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Rome, octobre 97 sous le règne de l'empereur Nerva
Le Provocator aurait dû périr suite au coup qu'il venait de laisser passer. Le glaive de son adversaire était passé à travers ses côtes et avait atteint ses organes. Il s'était effondré et l'autre avait été logiquement déclaré vainqueur. Cependant, alors que l'on transportait ce que l'on pensait être son cadavre, l'homme avait rouvert les yeux. Personne ne parvint à comprendre ce miracle. Le Provocator venait de gagner le nom de Felix. Livius, démon sans grade au service du Prince de la Guerre, venait de s'incarner dans ce corps. C'était la première fois pour lui et il ne comprenait pas trop ce qui se passait, il ne se souvenait de rien et ne comprenait pas ce qui lui arrivait. Il s'endormit.
Deux jours plus tard il se réveilla de nuit, complètement guéri. A côté de lui un homme de forte stature, un gladiateur manifestement étant donné le nombre de cicatrices que Livius parvenait à décerner. L'homme lui parla en démoniaque.
"Démon Livius, je suis Vlek, Capitaine des Esprits Torturés et tu es ici sous mon commandement."
Il continua alors en latin, langue vivante à l'époque...
"Maintenant que tu sais qui je suis, tu sais que tu es sous mes ordres. J'ai une mission à te confier. Sers moi bien et ton avenir sur terre sera assuré."
"Bien capitaine. Je ferais selon tes ordres."
Après cette première rencontre, les mois passèrent et les deux démons travaillèrent en collaboration, les missions s'enchainant sans jamais connaitre l'échec. Tant et si bien que Livius acquit le grade de chevalier et plusieurs récompenses augmentant considérablement sa puissance. La relation entre les deux démons avait dépassé le stade de la hierarchie et une forme d'amitié était née entre eux deux. Bien entendu le baalite progressait aussi parmi les gladiateurs. Il était devenu scissor et avait acquis le nom de Fulgur, suite aux différents combats qu'il avait menés et remportés. Tout lui souriait et il aimait cette vie terrestre et tous les avantages qu'elle lui procurait.
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Rome, été 99 lors des jeux en l’honneur de l’Adventus de l’empereur Trajan.
Le scissor esquiva de nouveau le filet de son adversaire. Cette fois-ci cependant l’attaque avait été bien plus précise et il s’en était fallu de peu. Le rétiaire pensant son rival suffisamment déstabilisé tenta alors de le sonner avec son trident par un coup porté de taille au niveau de la tête, probablement pour l’assommer. Pendant la seconde que dura la manœuvre, la foule rassemblée dans le Colisée retint sa respiration et l’on n’entendit pas un bruit alors que le trident continuait sa course. La seconde d’après ce fut un tonnerre d’applaudissement que l’on put entendre alors que le scissor se relevait suite à l’improbable roulade qui lui permit d’esquiver le coup qui en aurait touché et blessé plus d’un.
La foule scandait son nom, alors que le combat continuait : « FULGUR, FULGUR, FULGUR ! »
Privé de son filet, Fulgur étant trop proche de lui, Victor le rétiaire, n’avait d’autre choix que de faire le nécessaire pour tenter de reprendre de la distance. Il asséna un coup d’estoc destiné à transpercer, sinon repousser son adversaire dont la proximité était le principal atout. Mais c’est, hélas pour Victor, à ce moment précis que Fulgur démontra comment il avait acquis ce nom… Il esquiva l’estoc par un pas de côté et enchaina deux coups avec une rapidité déconcertante : avec son glaive tenu de la main gauche il coupa le trident en deux au niveau du manche alors que quasiment dans le même temps il plaçait un coup de coude sous le menton de son adversaire avec son deuxième bras. Sous la puissance de l’impact le rétiaire fut projeté au sol. Sonné, il n’eut pas le temps de réagir alors que le scissor posait un pied sur son torse et menaçait sa gorge avec son arbelos, le manchon métallique terminé par une demi-lune tranchante qui formait l’extrémité de son bras droit.
Ce combat, qui était le point culminant des Jeux, prit fin avec cette pose triomphale de Fulgur sous les applaudissements d’une foule parfaitement satisfaite du spectacle magnifique que venaient d’offrir les deux gladiateurs. L'empereur, présent, décida de gracier le vaincu en l'honneur du spectacle que les combattants venaient d'offrir sous les applaudissement des romains rassemblés.
Plus tard, dans la soirée et dans une des cellules du Ludus Magnus, la plus prestigieuse caserne de gladiateurs à Rome, alors qu’ils étaient seuls, Fulgur et Victor étaient en pleine conversation. Pour ceux qui observeraient la scène de loin, les gladiateurs auraient pu donner l’impression de reparler de leur combat, mais la réalité était toute autre… C’était Victor qui parlait.
"Livius, tu y es allé un peu fort. N’en fais pas trop, tu risquerais de mettre la mission en péril. Heureusement que l'empereur a fait un cauchemar la nuit dernière dans lequel il lui arrivait malheur après avoir ordonné ma mort..."
"Je comprends capitaine. Cependant l’utilisation de ce pouvoir n’est pas vraiment dérangeante. Certains humains parfaitement entrainés sont proches de ce que j’ai montré aujourd’hui, même s’ils sont rares. Pardonne-moi de t’avoir vaincu, mais je pense que garder ma renommée nous aidera pour cette mission. Et puis tes pouvoirs ont toujours été suffisants pour t'éviter la mort..."
Le capitaine sourit.
"Je ne comprends pas pourquoi tu souhaites rester chevalier… Tu aurais un bel avenir en tant que capitaine."
"J’aurais également de très nombreux problèmes, mais ce n’est pas le sujet de ce soir capitaine, n’est-ce pas ?"
"Tu as raison. J’ai entendu dire que tes prestations commencent à attirer l’attention des forces angéliques. Il te faut continuer ainsi pour les forcer à se dévoiler. Mais veille bien à ce qu’aucun être humain ne prenne conscience de notre existence. Tu connais les règles à ce sujet."
"Oui capitaine, je conn…"
Livius ne put terminer sa phrase, souffrant manifestement d’une paralysie aussi subite qu’inattendue. Il fallut une seconde au Capitaine des Esprits torturés Vlek pour comprendre ce qui était en train de se passer. C’était cependant la seconde de trop car, alors qu’une silhouette apparaissait, le glaive bénit de cette dernière transperçait l’abdomen de l’incarnation terrestre de Livius. Ils avaient effectivement attiré l’attention des anges, mais bien plus tôt que ce qu’ils avaient prévu…
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Rome, été 99, quelques secondes plus tard
Manifestement, l’assaillant s’était attendu à voir disparaître sa cible au premier coup. Il resta perplexe un court instant devant la résistance de Livius, instant suffisamment long pour permettre à Vlek de le repousser assez loin, et surtout de le monopoliser de telle sorte qu’il cesse d’utiliser son pouvoir de paralysie sur le Baalite.
Ils s’observèrent alors. L’ange avait sur le visage un sourire confiant, carnassier alors qu’il retrouvait peu à peu sa forme normale. Vlek, lui, semblait plus inquiet alors que Livius se relevait lentement. L’ange fonça alors, glaive levé, sur Livius. Ce dernier esquiva facilement étant donné que le mouvement de l’ange était en réalité une feinte pour atteindre le capitaine de Beleth. Feinte qui avait manifestement fonctionné puisque Vlek gisait inconscient un peu plus loin, une entaille profonde sur le torse. Le point positif se dit Livius, c’est qu’il n’avait pas disparu, ce qui signifiait qu’il y avait encore un espoir pour lui.
Le sourire de l’ange s’élargit. Il était certain de l’emporter. Aussi il se présenta, afin de faire comprendre au démon qui lui faisait face que sa fin était proche.
"Je suis Maximus, ange au service du Grand Purificateur, Monseigneur Georges."
Livius n’en attendait pas moins visiblement, puisqu’il répondit à son tour, un sourire identique fiché sur les lèvres alors qu’apparaissaient son glaive maudit, ses griffes, ses cornes et sa queue barbelée.
"Ravi de faire la connaissance d’un adversaire aussi puissant que toi. Je suis Livius, Chevalier de l’Ordre Noir. Ton périple s’achève ici."
Alors que le Baalite prononçait ces mots, l’ange le remercia et disparut aussitôt. Il ne s’agissait pas d’une disparition liée à l’invisibilité, Maximus s’était téléporté, emportant avec lui les informations qu’il semblait rechercher. Alors que Livius comprenait petit à petit ce qui venait de se passer, ses membres exotiques et son arme maudite disparaissaient, alors que du sang s’écoulait encore de la plaie que lui avait laissée leur visiteur nocturne. Le pouvoir de régénération aidant, Vlek retrouva vite ses esprits. Constatant que Livius était toujours là, mais ne voyant pas de traces de l’ange, Vlek parut satisfait et questionna son subalterne.
"Tu as mis fin a son existence ?"
"Non capitaine. Il a pris la fuite."
Le démon de combat fit alors le récit de ce que à quoi le Beleth n’avait pas pu assister. Ce qui ne manqua pas, bien entendu, de l’énerver.
"Comment as-tu pu te laisser duper de cette façon ? Ils savent maintenant qui tu es… Je vais devoir intervenir afin de retrouver la trace de ce Maximus. Te rends-tu compte de ce que cela implique ? Nous allons perdre un temps considérable…"
Livius baissa la tête et se contenta de quelques mots.
"Pardonne-moi capitaine. Je subirais la punition que tu estimeras méritée."
"Nous verrons cela en temps utiles. Pour l’heure, nous devons quitter Rome et dans le même temps retrouver ton ange."
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Quelque part dans la campagne Romaine, été 99, deux semaines plus tard.
"Tu as compris Livius ? Tu ne dois pas mettre fin à son existence. J’ai besoin de lui vivant. Sans cela, j’aurais beaucoup de mal à obtenir les informations dont nous avons besoin."
"Bien capitaine. Je suis impressionné par la façon dont tu es parvenu à le débusquer."
"Retrouver ce que d’autres ont perdu… Il s’agit de ce que je maîtrise. Mais nous ne sommes pas là pour parler de cela. Il sera très certainement sous bonne garde. Tu risques d’avoir à combattre énormément avant d’arriver à lui. Je resterais à bonne distance. Je n’interviendrais pas. Si tu es vaincu tu retourneras en Enfer et subiras le courroux de nos supérieurs. Tu as bien compris ?"
"Oui capitaine. Pour les humains ?"
"S’ils t’empêchent d’acomplir ta mission, ils seront des dommages collatéraux."
"Bien capitaine. Je n’échouerais pas."
Les deux démons se mirent alors en route. A cinq cent mètres de l’auberge, Vlek s’arrêta.
"C’est ici qu’il réside. A l’extérieur de Rome. Ceci afin de ne pas attirer l’attention des humains probablement. Ce n’est certainement pas la meilleure idée qu’il ait eu. Où alors il est sûr de lui. Fais bien attention."
Le chevalier fit oui de la tête, fit apparaître son glaive maudit et se dirigea vers l’auberge en question. A l’extérieur, trois hommes armés de glaives l’attendaient. Ils regardaient le glaive maudit avec insistance, comme s’ils en percevaient la nature. Ils devaient être des anges où des serviteurs, pensa Livius. Mais étant donné l’appréhension qu’il pouvait lire dans leur regard, il opta pour des serviteurs. Pénétrer à l’intérieur ne serait donc pas trop difficile. Alors que le démon avançait d’un pas décidé vers l’auberge, les hommes à l’extérieur entrèrent dans l’Auberge, obligeant Livius à les imiter et ainsi à se livrer. C’est donc sur le qui vive que l’ancien gladiateur entra dans l’auberge. Il ne s’était pas trompé, il s’agissait là d’un piège. Un coup de taille l’accueillit dès son entrée. Il para le coup avec une grande facilité puis entra pour de bon dans l’auberge en réalisant l’une de ces roulades qu’il affectionnait tant, esquivant le coup d’un autre serviteur. Ne souhaitant pas perdre de temps avec eux, l’auberge étant vide, il sortit sa queue barbelée le temps d’un autre assaut, qu’il parvint à repousser sans difficulté. Disposant désormais de son membre exotique il vint à bout sans difficulté de ses trois adversaires. Alors qu’il reprenait son calme afin de se concentrer, de nouveau il put sentir le glaive bénit lui transpercer le ventre, et voir le sourire de Maximus apparaître petit à petit devant lui…
Cependant, il n’y avait pas eu de paralysie cette fois-ci, aussi Livius parvint à repousser son adversaire grâce à sa queue, un sourire carnassier apparut alors sur son visage. Un sourire identique apparut ensuite sur le visage de l'ange alors que Maximus s’adressait au démon.
"J’ai fait preuve de clémence envers toi la dernière fois, car ma mission me l’imposait. Cette fois, je vais t’anéantir misérable larve."
Cette alors que l’aura de l’ange se déploya. Une aura d’Ami, d’une puissance effrayante qui stoppa le sourire de Livius, ainsi que ses mouvements. Ce que ne manqua pas de remarquer Maximus, l’air hautain. Mais ce n’était pas la peur qui avait paralysé le démon, c’était à nouveau le pouvoir de paralysie de l’ange de Georges. Celui-ci s’élança sur Livius qui assistait, impuissant, à sa propre mise à mort. Et alors que l’arme bénite s’abattait sur le Chevalier de l’Ordre Noir, l’ange s’effondra, juste à temps pour que son coup ne porte pas. Vlek apparut derrière lui sourire aux lèvres.
"Tu as de la chance qu’il ait voulu jouer avec toi. Ne perdons pas de temps, je dois apprendre ce qu’il sait."
L’ange ronflait sous l’effet du pouvoir sommeil.
"Je ne dispose pas de beaucoup de temps. Surtout ne fais aucun bruit et laisse moi travailler."
Vlek sembla alors s’endormir à son tour. Deux minutes plus tard il se réveilla, semblant pressé et légèrement perplexe.
"Il est bien plus résistant que prévu, nous allons devoir procéder autrement. Je vais l’affaiblir et à mon signal tu devras le maintenir avec ta queue barbelée. Tu devras bien attendre le signal chevalier, c’est clair ?"
"Très clair capi…"
Maximus se réveilla brusquement, surpris. Mais pas autant que Vlek visiblement… Livius n’eut pas le temps de l’enserrer avec sa queue barbelée que l’ange s’était déjà téléporté. A nouveau il leur échappait.
Le capitaine de Beleth se leva dans un réflexe et courut vers l’extérieur comme s’il souhaitait aller retrouver l’Ami. Livius rangea sa queue barbelée et suivit son capitaine. Le baalite grimaçait devant ce qu’il considérait comme échec, mais le sourire franc qu’affichait Vlek le rassura…
"Ce n’est pas une réussite brillante, mais nous avons l’essentiel… Je sais maintenant qui est notre cible et où la trouver. Nous allons maintenant devoir murir un plan, et surtout nous faire suffisamment discrets pour que nos ennemis ne nous retrouvent pas. Suis-moi."
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Quelque part aux frontières entre l’Empire Romain et la Dacie, avril 101.
Les mois avaient passé et les deux démons étaient parvenus à se faire oublier, sinon à faire en sorte que leurs ennemis ne les retrouvent pas. Le baalite soupçonnait un travail exceptionnel de son capitaine pour parvenir à un tel résultat et était certain que les gradés en charge de l'opération ne s'étaient pas trompés en confiant une telle tâche au Capitaine des Esprits Torturés. Par conséquent il était certain de la réussite de la mission.
Livius et Vlek marchaient aux côtés des légionnaires romains des douze légions qui, menées par l’Empereur Trajan, partaient à la conquête de la Dacie. Le jour ils faisaient tout ce qu’on leur ordonnait en soldats disciplinés de l’empire. La nuit ils faisaient ce qu’il fallait pour se retrouver seuls et pouvoir ainsi peaufiner leur plan d’attaque.
"Notre cible est le roi des Daces, Décébale. C’est pour cela que nous profitons de cette campagne de Trajan, afin de pouvoir atteindre Décébale. Maximus est son garde du corps. Tu ne peux rivaliser avec lui, malgré tes grandes facultés, aussi tu devras te concentrer sur Décébale. Si Maximus te trouves, il te provoquera pour te détourner de ton objectif, car il sait qu’il a blessé ton orgueil. Tu ne devras pas céder à la volonté de venger l’affront qu’il t’a fait, tu comprends ? La mission est prioritaire."
C’est les poings crispés par la colère et la haine que Livius répondit au capitaine.
"Je ferais tout ce qu’il faut pour mener à bien cette mission, même si l’honneur du combattant doit en souffrir."
"Parfait. Décébale sera présent sur le champ de bataille d’après nos informations. Tu le reconnaitras aisément. Par contre, nous savons également que l’ennemi est au courant de notre présence dans les rangs de l’armée romaine. Tant que nous livrerons des batailles de faible importance, tu devras avoir l’air d’un soldat normal. Il ne faudra attirer l’attention de notre ennemi qu’au dernier moment."
Les jours de marche passaient et le paysage défilait. Les troupes romaines traversèrent le Danube et pénétrèrent plus profondément sur le territoire des Daces alors que le printemps avançait. Arrivés à l’automne une bataille dont l’issue ne fut pas décisive se déroula. Les romains l’emportèrent sur les Daces, mais se replièrent sur l’autre rive du Danube pour passer l’hiver. Décébale ne s’était toujours pas montré. A l’arrivée de l’hiver, les Daces décidèrent d’attaquer les positions romaines en traversant le Danube gelé. Là ils subirent de lourdes pertes, sans que Livius ni son capitaine n’aient à accomplir quoi que ce soit d’exceptionnel. Là encore, aucune trace de Décébale. Les mois passèrent et les romains continuèrent leur progression vers la capitale Sarmizegetusa qu’ils atteignirent à l’été 102. Aux portes de la capitale, cela ne faisait aucun doute à nos deux démons qu’ils finiraient par voir Décébale et qu’ils auraient alors l’occasion de mettre fin à son existence comme l’exigeait leur ordre de mission. Ils abordaient alors ce moment de la campagne militaire avec une attention toute renouvelée. Pour eux, quelle que puisse être l’issue de cette campagne, victoire ou défaite des romains, ils ne pourraient pas rater l’occasion d’accomplir leur mission. Livius était déterminé et, bien qu’il estimait mériter une compensation pour tout ce qu’ils avaient accompli jusque là, à savoir la tête de Maximus, il s’était malgré tout promis de respecter son engagement à faire ce qu’il faudrait pour que la mission soit une réussite, en laissant de côté sa haine pour l’ange qui l’avait mis en échec à deux reprises. Il abordait chaque nouvelle journée de bataille avec la plus grande résolution et la plus grande attention quant à la présence du roi Décébale.
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Aux portes de Sarmizegetusa, début de l’automne 102
Voilà plusieurs mois que les combats duraient sans que Rome parvienne à l’emporter. Les défenseurs résistaient et Livius se demandait si, dans ces conditions, le roi Décébale se montrerait. Une nuit, alors que les deux démons faisaient encore le mur, le Capitaine Vlek décida de changer d’approche.
"Livius, nous ne pouvons continuer ainsi. Les romains vont finir par se lasser et nous n’aurons pas l’occasion que nous attendons. Il faut que Rome prenne l’avantage, et pour cela il va falloir que nous usions de nos pouvoirs. L’ennemi te remarquera rapidement. Si nous prenons un ascendant suffisant, Décébale voudra certainement se montrer parmi ses soldats afin de leur redonner confiance. C’est à ce moment précis qu’il nous faudra agir. Je vais prévenir quelques uns des démons qui sont également présents dans cette armée afin qu’ils fassent pencher la balance en notre faveur. Tu devras attirer l’attention sur toi pour que nous puissions identifier nos ennemis dans le même temps que nous verrons notre cible. Cependant tu devras faire très attention, car Maximus t’attendra. J’assurerais tes arrières."
Il fallut une quinzaine de jours pour faire pencher la balance en faveur des romains. Cependant, aucun signe de Maximus malgré le revers que subirent les Daces et les quelques évènements inexplicables qui avaient eu lieu.
Comme l’avait espéré le capitaine de Beleth, la rumeur disait que le roi des Daces marchait aux côtés de ses hommes. C'était effectivement le cas. Un matin, Livius vit un homme parcourir les rangs à cheval. Etant donné l’allure et l’accoutrement de l’homme en question, nul doute ne pouvait subsister quant à son identité. Il s’agissait de Décébale. Ce dernier restait en seconde ligne de défense et était donc en permanence visible des romains. Un excellent moyen pour remotiver des troupes dont le moral faiblissait, et également la meilleure des opportunités pour le baalite.
Alors que les romains lançaient l’assaut, la première vague chargeant comme un homme, Livius saisit l’opportunité du premier contact pour tenter une percée dans les lignes ennemies. A priori, les autres démons présents, une dizaine au total, avaient pour consigne de suivre le Chevalier de l’Ordre Noir et de le seconder. Tout en progressant, les démons purent voir qu’un homme se pencha à l’oreille de Décébale qui prit la direction de l’intérieur. L’homme en question était Maximus. Le sourire ne quittait pas le visage de l’ange.
Pour atteindre la cible qui avait eu le temps de se replier à l’intérieur de la cité, il leur fallait non seulement percer les lignes, ce qu’ils parvenaient à faire sans trop de difficulté en laissant parler leurs capacités surhumaines, mais également pénétrer dans la ville en ne sachant pas ce qui les y attendait. Alors qu’ils arrivaient devant la grande porte, celle-ci était ouverte. Et les rues complètement désertes… De plus, les soldats Daces n’avaient pas vraiment cherché à les empêcher de passer et ne cherchaient pas plus à les rattraper alors que les démons franchissaient leurs lignes. C’était trop facile. Manifestement un piège leur était tendu… Livius prit la décision de ne pas s’en soucier. Il décida qu’ils verraient à mesure que les problèmes arriveraient. Au loin il vit Maximus suivit de Décébale pénétrer dans ce qui ressemblait à un palais. Cela sentait le piège, il le savait, mais il estimait être trop près du but pour arrêter à ce moment. Il s’élança donc en direction du palais, suivi par les autres démons.
Ils pénétrèrent dans l’édifice et arrivèrent dans une salle majestueuse et immense. Là une demi-douzaine de gardes les attendait, glaive à la main. Derrière ceux-ci, au fond de la salle, Décébale. Aucun signe de Maximus. Le baalite savait que l’ange apparaîtrait au dernier moment, comme toujours, mais n’avait pas le choix, il devait tenter sa chance. Il chargea les gardes qui s’écartèrent pour le laisser passer. Alors que les autres démons chargèrent les gardes, ces derniers leur firent face. Il s’agissait de six anges… Un combat s’engagea immédiatement entre anges et démons alors que Livius chargeait avec l’idée de tuer Décébale pour mettre fin à cette mission. Il n’avait pas réfléchit à comment repartir, mais cela avait moins d’importance à ses yeux. Le Roi Dace regardait le légionnaire s’approcher de lui. La peur se lisait dans son regard. Le démon de combat fit apparaître son glaive maudit, brandit l’arme et se figea sur place avant même d’avoir pu porter son coup.
Décébale se mit à sourire, et ses traits changèrent pour devenir ceux de Maximus alors qu’il plantait ses yeux dans ceux du démon tout en lui plantant son glaive bénit dans l’abdomen. L’Ami de Georges parut alors surpris et relâcha sa paralysie, tout en se mettant hors de portée. Le corps de Livius s’était recouvert d’une épaisse carapace, et le glaive n’avait pas pu la percer… C’était au tour du démon de sourire alors qu’on entendait les bruits du combat qui se déroulait un peu plus loin.
"Tu ne sais pas tout de moi…"
"En ce cas nous sommes deux. Tu as aimé ma surprise ? "
"J’espère que tu seras capable de me surprendre encore…"
"Ce soir, c’est la dernière fois que nous nous rencontrons. Tu vas retourner en Enfer démon !"
Alors qu’ils conversaient, Livius avait fait apparaître ses griffes, ses cornes et sa queue barbelée. Recouvert de son épaisse carapace, il montrait ainsi son potentiel offensif. Cette fois-ci, il n’attendit pas le premier coup et fonça sur l’ange qui lui faisait face, tentant un balayage avec sa queue pour le déstabiliser, alors qu’il enchainait à une vitesse fulgurante, aidé par l’Art de Combat, avec un coup de griffe descendant, un coup de taille avec son glaive, un coup de pied chassé frontal et un coup de corne pour empaler Maximus et le renvoyer de là où il venait…
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Palais de Sarmizegetusa, quelques secondes plus tard, courant de l’automne 102
Livius était sûr de lui. Il sortirait vainqueur sur cette manche. Mais c’était sans compter sur la virtuosité de l’Ami… Un petit saut pour esquiver la queue, puis les mouvements minimaux nécessaires à l’esquive de chacun des coups du baalite, pour terminer par une prise incroyable… Maximus avait pour ainsi dire saisi le taureau par les cornes. Au moment où Livius comptait l’empaler, l’ange s’était saisi des deux cornes dans un mouvement d’une précision et d’une rapidité incroyables et, utilisant la puissance déployée par le démon à son avantage, le serviteur de Georges se mit à tourner sur lui-même pour envoyer Livius à travers la pièce dans un vol plané des plus impressionnants… Livius vint s’écraser contre une colonne qu’il fit voler en éclat et dont la partie haute s’effondra alors qu’il finissait son vol encastré dans un mur d’une épaisseur phénoménale. Heureusement qu’il était protégé par son armure corporelle qui encaissa une bonne partie du choc, sans quoi il aurait probablement été renvoyé en Enfer suite à ce retournement de situation…
De l’autre côté de la pièce Maximus riait. Visiblement satisfait de son œuvre, il se moquait ouvertement du sort du démon guerrier. Le temps que prit l’ange pour se moquer de Livius était celui dont ce dernier avait besoin pour s’extraire de son mur, la colère montant en lui. Et alors le combat reprit. L’Ami se jeta sur le Chevalier pour en terminer. Un coup qui aurait tranché n’importe quel cou, mais Livius avait paré avec son glaive, et déjà il tenait de son autre main le bras armé de Maximus, l’immobilisant ainsi et ouvrant une brèche dans sa garde. Assenant un violent coup de genou à Maximus, il obligea ce dernier à se reculer le plus possible pour éviter l’assaut, et le placement qui en résultait était ce que l’ancien gladiateur attendait : la possibilité de le lacérer avec sa queue… L’ange ne put éviter le coup, et sous l’effet de la surprise parvint à se dégager suffisamment et recula, pour observer sa blessure alors que Livius souriait. L’abdomen de Maximus était profondément ouvert et certains organes apparents tellement la lacération était profonde. S’il avait été capable de souffrir, à ce moment précis l’ange souffrirait certainement le martyre.
"Je t’avais prévenu Maximus… Malgré cela tu m’as sous-estimé…"
"Eventration ? Chien, tu vas me le payer… Tu vas voir ce qu’il en coûte de blesser ainsi un ange de Georges."
Alors les choses s’enchainèrent très rapidement. Les yeux de l’ange devinrent comme vitreux et il commença à trembler légèrement alors qu’émanait de lui une aura de puissance effrayante. Malgré les tremblements, Livius ne s’y trompait pas, l’ange se changeait en machine à tuer. Le visage de Maximus se ferma et devint parfaitement neutre. Livius venait de déclencher la colère de Maximus et par conséquent la Colère Divine de l’ange de Georges. A ce moment Maximus bondit sur le démon, lui assenant un coup de taille avec son glaive, coup que Livius eut à peine le temps de parer et dont la puissance le fit reculer de trois pas… L’ange ne marquait plus un temps d’arrêt. Il ne semblait plus penser qu’à une seule chose : exterminer le démon. Il martelait Livius qui ne parvenait que difficilement à placer un coup de temps en temps… Coup qui ricochait sur une armure invisible sans causer le moindre dégât à l’ange. Chacun des coups de Maximus était porté avec une puissance effroyable et Livius perdait pied petit à petit sous les assauts mécaniques répétés de son ennemi. Tant et si bien qu’un estoc de l’ange parvient à son but : il transperça Livius au niveau de l’abdomen, faisant voler l’armure de pierre en éclat et expulsant le démon plusieurs mètres en arrière.
Si quelques secondes auparavant Livius était en meilleure forme que Maximus, à présent les deux combattants étaient proches de la défaite, tant leurs incarnations étaient en piètre état. Leurs corps étaient maculés de sang et les trainées qu’ils laissaient dans la pièce ne faisaient aucun doute quant au fait que l’un des deux perdrait inévitablement ce combat…
Dans sa transe, Maximus ne voyait rien d’autre que le fait que Livius tenait encore debout et il se jeta donc immédiatement de nouveau dans la mêlée. Le démon savait qu’il n’aurait plus le dessus tant que l’ange serait dans cet état, mais il ignorait combien de temps cela pourrait durer. Il savait à présent que sa mission serait un échec : il était épuisé et ne pourrait utiliser plus qu’un seul pouvoir et l’ange le dominait largement. Alors quitte à échouer, il voulait au moins emporter la tête de Maximus. C’est pourquoi il opta pour la seule solution qui pourrait lui permettre de venir à bout de l’ange : le sacrifice. Il réfléchissait alors même qu’il subissait les assauts de l’Ami qui ne semblait pas faiblir. Le démon de Baal n’attendait qu’une seule chose : le bon moment. Une fraction de seconde lui suffit pour savoir que le coup que lui portait Maximus en cet instant était le coup final : un coup tranchant venant du haut visant à fendre le crâne du démon en deux. Livius se pencha légèrement sur le côté droit pour que le coup n’atteigne pas son crâne mais sa clavicule sur la gauche, et à l’instant même où le glaive pénétrait ses chairs, c’est avec le sourire et à bout de force qu’il enfonçait ses griffes dans le cœur de Maximus, ayant une dernière fois utilisé son pouvoir d’éventration. La transe de l’ange s’arrêta net, leurs regards se croisèrent, la surprise se lisant sur le visage de l’Ami et tous deux disparurent dans un "PLOP" sonore, caractéristique de la disparition d’un aligné…
Livius ouvrit les yeux dans un endroit dont il se souvenait parfaitement à présent : l’Enfer. Il était entouré par une dizaine de démons qui sur l’ordre d’un autre se jetèrent sur lui avant même qu’il eut le temps de se relever et commencèrent à lui donner une leçon du genre qu’il ne serait pas près d’oublier… Après qu’ils l’eurent complètement démoli, suite à l’utilisation de pouvoirs tous plus utiles les uns que les autres dans ce genre de cas, le donneur d'ordre fit flasher son aura de Baron des Cauchemars alors qu’il applaudissait Livius avec un sourire malsain.
"Toutes mes félicitations pour votre coup d’éclat démon Livius !"
Inutile de dire que le ton employé, en plus de la raclée qu’il venait d’ordonner, n’était pas le meilleur des présages pour la suite. Livius allait devoir rendre des comptes…
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Enfer, après le "PLOP" et la raclée de Livius, automne 102.
Le baron Javorlnax toisait Livius qui était agenouillé suite à la correction qu’il venait de recevoir. Non content d’avoir perdu son incarnation terrestre dans un combat des plus sanglants, il était à nouveau complètement lacéré suite aux coups qu’il venait de recevoir. Alors qu’il tentait de reprendre son calme, comprenant la situation, deux colosses le relevèrent pour qu’il puisse tenir face au baron.
"Faisons les comptes liés au résultat de ta mission démon Livius."
Le fait que le baron employait le mot démon signifiait que le baalite avait perdu son grade de chevalier. Mais cela n’avait pas d’importance à ses yeux. Il attendait la suite avec impatience, lorsque l’on parlerait de l’exploit qu’il avait accompli en terrassant un Ami de chez Georges.
"Les onze démons ici présents, chargeant à tes côtés et sur tes ordres ont tous été vaincus. Toi-même tu as été vaincu. Donc nous avons douze pertes côté démoniaque pour aucune perte angélique. De plus le roi Décébale n’a pas été tué."
Livius était sans voix. Chargeant sur ses ordres ? Aucune perte angélique ? Et la disparition de Maximus, qu’en faisait-il ? Et Vlek ? Il coupa alors le baron.
"Et que fais-tu de Max…"
Il ne put terminer sa phrase, le baron venait de le paralyser avec un deuxième sourire sadique en prime. Il mit alors une gifle à Livius puis relâcha sa paralysie. Le démon de combat comprit qu’il vaudrait mieux qu’il se taise jusqu’à ce qu’on l’invite à parler. Javorlnax reprit la parole.
"Non seulement ton escouade a fini décimée, mais en plus tu te permets le luxe de perdre du temps avec un ange au lieu d’accomplir ton objectif. Un objectif simple qui plus est, tuer un humain… Cette mission était pour toi l’occasion de devenir Capitaine, Livius. Car elle était simple, mais avait pour nous une grande importance. Dommage pour toi."
Le sourire du gradé de Beleth s’élargit encore.
"Qu’as-tu à dire pour ta défense."
Des choses, Livius en avait un grand nombre à dire. Il ne prit pas le temps de trier et s’apprêtait à tout balancer comme ça lui venait. Alors qu’il allait ouvrir la bouche pour parler, il sentit une chose très désagréable… Il n’avait plus de bouche. Ou en tous cas, pour autant qu’il puisse en juger, il lui était impossible de l’ouvrir et donc de parler. Certainement une conséquence de la gifle reçue quelques secondes auparavant. Les pensées se bousculaient dans sa tête et notamment un très grand nombre d’insultes quant à l’ascendance du Baron et à ses attributs virils… Est-ce que le baron était capable de lire dans les pensées, ou est-ce que les pensées de Livius étaient aisément identifiables dans son regard ? Le baron souriait.
"Tu n’as rien à dire ? En ce cas, c’est que tu acceptes toutes les responsabilités dans l’échec de cette mission. Ainsi que les punitions qui vont avec…"
Javorlnax fit un nouveau signe de la main à l’un des démons les entourant, comme pour punir le baalite. Une paire de griffes poussa sur la main de ce démon et alors qu’il s’amusait à déchirer la peau du romain, la douleur que ressentait ce dernier était insoutenable. Ce démon possédait donc le pouvoir de douleur. Livius s’en souviendrait… En tous cas, même si ses yeux exprimaient en ce moment une haine indescriptible, sa bouche, elle, n’était capable d’aucun son et il ne pouvait même pas alléger son fardeau en hurlant. Au bout de quelques instants, le baron ordonna que l’on cesse d’infliger cette punition puis se dirigea vers la sortie de la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Sur le pas de la porte, il ajouta.
"J’ai oublié de te préciser quelque chose. Tu n’es plus un démon à compter de maintenant. Tu es un familier. Et ta tâche sera de servir à l’entraînement des démons de combat que nous envoyons sur les marches sur lesquelles le Principe de Discrétion ne s’applique pas… J’espère que tu te souviendras de ma clémence et que tu tâcheras de ne pas te faire mettre en pièces."
Le baron quitta alors la pièce en riant, suivi de neuf des démons présents. Les deux colosses qui avaient relevé le romain lui mirent encore une petite raclée et le jetèrent dans une fosse profonde qui se trouvait en contrebas. La nouvelle existence de Livius commençait.
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Enfer, arène d’entrainement des démons de combat, en l’an 106
Le charge de Breulg, cornes en avant, avait été très facilement esquivée par Livius. Le démon de combat avait chargé sans aucune intelligence et s’était planté lui-même dans la roche constituant l’un des murs de cette arène. Comme tous les jours, depuis son retour en Enfer, Livius combattait. Enfin, combattre était un bien grand mot… Il servait de cible d’entrainement mouvante à des démons qui n’avaient jamais connu aucun combat réel et qui, aux yeux de Livius, n’avaient aucun talent martial. Ils étaient juste truffés de pouvoirs très utiles.
Hurlant sa colère, Breulg se défit de la prison dans laquelle il s’était lui-même enfermé et reproduisit exactement la même attaque que précédemment sous le regard dépité du gladiateur. Mais cette fois, le romain n’esquiva pas. Il prit la charge de plein fouet, transpercé par les cornes du monstre et disparut dans le "PLOP" habituel pour réapparaitre, affaibli, exactement au même endroit. Breulg leva le poing en signe de victoire. Il n’avait pas la moindre idée de la raison de sa victoire. Cependant, il était persuadé d’être le plus fort… Livius, lui, savait parfaitement de quoi il en retournait. Depuis qu’il était passé au statut de familier, l’intégralité de ses pouvoirs lui avait été retirée et à chaque fois qu’il se montrait trop supérieur à un démon dans l’arène, on le paralysait pour le remettre à sa place. A chaque combat il essayait, mais à chaque combat les choses se passaient de la même façon : il ne pouvait plus faire apparaître la moindre arme corporelle, pas d’armure de pierre non plus, pas d’éventration et aucun glaive maudit. La seule chose qui lui restait accessible était l’esquive, tant ses poings étaient incapables de percer l’armure de ses adversaires. Son existence de familier n’était décidément pas des plus agréables...
Il n’avait aucune notion du temps passé et n’espérait rien de spécial, convaincu qu’il en serait ainsi pour l’éternité. Cependant, un beau jour, une chose inattendue se produisit. Alors qu’il venait d’être paralysé une nouvelle fois, probablement par un des responsables de l’Arène qui devait se délecter de voir le spectacle de ses défaites inévitables, il parvint à activer son armure de pierre et le coup de griffe du démon qui l’assaillait ne parvint pas à entamer la protection. Tout le monde parut surpris, et alors, d’un coup de glaive maudit fraichement revenu il trancha la tête du démon qui disparut dans un "PLOP" des plus agréables aux oreilles de Livius. L’imbécile qui le maintenait paralysé avait probablement lâché prise sous l’effet de la surprise. Le baalite se tenait donc seul à présent au centre de l’arène, recouvert de son armure de pierre glaive en main alors qu’apparaissaient tour à tour ses cornes, ses griffes et sa queue barbelée, comme s’il appelait les autres à venir le défier en savourant le retour de ses pouvoirs adorés.
Mais personne ne vint dans l’Arène pour le combattre. Au lieu de cela, apparut un démon que Livius connaissait bien. Vlek, son aura de capitaine déployée. Le familier sourit à son supérieur, visiblement content de le retrouver. Néanmoins, il resta en garde, paré à toute éventualité, alors même que sa bouche reprenait forme, signe qu’il pourrait à nouveau s’exprimer. Ce que ne manqua pas de remarquer le Beleth.
"Livius. Tu sais parfaitement que cela n’est pas nécessaire avec moi. Je suis ici pour te faire une proposition afin de sortir d’ici. M’écouteras-tu ? "
Le familier de Baal était naturellement tout ouïe et manifestement heureux de pouvoir parler à nouveau.
"En ce cas je suis heureux de te voir Capitaine. Si tu n’y vois pas d’inconvénient, je préfères tout de même assurer ma protection."
"Je t’en prie, même si tant que je serais là, tu n’en auras pas forcément besoin. Donc, ma proposition est simple, tu peux soit obtenir ta vengeance sur Javorlnax et un autre démon de ton choix, soit…"
Vlek n’eut pas le temps de dire la suite. Livius l’avait coupé.
"Je choisis cette option. Pour le moment, le reste n’a pas d’importance. Amène-moi Javorlnax et le démon qui a utilisé son pouvoir de douleur sur moi à mon retour ici, s’il te plait Capitaine."
Le Capitaine des Esprits torturés leva une main.
"Faites les entrer."
Vlek savait parfaitement à quel démon Livius voudrait montrer sa puissance. Il connaissait suffisamment le baalite pour avoir pris les devants. Il disparut alors que le baron et son garde du corps entraient dans l’Arène. Tous deux avaient l’air confiant, et sans un mot, le garde du corps se jeta à une vitesse surnaturelle sur Livius, griffes en avant. Un simple pas de côté suffit au Baalite pour esquiver l’attaque alors que dans le même temps il attrapa son assaillant à l’aide de sa queue, à la manière d’un boa. Là, il ne fit pas dans le détail. Ramenant sa proie vers lui en le lacérant avec sa queue barbelée, il lui trancha la tête d’un coup de glaive sous les yeux ébahis du baron. Le démon vaincu disparut à son tour. Seuls Livius et Javorlnax étaient présents dans l’Arène. Malgré la stupeur qui était la sienne de voir disparaître si facilement son garde du corps, le baron décida qu’il ne fallait pas perdre de temps et chargea Livius, sans aucune arme, mais visiblement certain de sa victoire. Cornes en avant, Livius chargeait son ennemi de son côté. Alors qu’ils étaient à deux mètres l’un de l’autre, un sourire pervers apparut sur le visage de Javorlnax. Ce même sourire disparut avant même le contact, remplacé par une peur indescriptible. Et alors que Livius atteignait sa cible, les cornes du démon de combat transperçaient le baron de Beleth qui disparaissait à ton tour.
Livius était manifestement surpris de la facilité avec laquelle il avait terrassé le baron. Alors que les questions venaient à lui, Vlek réapparut.
"Suis-moi Livius. Tu auras des réponses à tes questions."
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Enfer, peu de temps après la victoire de Livius sur Javorlnax, en l’an 106
Le baalite ne se fit pas prier et suivit le Capitaine. Ils arrivèrent dans une pièce confortable ou Javorlnax attendait, à genoux les bras dans le dos. Vlek lui balança un coup de pied au visage.
"Hors de ma vue larve, va accomplir la tâche qui t’a été assignée."
Javorlnax quitta la pièce les yeux plein de haine sans ajouter le moindre mot. Devant le regard interrogateur de Livius, Vlek prit la parole.
"Tu l’as vaincu. Il a perdu son grade. Il est même devenu familier pour être plus précis. La Noire Administration a décidé qu’il serait judicieux de lui faire gouter à ce qu’il t’a fait subir. Ce démon était mon supérieur, mais un incompétent notoire qui n’a jamais mis les pieds sur le terrain et qui a passé son existence à prendre des décisions stupides, dont les punitions qu’il t’a infligées. Il était bien soutenu, mais cette époque est révolue. Tout comme tu n’étais pas au courant de l’intégralité de la mission que nous avons accomplie ensemble, il ne savait pas que tu avais parfaitement rempli ta part…"
Livius parut troublé par ces révélations.
"Tu veux dire que la Noire Administration lui a retiré ses pouvoirs pour que je puisse le vaincre et a ensuite saisi l’occasion de sa défaite pour lui faire perdre son grade ? Bien fait pour ce chien."
La même lueur malsaine brillait dans le regard des deux démons alors que Vlek reprenait la parole.
"C’est bien ça. De plus j’ai pris sa place. Je suis désormais Baron des cauchemars."
Il fait flasher son aura de Baron.
"Par conséquent, c’est toi le chanceux qui a un allié bien placé à présent."
"Alors raconte-moi ce que j’ignore Baron Vlek. Maintenant tu dois en avoir le droit."
"Effectivement démon Livius. Car oui, tu n’es plus familier à présent. Tu as récupéré tes pouvoirs et tu es de nouveau un démon mais tu n’as pas récupéré ton statut de chevalier. Les deux choix que tu avais étaient les suivants : te venger, ou retourner à Rome et récupérer ton grade. Tu as choisis la vengeance…"
Livius sourit.
"Tu savais quel choix je ferais n’est-ce pas, c’est pour cette raison que tu as d’abord parlé de la vengeance."
"Effectivement. Par contre, tu ne pourras plus t’incarner avant longtemps, très longtemps… Maintenant que ces formalités sont réglées, je vais te donner toutes les informations au sujet de la mission que nous avons parfaitement accomplie. Je tiens à te rassurer, tu as bien vaincu Maximus. Un magnifique combat Livius, magnifique…"
Le démon de Baal pose un poing serré sur sa poitrine et incline la tête en signe de remerciement.
"Merci Baron. Je suis impatient de tout savoir."
"Bon tu sais déjà tout jusqu’au moment où nous avons aperçu le roi Décébale. Enfin, presque tout… L’ordre exact de notre mission était de faire en sorte que les Daces ne deviennent pas chrétiens. Nous savions que les anges avaient infiltré leurs rangs pour les évangéliser et nous voulions absolument éviter cela. C’est pour cette raison que tu devais tuer Décébale qui se laissait petit à petit convaincre par les arguments de certains anges faisant partie de son entourage. Pourquoi toi ? Nous savions qu’il serait protégé par un ange aux talents martiaux exceptionnels, et il nous fallait son alter ego démoniaque."
A ces mots Livius sourit, certainement content qu’on ait pu qualifier ses talents martiaux d’exceptionnels.
"J’étais content de mon choix quand j’ai découvert que Maximus serait ton ennemi. Il existe peu de chevaliers capables de la battre. Tu as fait du bon travail, même s’il t’a fallu sacrifier ton incarnation. Lorsque nous avons vu Décébale sur le champ de bataille, j’ai compris quelque chose que j’ignorais jusqu’alors. Décébale n’existait plus ! C’était Maximus qui avait pris sa place grâce au pouvoir de polymorphie. Je l’ai vu lorsqu’un autre ange, sous les traits de Maximus s’est penché à l’oreille du faux Décébale. Il n’avait pas du tout le même regard, bien qu’il soit parvenu à imiter le sourire."
A nouveau Livius coupa Vlek.
"Tu n’aurais pas pu m’accompagner et me donner ces informations avant ma rencontre avec Maximus ?"
"Crois-moi, je souhaitais t’apporter mon aide, mais ma part de la mission m’occupait à toute autre chose et je suis arrivé sur la fin de votre combat… Lorsque je suis arrivé, tu luttais face à Maximus transformé grâce à la colère divine et j’ai pensé que tu échouerais. Mais il restait encore deux anges que tes compagnons, tous disparus, n’avaient pas pu abattre et il m’a fallut m’occuper d’eux, pendant que ton combat avec l’Ami de Georges se terminait. Les deux anges étaient épuisés et j’ai pu en disposer facilement."
Livius semblait passionné par le récit que lui faisait le nouveau Baron.
"A partir de cet instant, j’ai à mon tour pris l’apparence de Décébale pour entamer le processus inverse de ce qu’avaient accompli les anges, étant donné que nous les avions chassés de la ville. Grâce à ma position de roi des Daces, je faisais en sorte que ce peuple oublie la religion chrétienne, ou qu’au minimum ils en aient tellement peur qu’ils ne se tournent jamais cette religion. Cela me prit de longs mois, mais je parvins à les remettre sur la voie de leurs dieux païens et je parvins à les convaincre que les romains souhaitaient les convertir au christianisme par la force. Alors les ordres que l’on m’avait donnés se précisèrent. Il fallait que Décébale disparaisse de telle sorte que les Daces maudiraient les romains et les chrétiens. Je parvins à convaincre les Daces ainsi que leurs alliés que le soulèvement contre l’envahisseur romain était la meilleure solution, déclenchant ainsi une seconde guerre avec l’Empire Romain. Alors que les romains remportaient leurs victoires et assiégeaient de nouveau Sarmizegetusa, je mis en scène la fuite et le suicide de Décébale préférant mourir que finir converti et romain. Ce suicide a eu lieu il y a quelques jours seulement…"
Vlek sourit d’un air malsain, visiblement très satisfait. Livius, lui, ne put s’empêcher de poser une question au Baron.
"Et les anges ? Ils n’ont pas cherché à reprendre le contrôle ?"
"Je ne sais pas vraiment. Il est possible qu’ils aient envoyé quelques uns de leurs éléments les plus extrémistes afin d’éradiquer les mécréants comme ils aiment à le dire. Ce qui ne serait pas impossible, étant donné la facilité avec laquelle les romains ont vaincu. Quoi qu’il en soit, notre mission est terminée. Et quels que soient les évènements qui vont suivre, ça ne profitera certainement pas aux anges."
Les deux démons éclatèrent de rire, détendus et satisfaits. Livius était visiblement heureux de retrouver son Capitaine devenu Baron et de savoir que sa mission, au final, était une réussite. Ils échangèrent un long regard et c’est Vlek qui brisa le silence.
"Je vais devoir te laisser. Nous nous verrons souvent je le pense."
Livius parut surpris.
"Vraiment ? Que ferait un baron, très certainement occupé en permanence, avec un simple démon sans grade ?"
Le baron se tourna et se dirigea vers la sortie. Sur le pas de la porte, dos à Livius, il répondit au baalite.
"Vérifier que l’Arène qu’il lui a confié pour la supervision de l’entrainement des troupes démoniaques et la punition des démons particulièrement inutiles fonctionne bien…"
Et le Beleth quitta la pièce sans un mot de plus. Le sourire qu’affichait Livius indiquait clairement que ses nouvelles perspectives d’avenir l’enchantaient bien plus que les quelques années qu’il venait de passer en tant que familier.
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