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Le mal du pays
#1
Quelque part près de Mossoul, dans une cave poussiéreuse, QG des forces sunnites de la région. Un antique ventilateur tentait tant bien que mal de rafraîchir la pièce surchauffée par le soleil du matin. Les deux stores filtraient difficilement la luminosité et surtout la chaleur du désert, perceptible à travers les fenêtres pourtant closes. Un bureau encombré de rapports divers, de photographies de routes et de check-points américains, de marchés bondés et de bâtiments officiels du nouveau régime irakien trônait en plein milieu de la pièce. Au milieu de tous ces documents rassemblés en prévision des prochains attentats-suicides, un i-pod était posé là, sur un journal français plié en quatre. Drôle d'endroit pour trouver ce genre de trucs mais après tout, dans ce pays... Derrière le bureau, un vieux fauteuil ministériel craqua. L'homme qui était assis dedans venait de bouger afin de fouiller plus facilement dans sa poche de treillis. Il en sortit un paquet de cigarettes frippées qu'il posa sur l'accoudoir avant de s'installer à nouveau confortablement, les rangers négligemment posées sur un coin de ce pauvre bureau qui n'en demandait pas tant.

Entrez.

La voix de l'homme était chaude et douce, mais ferme aussi. La voix d'un décideur, d'un chef habitué à ce qu'on lui obéisse sans discuter. La porte s'ouvrit en grinçant, il songea qu'il faudrait faire graisser ces gonds parce que ça devenait nettement désagréable, comme bruit. Deux types entrèrent, occidentaux. Le premier ne devait pas avoir plus de 17 ans. Boutonneux, les dents de devant genre lapin de garenne, de grosses lunettes à double foyer, un tee-shirt Metallica et un jean déchiré, de vieilles baskets dont l'odeur ferait fuir une chèvre. Il avait tout du fan de hard-core et devait mettre un point d'honneur à apparaître comme une vitrine de son Prince. L'homme derrière le bureau ouvrit un tiroir et en tira un dossier qu'il parcourut rapidement.

Première affectiation en Irak... Un net penchant pour l'indiscipline... Asocial... Un goût prononcé pour la violence... Très intelligent mais refusant de coopérer au mieux de ses capacités... Vos précédents supérieurs ne vous ont guère arrangés. Mais je n'aime pas me fier aux rapports. Présentez-vous.

Le second grogna quelque chose. Il était nettement plus grand que le premier, hirsute, avec des cheveux bruns lui descendant sur les épaules, barbu, mal peigné, malpropre, mal fringué et apparemment complètement stupide. L'archétype de la grosse brute. Est-ce que le serviteur serait plus malin que son maître ? Apparemment non vu le reniflement méprisant qu'il adressa à leur interlocuteur. L'adolescent prépubère donna un coup de coude à la grosse brute, qui se tut immédiatement. Intéressant. Le gradé qui l'avait en chargé auparavant ne s'était pas trompé : ce gars-là était malin. Mais pour qu'il puisse oeuvrer de son mieux au service de Satan, il allait falloir lui faire prendre conscience de certaines réalités.

T'as mon dossier, non ? Donc tu sais qui j'suis ! Et toi, t'es qui ?

L'homme derrière le bureau fit une grimace dépitée et inspira longuement. Il semblait réflechir. Machinalement, il prit une cigarette et souffla légèrement dessus, ce qui eut pour effet de l'allumer. Un petit tour qui faisait toujours de l'effet en société. Après avoir pris quelques taffes, l'homme assis se leva en faisant craquer son fauteuil et écrasa sa clope au sol avant de contourner le bureau. Il fit apparaître son aura, révêlant son grade 1 au service de Baal, prince-démon de la Guerre. Le hardos rpépubère sembla pâlir et hésita un instant sur la conduite à tenir. Trop tard. D'un mouvement trop rapide pour être pleinement perçu par l'oeil humain, le baalite avait fait jaillir des griffes de sa main droite et il frappa la grosse brute à la gorge. Le familier pris par surprise hoqueta de surprise et eut le temps d'arroser un peu le sol avec le sang jaillissant de sa carotide tranchée avant d'émettre un PLOP! sonore et de disparaître dans un nuage de souffre. Le démon de Furfur n'eut pas le temps d'esquisser un geste que déjà, un couteau de combat était posé sur sa gorge. Il lut dans les yeux du baalite que le moindre geste, le moindre mot de travers équivaudrait à s'offrir un aller simple immédiat pour l'Enfer. Il tomba à genou et releva la tête vers son supérieur. Son envie de vivre sur Terre avait désormais largement surclassé son envie de se rebeller contre l'autorité.

Je m'appelle Furax, démon de grade zéro au service de Furfur, messire. A votre service...

Le baalite hocha la tête et rengaina son couteau. Faisant disparaître son aura, il retourna s'installer derrière son bureau et pose ses rangers sur un coin de celui-ci. Farfouillant sur le bureau, il prit son i-pod et jeta en direction de son subalterne une photo représentant le marché aux moutons de Mossoul. Ce dernier s'avança et prit la photo, remarquant au passage le journal posé sur le bureau.

Qu'est-ce que c'est ?

Le baalite lui jeta un regard noir mais consentit néanmoins à lui répondre.

Des nouvelles de chez moi. Contre-toi sur ta mission : il y a une voiture devant le batiment. Dans le coffre, il y a 80 kilos de C-4 entourés de boulons et baignant dans le napalm. Soit tu prends le volant toi-même, soit tu utilises ton pouvoir de Suicide pour convaincre un humain de le faire mais dans moins de deux heures, le grand marché avant l'Hajd battra son plein et cette voiture explosera le plus près possible de la patrouille américaine chargée de la sécurité. Ce sera un terrible carnage et les journaux devraient en faire un fait divers à travers le monde entier.

Le hardos hocha la tête, remarquant que la date était celle de la smaine dernière. Il empocha la photo qui lui était destinée. S'apprêtant à sortir, il s'interrompit et observa de nouveau son supérieur.

Pourquoi avoir tué Mickey ?

Le baalite lui jete un regard noir, froid et sans la moindre trace de pitié.

Ce qui ne me sers à rien, je m'en débarrasse...

Comprenant la menace implicite, le démon de Furfur s'empressa de sortir. Il avait encore deux heures pour préserver son incarnation tout en accomplissant sa mission. Il allait devoir bosser dur pour une fois et ça ne le mettait pas spécialement de très bonne humeur mais valait mieux ça que passer le prochain millenaire incarné en balai à chiotte. Le baalite regarda la porte se fermer en soupirant et installa ses écouteurs sur ses oreilles. Immédiatement, le son très trash de l'Infernal Ministry of Sound se déversa dans son esprit. Un soupir lui échappa en songeant aux démons de Furfur qu'il était obligé de coacher.

Malback... Tu me manques...
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Le mal du pays - by Crow - 01-10-2007, 01:45 PM
Le mal du pays - by Crow - 01-15-2007, 11:29 AM

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