complet au nom d'Alistair Cromwell. Je devrais le recevoir sous peu. En attendant je peux vous dire ce qu'il y a dans le résumé que j'ai. Ce qui lui ait reproché, ou ce qui vous ait reproché s'il s'agissait de vous.”
Il avait dit cette dernière phrase sur un ton badin, mais Cromwell semblait tout d'un coup moins sûr de lui. Il s'agitait sur sa chaise et passa une main dans ses cheveux. Johnson ne pensait pas réelement qu'il puisse avoir un homme recherché en face de lui, sinon il aurait pris plus de précautions. Si il s'agissait d'un homme traqué, il aurait voyagé sous un nom d'emprunt. Mais tout d'un coup, le doute le saisit. Il appuya une fois sur l'interrupteur caché sous son bureau qui allumait une lampe rouge dans le couloir, un signal à l'adresse de son assistant dans le couloir : “Tiens toi prêt”.
“- Votre homonyme est accusé d'un attentat à la voiture piégée sur le sol indonésien il y a cinq ans. La cible était une ressortissante américaine, qui avait des intérêts à Jakarta. Elle n'est pas morte mais à été gravement touché et est tombée dans le coma. Le dossier ne précise pas si elle en est sortie. Par contre ce qui est certain c'est que plusieurs passants ont été tué.
- Ca vous dérange si je fume ?”, l'interrompit son interlocuteur qui paraissait toujours plus mal à l'aise et sortait un étui à cigare de sa poche.
- Impossible, vous êtes dans un aéroport, rangez moi ça !”
Cromwell lui jeta un regard de haine pure, et il crut qu'il allait se jeter sur lui, mais la lumière mauvaise dans ses yeux passa aussi vite qu'elle était venue. Il souriait même franchement maintenant.
“- C'est vrai que nous sommes aux Etats-Unis. J'avais oublié combien vous êtiez portée sur la question”, et il rangea son étui.
Malgré ce revirement, l'atmosphère de la pièce était incroyablement tendue. Johnson déglutit et poursuivit.
“- On suspecte que cette tentative d'assassinat était un réglement de compte liée au marché des stupéfiants et des armes dans le sud-ouest asiatique. La cible principale n'a pas portée plainte et a disparue peu après.
- Terrorismes, drogues et armes ? Et bien c'est plutôt un gros poisson que vous cherchez. Ca fait beaucoup pour un simple artiste comme moi. Vous pensez vraiment que je pourrais être cet homme ? ”
A cet instant, le fax qui était situé sur une étagère à quelques pas des deux hommes se mit à clignoter. Dans un crépitement, il commença à imprimer plusieurs pages sur lesquelles on voyait clairement l'en-tête d'Interpol.
<center>*</center>
A suivre...