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[Valentine] - Mémoires d'une jeune fille blessée
#1
[glow=red,2,300]EDIT:[/glow]   Ah, j'ai oublié la musique, et M. Nadir a posé réclamation. Ne me souvenant plus de ce que j'avais pu mettre à l'époque, j'ai choisi une autre B.O., valable pour les deux premiers morceaux du journal de Valkyrja.
Bonne écoute/lecture!

Quote:A dix-sept ans, on ne s'attend pas à mourir. On pense aux garçons, au shopping, aux copines. On ne pense pas à la Mort. Pas à la nôtre, en tout cas.
Moi, si. Comme beaucoup d'autres jeunes filles, j'étais animée de ce romantisme morbide, mélangeant sans vraiment le vouloir mythes, légendes, réalité, fiction, et littérature.
Comme beaucoup de jeunes de mon âge, je mélangeais tout cela dans une sorte de grand sac, de la même manière qu'on se sert de son sac à main comme vide-poche.
Et je me disais "Gothique".

Moi qui passais mon temps dans les cimetières, regardant ces caveaux familiaux d'un œil attendri, pensant à tous ces couples unis par delà la mort, je ne me doutais pas que la Faucheuse m'attendait par un beau soir d'automne dans ma propre chambre.

Et qu'elle était belle!
Les traits de mon meurtrier resteraient à jamais gravés en mon âme, bien que son nom se soit envolé avec les anges...
Sans même savoir pourquoi, je m'étais abandonnée dans ses bras, lui donnant ce que je considérais alors comme le bien le plus précieux que j'avais. L'instant était tel que je l'avais rêvé, tant de fois: doux, lent et merveilleux.

Sur le moment, je n'ai pas compris pourquoi je mourais. En plein essor vers les cieux, me jurant que cet instant durerait pour l'éternité, c'est comme si l'univers entier s'écroulait sur moi, se dérobait sous moi.
La Chute. Ultime moment de terreur alors que j'allais atteindre la Félicité.


Pourquoi y repenser désormais, alors que je sers en Enfer,
Mes espoirs de jeune fille ruinés, et dans la bouche ce goût amer?

Eden, pourquoi n'as tu pas voulu de moi, qui ne voulait qu'être un Ange?
Quelle sorte de Monstre étais-je donc pour que l'on me laisse en la Fange?

Finalement, je sers le Mal et Satan...
Je suis devenue ce dont je rêvais tant...
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#2
Quote:L'Enfer, voilà ce que sera mon existence, désormais.
Immortelle, la vie n'a plus la même saveur. Les petits plaisirs que je pouvais avoir, comme manger une glace au bord de l'eau, ne me font plus vibrer.

Pendant quelques semaines, j'ai eu du mal à faire la part des choses, à accepter ce que j'étais devenue.
Servir le Prince des plaisirs n'est pas chose aisée, lorsqu'on a encore ses remords.
Lorsqu'on sait que l'on est maudite à jamais, et que l'on est seule, désormais.

J'ai brisé les deux seuls réels interdits, en moins d'un mois.

Je devenais folle. Mes protecteurs partis, que me restait-il, à part ce bar désaffecté?
Ne voyant aucun avenir dans cette existence, j'en ai cherché un dans la précédente...
Revoir ma famille. Revoir ma petite sœur, mes parents.
J'ai pris congé, prétextant un voyage à l'étranger, pour prendre des vacances. Un mensonge de plus ou de moins, peu importait.

Comme ils avaient changé... Mon père s'était amaigri, n'était plus que l'ombre de lui même. Ma mère l'avait quitté, avait déménagé, loin.
Quant à ma petite sœur... Elle était devenue une belle adolescente, la copie exacte de celle que j'étais.
Je suis restée une semaine à les regarder vivre. Ou faire semblant.
Dès que mon père partait travailler, à l'usine, pour prendre son poste de nuit, ma sœur faisait une sorte de rituel pour invoquer mon esprit, discuter avec moi.
Son oui-ja ne bougeait jamais, évidement. Mais elle persistait, cherchait à perfectionner sa mise en scène.

Spectacle déchirant d'une famille détruite. C'est à cet instant que j'ai compris que mon amant meurtrier n'avait pas fait que me tuer, me priver de ma jeunesse et de mon insouciance. C'est toute ma famille qu'il avait anéanti.

Le dernier soir, en écoutant ma sœur pleurer de désespoir, en m'appelant à l'aide, j'ai décidé de lui apparaître, telle que j'étais. Qu'aurais-je pu faire d'autre?
Partir et la laisser ainsi n'aurait pu qu'achever de nous détruire toutes les deux.
La revoir après tout ce temps, me ressembler autant, d'aussi près, me fit pleurer. Lorsqu'elle avait ouvert la porte et m'avait vue, sur le pas de la porte de ce qui fut mon foyer, j'ai cru la terrasser d'émotion.

Il y a une différence entre exorciser son chagrin dans un rituel pour invoquer un esprit, et avoir une personne morte depuis des années devant nous.
Même si le corps que j'occupais désormais n'était pas le mien, j'essayais de tout faire pour retrouver mon doux visage et mon style vestimentaire.
Une chance que mon hôte ait été féminin...

Nous restâmes quelques instants l'une en face de l'autre, sans rien dire ni bouger, à affronter l'ouragan d'émotions qui envahissait nos cœurs, nos âmes et nos esprits, avant de nous prendre dans nos bras, comme si ce geste fut évident et naturel...
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#3
J'ai pensé à la musique, cette fois...

Quote:Rien ne vaut la douceur d'un foyer, surtout lorsque l'on en a été privée. Même s'il ne restait pas grand chose de celui-ci, à mes yeux, il était mon bien le plus précieux.

Ma sœur et moi avons parlé pendant des heures et des heures, me regardant avec des yeux exprimant une joie mêlée de crainte et de fascination. Après tout, le seul - à sa connaissance - qui soit mort puis ressuscité avait posé les bases d'une religion deux fois millénaire...

Je décidais alors de lui déballer tout ce que je savais. Lui parler du grand jeu. Lui dire ce qu'il y avait, dans l'après. Que nous n'étions que des jouets dans les mains de deux puissances qui s'affrontaient, et que nous n'aurions pas le choix, tôt ou tard: servir l'une ou l'autre.
L'interdit le plus absolu, je le piétinais sans aucun remord. Bien qu'elle en fut très troublée, elle ne me montra pas la folie qui la gagnait peu à peu.

Je n'avais pas compris, avant qu'il ne fût trop tard, quel était le calvaire de ma petite sœur.
La mort lui semblait la seule échappatoire, et paradoxalement, l'espérance en la Mort lui permettait de vivre avec ses secrets inavouables et ses souffrances silencieuses.
Avec le recul, je me dis que j'aurais dû le voir, que j'aurais dû le comprendre.
La culpabilité a beau me ronger, je sais, pourtant, que je n'aurais pu faire autrement.

Je partais avant le retour de mon père, voulant le ménager. Me revoir, après toute une nuit de travail à la chaîne, n'amènerait sûrement pas le genre de résultat que j'espérais.
Je les laissais tous les deux, malgré les suppliques de ma chère petite sœur, et passais la journée à flâner, le cœur battant, imaginant mes retrouvailles avec mon père.
L'espoir de former à nouveau une famille, d'être assez forte pour les protéger contre "eux".

Je retournais chez moi, discrètement, sous l'apparence que j'avais lorsque j'étais encore humaine, usant de mes pouvoirs infernaux dans un but qui n'était pas permis.
Rentrant avec la clé que m'avait donnée ma sœur, insouciante, jamais je n'aurais pu imaginer voir ce que je verrais.
Pas chez moi.
Pas mon père...
Immobile sur le seuil, je pris conscience que le Destin m'avait une nouvelle fois joué un de ses tours cruels. En voulant ménager mon père, j'avais peut être pris une vie...

Ma sœur gisait sur le sol, presque nue, jambes dans  une position qui ne laissait planer aucune équivoque quand à ce qui lui était arrivé.
Son œil tuméfié, ses poignets marqués par une poigne démesurément forte, je savais ce qu'elle avait subi.
Terrifiée, j'ai un moment cru qu'ils m'avaient rattrapée, avaient appris ce qui s'était passé, et m'avaient punie pour ma folie.
Mais ce n'était pas ce que j'imaginais.

Mon père arriva au même instant, attiré par le bruit. Sa bouteille de whisky bon marché était presque vide, mais il continuait à la boire, malgré son état.
Que mon père ait été alcoolique, je l'avais toujours soupçonné. Que mon père ait pu devenir un de ces porcs profitant de son emprise sur sa fille pour en faire son esclave, sa chose...
Jamais je n'aurais su le dire.

En me voyant, il lâcha sa bouteille, surpris. Bien qu'il ait été nu lui aussi, que sa fille était sur le sol, inconsciente, et que celle qu'il pensait avoir perdue était de retour, la seule chose qu'il fit, fut de se précipiter sur moi.

Je n'eus même pas le temps de me retourner pour fuir qu'il était déjà sur moi m'agrippant avec sauvagerie, m'entraînant sur le sol, pour me faire à moi ce qu'il avait fait à ma chère petite sœur.
J'ai toujours été faible. Je ne pus l'empêcher de me faire ce qu'il lui avait fait, même en le frappant, en me débattant.
Je compris sans mal d'où venait l'hématome sur le visage de ma sœur lorsqu'il me frappa de son poing, pour me dissuader de continuer à me débattre.

Entre éveil et songe, je ne pouvais que le sentir faire de moi ce qu'il voulait, sans même pouvoir bouger un bras. J'espérais qu'elle n'avait pas vécu ça, qu'elle était tombée dans l'inconscience la plus totale.
Mais même immobilisée, à demi-inconsciente, je pouvais encore le punir.
Lui faire payer son Crime.
Le tuer de la façon dont j'étais morte.


Ma sœur était morte, le crâne fracassé, et j'avais tué son meurtrier, après en avoir été sa victime également. J'avais tué mon père, de la façon dont on m'avait tuée.
Je restais dans le noir pendant plusieurs heures, sans rien pouvoir faire d'autre que pleurer, avec le corps de celle pour qui j'étais revenue dans les bras.
Sentir sa chaleur se dissiper, son corps se raidir peu à peu, se recroqueviller sous l'effet de la Nature lorsqu'elle meurt, fût la pire épreuve qu'il m'ait été donné de traverser.
Mon seul réconfort fut de me dire qu'elle avait été tuée par un corrompu, et irait probablement au paradis. Et que peut être, un jour, nous nous reverrions.
Je fouillais dans ses affaires, à la recherche d'une photo, de quoi que ce fut pour me permettre de me rappeler des bons moments, et non de ce cauchemar.
Et je tombais sur son journal. Le genre de journal que l'on ne tient que lorsque l'on souffre, et que l'on doit le faire en secret.
Ses souffrances seraient les miennes, désormais.

Je quittais la maison, la transformant en bûcher funéraire, abandonnant définitivement ma vie d'auparavant.
Tout était mort, corrompu. Il fallait que je me venge, quand bien même cela fut inutile.
Faire payer celui que je jugeais la cause de tout ce qui s'était passé.
Tuer mon premier amour, mon premier amant.
Mon premier assassin.

[glow=red,2,300]EDIT:[/glow] j'ai pensé à la musique, mais c'était pas la bonne...  :mrgreen:
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#4
La musique, et c'est vraiment la bonne cette fois, pas de blagues, promis.

Quote:Assise dans l'herbe, face à mon ancienne existence qui flambait, partait en une noire fumée vers les cieux...
Si je n'avais pas autant pleuré, anéantie par le chagrin, l'image aurait pu être poétique.
La suie de mon existence et de celle des miens allait salir les cieux, le jardin d'Eden, comme pour les punir de m'avoir laissée pourrir en Enfer...

Mon premier père m'avait donné la vie.
Un autre était arrivé, et m'avait donné la mort.
Et voilà que je la donnais à mon tour à celui qui m'avait tenue dans ses bras alors que je n'étais encore qu'une enfant.
Oubliés, les instants de liesse.
Incinérés, les moments de bonheur.


Je faisais et refaisais le serment de faire payer à ce "père" qui m'avait faite démoniaque.
Je me le répétais comme un mantra pour m'empêcher d'aller me suicider, chose absolument inutile puisque j'étais immortelle.
Drôle de complexe d'œdipe...


Je quittais les lieux aux aurores, alors que le feu était maîtrisé par les pompiers. Il ne resterait rien, de toute façon, dans les décombres.
Serrant le carnet de ma sœur contre moi, je courais, jusqu'à ce que mes muscles ne soient plus qu'un brasier insoutenable.
Et j'ai couru, encore.
De l'acide sulfurique dans les veines, les membres engourdis par la douleur et les crampes, je courais, encore, encore, encore, comme pour fuir le plus loin possible, semant mes larmes derrière moi comme la Mort sème des cadavres.


La traque avait commencé. J'allais, une nouvelle fois, tuer mon père.

Les jours qui suivirent, je rentrais à Immac. Reprendre les affaires en cours, travailler pour obtenir de quoi mener le combat qui s'annonçait.
Trouver son identité, soudoyer ceux qu'il faudrait. Je me déguisais en une petite succube abandonnée par son maître, pour espérer pouvoir tirer quelque chose du camp angélique.
Une piste qui ne menait à rien, comme toujours avec eux.

La tâche était impossible, je m'en étais rendu compte très vite. L'opacité des informations démoniaques était totale.
Je travaillais, officieusement j'étais le meilleur élément démoniaque d'Immac, avec une progression fulgurante. Ils mettaient ça sur le compte de mon ambition, que je voulais démesurée.
S'ils avaient su la vérité, j'aurais eu assez de charges contre moi pour passer renégate au moins 3 fois. Tuer les corrompus et les pervertis de mes camarades, pour être récompensée...
J'en aurais beaucoup rit si ma vie n'était pas devenue un drame hystérique comme on n'en trouve que dans les livres...

Convoquée plusieurs fois par les services d'Andromalius, j'ai pourtant réussi à dissimuler mes traces et les preuves de mes actes.
Le monstre de haine que j'étais devenue aurait fait peur à l'innocente jeune fille que j'étais auparavant. Mais peu m'importait, j'avais déjà perdu mon âme...

Celui qui poursuit la vengeance doit commencer par creuser deux trous.
J'ai cessé de compter ceux que j'ai creusé, et que je creuserai jusqu'à le retrouver.
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#5
Musique!


Quote:Adossée à ce saule, au bord de l'eau, j'ose enfin lire pour la première fois le journal de ma sœur.
Le lire vraiment, pas le feuilleter, regarder les fioritures qui ornent les pages, les petits cœurs roses, ou les araignées noires, selon l'humeur qui était la sienne au moment de la rédaction.

Sans vraiment grande surprise, ses premières pensées me sont adressées. Le temps a beau être à la chaleur et au ciel bleu, mon cœur est plus lourd que jamais.
Tout ce qu'elle n'a jamais pu me dire, l'amour qu'elle n'a pas eu le temps de me donner, tout est là, enfermé dans ces mots écrits d'une main tremblante et hésitante, contenu dans ces tâches d'encre et de larmes.
Ses regrets, ses pleurs...

J'ai beau savoir que ces mots ont étés écrits pour tenter d'exorciser la douleur causée par la perte d'une sœur, ces pages me bouleversent.
Un message par delà la mort, reçu dans ma nouvelle vie, alors qu'elle même est désormais de l'autre côté...
Entre les sanglots, j'arrive à sourire, en pensant aux mauvais tours joués par le Destin, à me dire que c'est désormais mon tour d'écrire un message d'adieu à ma petite sœur que je chérissais tant.


Partagée entre tristesse et tendresse, je poursuis ma lecture, découvrant avec tendresse, au fil des pages, une petite sœur devenant peu à peu adolescente, dont les rêves étaient les miens, au même âge.
Jusqu'à ce que je lise une page sur laquelle je bloque.
Obligée de la lire plusieurs fois, pour être sûre de ce que j'y lis, partagée entre l'horreur la plus indicible, et la stupéfaction la plus totale.
Je découvre que contrairement à ce que je pensais, mon père n'avait pas été perverti par le démon qui m'avait tuée.
Je découvre qu'Elyse, pour avoir percé à jour le secret de mon père, en est devenue la victime. Je comprends pourquoi elle me ressemblait tant, lorsque je l'ai revue...

Un meuble qui s'avachit, révélant un fond creux, dans lequel se trouvaient une dizaine de cassettes vidéo, des centaines de photos. Toutes me montrant dénudée, parfois nue, à diverses occasions.
Ma sœur les avait toutes regardées, à la fois heureuse de retrouver mon visage, et horrifiée de découvrir que notre père nourrissait des passions malsaines, qu'il n'osait assouvir que par procuration.
Puis l'horreur affermit son emprise sur elle... un cd-rom contenait quelques photos d'elle...

Des années avant que je ne sois assassinée, mon père était déjà un pervers. Un pervers qui prévoyait de céder à ses pulsions, peu de temps avant que je ne lui sois arrachée.
Le chagrin lui avait ôté ses fantasmes, pour un temps.


Le doute s'emparait de moi.
Et si mon père avait été perverti par un pouvoir démoniaque au cours de mon enfance?
Et si le démon qui m'avait assassinée et damnée à tout jamais m'avait finalement sauvée des griffes d'un autre être maléfique, bien trop humain celui-là?
Et s'il avait fait cela pour que nous soyons réunis pour l'éternité?


Je finis par rejeter en masse toutes ces pensées idiotes. Il ne l'avait pas fait pour me sauver. Il ne s'en doutait tout simplement pas.
Sinon, à n'en point douter, il se serait délecté de le laisser faire, et de regarder en riant, lorsqu'il le pourrait.
C'était bien ma mort qui avait causé la destruction de ma famille.
Et surtout, c'était ma mort qui avait poussé ma petite Elyse vers l'horreur qu'elle avait vécue à ma place.
Rien que pour cela, j'étais plus déterminée que jamais à la venger.
A nous venger toutes les deux...

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#6
Musique

Quote:Mon coeur s'arrêta de battre l'espace d'une seconde. Je mettais enfin un visage sur son nom.
Le même visage d'ange que celui qui m'avait fait tomber amoureuse, dans une autre vie.
Le temps avait fait son œuvre, indéniablement, le rendant encore plus attirant, plus fascinant. Devenu un homme, sa prestance et son assurance étaient encore plus visibles qu'auparavant.

Une idée folle traversa mon esprit, celle d'aller me blottir contre lui, de tout oublier, de le retrouver, tel qu'il était lorsque nous nous sommes rencontrés.
Vivre avec lui, immortels, amants pour l'éternité. Sentiment d'amour ennemi de la réalité, que je repoussais avec toute la Haine qui me hantait depuis des mois, accumulée larme après larme.

A nouveau, le masque de Némésis prenait place sur mon visage.
A nouveau, je n'étais plus cette créature démoniaque que j'étais devenue par sa faute.
Je redevenais simplement humaine, avec ce flot d'émotions incontrôlables, ces pulsions de meurtre.

Je laissais quelques jours cette ordure continuer à vivre, observant ses allées et venues.
Préparant ma vendetta, point par point, vérifiant le timing, pour qu'il soit parfait.

Puis vint le grand soir. Je m'habillais comme cette nuit là, celle où je suis morte. Je reprenais ce visage, comme s'il ne m'avait jamais quitté.
Il ne rencontrerait pas Valkyrja, la succube mélancolique, mais Valentine, la jeune fille emplie de haine.
Je préparais la seringue, les cordes de nylon, les crochets à viande.
Je volais une fourgonnette, et me mettais en place.
Tout était prêt, enfin.

Samedi soir.
Il était sorti, à la recherche d'une proie pour la nuit.
Un colt Python glissé dans le dos, canon dans le tissus de ma jupe, je grimpais sur le toit de la maison qu'il occupait, escaladant la gouttière.
Même si ma tenue ne fût pas très appropriée, mes capacités démoniaques me permettaient de ne pas m'en préoccuper.
Lorsqu'on a la souplesse d'un Ocelot, rien n'est impossible...

Je fracassais la fenêtre de sa chambre sans un bruit, en utilisant du chatterton collé sur la vitre pour éviter que les éclats ne tombent au sol, et me glissais chez lui, tout comme il s'était glissé chez moi.
Je fouillais dans ses affaires, à la recherche des trophées qu'il n'aurait pas manqué d'accumuler au fil des ans. J'en trouvais un coffre en bois rempli à ras bord.
Photos, sous-vêtements, mèches de cheveux, parfois des papiers d'identité, voilà ce qu'était son trésor de guerre. Exclusivement des jeunes filles, comme moi.
La Rage que je ressentis alors n'était plus la mienne, mais celle de toutes ses victimes qui réclamaient vengeance depuis la tombe.
Je devins l'égrégore de Haine de dizaines de ses victimes.


Il rentra trois heures plus tard, accompagné, comme je l'avais prévu, d'une jeune fille. Elle devait avoir quinze, seize ans, avait bu, ne tenait qu'à peine debout.
Je pense qu'elle ne se rendit même pas compte qu'elle tombait vers le sol avant que sa tête ne heurte le carrelage.
Elle ne dû même pas sentir le coup sur la nuque que je lui mis avec la crosse du revolver que je tenais.

Lui, en revanche, se rendit compte de tout. Me voir dût lui faire un choc, car il resta immobile juste le temps qu'il fallût pour que je lui loge une balle dans la rotule, manquant de lui sectionner la jambe en deux.
Voir ces deux morceaux retenus par un simple ligament de chair aurait pu m'arracher un haut-le-coeur si je n'avais pas été l'instrument de la vengeance de toutes ses victimes.
Me déplaçant à une vitesse impossible, sans lui laisser le temps de sentir la douleur de sa blessure, je lui plantais l'aiguille de tranquillisant dans la carotide, lui en injectant assez pour assommer un rhinocéros en rut.
Image qui, au final, n'était pas si éloignée de la réalité de cette créature...
Il s'effondra vers le sol en une lente chute contre laquelle il ne pût rien faire.


M'assurant que la jeune fille n'avait pas trop souffert, je la laissais sur le sol, assommée, pour m'occuper de celui qui occupait toutes mes pensées depuis des semaines.
Moins de cinq minutes s'étaient écoulées, alors que je quittais cette maison en traînant le corps derrière moi, laissant une longue trace de sang dans la maison...

La nuit s'annonçait longue, et j'avais utilisé plus de la moitié de mes réserves de pouvoirs.
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#7
La musique...

Quote:Dans ce hangar perdu au milieu de nulle part, la Nuit semblait figée pour toujours, le Temps avait suspendu son envol.
Seuls les hurlements du démon que je torturais brisaient le silence pesant.
Les pouvoirs de régénération de ce démon m'empêchaient de le tuer par inadvertance, et ce qui avait du être un avantage considérable pour lui se révélait être la pire des malédictions.

Essoufflée, je m'écartais de ma victime, pour contempler mon œuvre de vengeance.

Le corps qui me faisait face n'était plus qu'une plaie suintante de douleur palpable dans l'air chargé des effluves à la fois entêtantes et dégoutantes du sang qui séchait sur le sol.
Je restais fascinée par la capacité de régénération de ce corps possédé, mon couteau de combat poisseux et gluant à la main. Je regardais avec ce qui pourrait être de l'horreur les lèvres des plaies que j'avais moi même dessinées dans son corps se refermer lentement.
Un corps capable de se régénérer bien plus rapidement que le mien. Capable d'endurer bien plus de douleur que je ne le pourrais jamais.

Ce tas de viande putrescente qui se balançait, suspendu par deux crochets de boucher plantés sous les omoplates et dont les boyaux pendaient au sol me fit vomir. Cette torture qui au départ m'avait tant et tant libérée m'était devenue insupportable, une torture pour moi même.
Quelque part au fond de moi, il restait une part de sensibilité, de faiblesse, peut être, mais qui me permettait de me sentir encore un peu humaine.
La compassion que j'éprouvais pour ce démon me fit douter, une fois de plus, du bien fondé de mes actions. Je rêvais de le décrocher, de le serrer contre moi, d'embrasser chacune de ses plaies.

Je secouais la tête, chassant de mon esprit ces pensées perverses. Il savait, comme moi, que c'était la dernière arme qui lui restait. Mais comment pervertir plus une âme déjà corrompue jusqu'à l'anéantir complètement?

Je lâchais mon couteau sur le sol, épuisée mentalement par les tortures que je lui avais fait subir. Le couteau avait rejoint le chalumeau qui m'avait été inutile, ainsi que la tronçonneuse et les câbles électriques.
Lorsque j'avais utilisé le chalumeau, il avait rit, malgré la douleur de ses côtes ravagées par les crochets. Immunisé au feu, il s'était largement moqué de moi, qui ne savait rien de lui, pas même son nom.
D'un air de défi, il m'avait craché un caillot de sang au visage en même temps que son nom démoniaque. Semaëlon... Il avait cependant moins rit lorsque j'avais lâché le chalumeau pour la tronçonneuse...

Le démon que j'avais face à moi aurait pu être mon frère jumeau, tant je savais ce qu'il pensait, ce qu'il était, ce dont il était capable.
Ses pouvoirs, comme les miens, étaient tournés vers la survie, subtils et suscitant attirance et sympathie de la part de ses victimes.
Pourtant, à la différence de cet être abject, j'avais conservé en moi une part de celle que j'étais avant de devenir cette... chose... infernale.

Semaëlon gémit, au bord de l'inconscience. Son corps aurait guéri avant la fin de la journée, sans avoir besoin d'eau, de nourriture, ni même d'air.
Un corps préparé pour la survie, comme s'il avait eu peur de devoir abandonner la vie à nouveau. Ses pouvoirs, si durement acquis depuis tant de décennies, devenus paradoxalement sa perte.

Je fis tomber ce démon au sol, défaisant les chaînes, qui crissèrent et cliquetèrent dans la poulie dix mètres plus haut. Le choc fut sourd, net, humide.
Semaëlon rampait au sol, cherchant désespérément à atteindre les crochets dans son dos, avec ce qui lui restait de ses mains.
Étalé au milieu de ses boyaux baignant dans une mare de sang, il essayait encore de lutter pour survivre et s'enfuir. Mais j'avais tout préparé avec minutie.

Je n'avais plus aucun plaisir à torturer cette créature, mais je voulais continuer. Ma Haine envolée, assouvie, ne m'était plus d'aucune aide. Mais il fallait que je l'achève, pour que jamais il ne puisse parler, me dénoncer.
Je le tirais par les cheveux jusque dans la fosse qui servait à vidanger les véhicules agricoles, et l'y précipitais. Sans savoir pourquoi, je pensais à Lucifer et à Dieu, le précipitant dans l'Abîme...

Les gémissements qui provenaient de deux mètres plus bas me firent pleurer, m'aveuglèrent jusqu'à ce qu'enfin, les larmes se mettent à couler. Je n'avais plus qu'un levier à abaisser, et tout serait fini.
Le remord rongeait déjà mon esprit, à l'idée de ce qu'il allait endurer. Peut être mourrait-il dans les minutes, les heures, les jours qui allaient suivre. Peut être vivrait il là dessous pour l'éternité, enfermé à jamais.
La douleur que j'avais ressenti, celle de mes proche, valait elle celle que je lui réservais?

En repensant au visage d'Elyse, ma petite sœur, et à toutes ses victimes innocentes, je fus prise de vertige, de nausée, secouée par des spasmes nerveux. Je vomis plusieurs fois...
Abattue par la douleur et la fatigue, je cherchais un appui, sans voir où je mettais les mains. Caprice divin ou du Destin, ma main se posa sur le levier qui commandait le mécanisme de déversement du béton qui tournait dans la bétonnière depuis déjà des heures au bord de la fosse.
Sans que je ne puisse rien y faire, je regardais avec horreur les quatre mètres cubes de ce qui allait devenir une pierre aussi dure que le granit engloutir la pauvre créature en contrebas, l'écrasant sous son poids.

Je m'effondrais sur le sol, le long d'un pilier, hébétée. Je ne sais combien de temps je restais là, sans penser à rien, choquée.
Le ciment avait assez durci pour que je marche dessus lorsque je quittais les lieux, abandonnant tout ce que j'avais préparé depuis une semaine.
Je devais encore me débarrasser de la bétonnière en la précipitant dans le port.

Ce n'est qu'alors que mon corps me trahit, que les courbatures de tous ces efforts se firent ressentir.

Dans les journaux, ils parleraient d'une agression au domicile d'un jeune homme, alors qu'il était accompagné d'une adolescente fugueuse.
D'un jeune homme qui avait disparu depuis lors, et que l'on recherchait activement après avoir découvert chez lui un coffre rempli d'effets personnels appartenant à des adolescentes décédées au cours des deux dernières décennies.

Dans la gazette locale, on pourrait aussi lire le récit d'un entrepreneur de travaux publics au bord du gouffre financier, après la disparition d'une bétonnière chargée, destinée à un chantier de rénovation et de consolidation de la vieille ville d'Immac-sur-Sable qui avait déjà pris beaucoup de retard.

Mais jamais personne ne saurait que quelque part en Enfer, on déclarerait renégat le démon Semaëlon, chevalier d'Andréalphus, pour absence du service actif et désertion.
Personne, sauf moi, seule à connaître l'endroit où il reposait pour toujours, prisonnier d'un bloc de béton. J'étais enfin vengée, et avec moi, toutes ses victimes.

Une vengeance au goût amer, au sentiment d'inachevé.

Ce soir là, c'est une coquille vide qui rentra à Immac, et resta deux heures sous la douche, comme pour que l'eau emporte avec elle cette vie qui désormais n'avait plus lieu d'exister.

Enfin, Valentine pouvait reposer en paix... Peut être.
Seule restait [shadow=red,left][glow=red,2,300]Valkyrja[/glow][/shadow].
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