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South Central
#1
La ruelle était plongée dans une obscurité quasi-totale, à peine percée ça et la par les éclats maladifs d’étoiles agonisantes qui peinaient à éclairer ses deux seuls occupants. Une femme et un enfant, noirs comme la nuit, qui remontaient la ruelle d’un pas nonchalant.

Elle était maigre et petite, avec de longues tresses tombant sur un visage aussi quelconque que le reste, à l’exception de l’énorme cicatrice qui lui barrait la gorge, et l’absence d’iris tangibles dans son regard. Ses vêtements n’était plus de première fraicheur, à l’exception d’un pantalon rouge vif et de plusieurs colliers semblables à des chapelets qui lui enserraient le cou.
Il n’était pas plus grand, et ne semblait pas faire plus de 12 ans, avec ses joues joufflues et son regard de bébé boudeur. Il portait des habits trop grands pour lui, rapper de pacotille, et arborait lui aussi une veste d’un rouge profond.

« Faut les buter, ils essayent de nous bouffer notre zone. Batards de Crabs, jamais ils arrêtent. O.G. il a dit qu’il fallait faire un exemple, tu me suis? »

Etrangement, c’était bien la voix enfantine qui avait résonné dans le silence ambiant, et le regard du gamin ne reflétait pas une once d’innocence, mais bien une rage déterminée. Young B., c’était son surnom, n’était pas à vraiment parler un enfant de chœur. Une facétieuse administration infernale avait juste jugé bon d’incarner un des plus violents capitaines de Baal dans le corps d’une crevette pré pubère.
La femme hocha la tête sans mot dire. On ne discutait pas avec un gradé, et la démone de Furfur n’avait pas vraiment de raisons de s’opposer à ce qui constituerait le divertissement de la soirée.

«Putain, pourquoi tu dis rien, connasse! »
« Parce que la rue intime le silence. Impérieuse, elle veut du sang, la princesse de ... »
« Non, en fait, c’est bon, boucle ta putain de gueule. »

Young soupira. Lil’Aliyah ne racontait la plupart du temps que des conneries incompréhensibles, camée et mystique qu’elle était, avec ses conneries vaudou qui faisait tant flipper les gars des quartiers. Et le pire, c’est qu’il avait l’impression qu’elle était sérieuse, sur toute ces conneries de rues qui parlent et de vision de l’avenir. Une pauvre démone tarée, voila ce qu’elle était.
Ils remontèrent la rue sans se presser, avant de stopper au coin. Le gamin passa sa tête pour observer le terrain et renifla de dégout.
De l’autre coté de l’avenue, à une trentaine de mètre, cinq autres jeunes black trainaient sur un perron, s’approchant de temps en temps d’une voiture qui venait à stopper devant eux. Ils dealaient. Pas dans la bonne zone, et pas avec la bonne couleur : ils arboraient tous le bleu caractéristique des Crips, le gang rival des Bloods et son ennemi juré le plus mortel.

« Bon, on s’approche en profitant des zones d’ombres et des bagnoles pour se planquer. Je vais les dépasser et les prendre à revers. Mets tes gants »

Le gamin partit après avoir chargé un flingue qui semblait énorme dans ses minuscules mains, trottant discrètement, courbé. Aussi furtif qu’un chat, il dépassa le groupe de Crips et se planqua derrière une américaine familiale bon marché.
Lil’Aliayah fit claquer la culasse de son arme en baillant, puis fonça droit vers sa cible, 9 mm à la main. Arrivé à une quinzaine de mètres des dealers, l’un d’eux l’aperçut enfin et se mit à hurler. Sa gorge explosa en une gerbe rougeâtre une seconde plus tard alors que claquait la première détonation. La démone leva son arme et vida son chargeur sur les gangbangers médusés. Deux d’entre réussirent à sortir leurs calibres et ripostèrent tant bien que mal avant de se faire cribler de balles.
Au bout d’une dizaine de secondes, le silence revint. Cinq corps ensanglantés jonchaient désormais la rue, inanimés. Le gosse s’approcha d’eux, un sourire mauvais aux lèvres, et leur mit à chacun une balle dans la cervelle.

« Bande de pédales ! »

Au loin, les première sirènes de police se firent entendre, mais les forces de l’ordre arriveraient trop tard. Ils auraient déjà disparu, les armes ne tarderaient pas à faire de même et le quartier entier entonnerait en cœur le même refrain.
Ils n’avaient rien vu, et rien entendu.
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#2
"Any problem I got I just put my fist in"
Colors, Ice T, 1988



"Ce bâtard de Weeds essaye de nous baiser, boss."

Young n’avait pas changé. Surréaliste, avec ses fringues exubérantes et son visage de poupin, une énorme batte en acier dans ses mains, le démon faisait les cents pas dans l’entrepôt, faisant swinger son arme de rage de temps en temps, comme pour démolir la mâchoire d’un enfoiré de crabs imaginaire.

"Il respecte pas les accords. Ce fils de pute tente de s’étendre sur Cedar. Faut faire un truc."

Un crachat furieux vint terminer le brillant exposé. B. adorait cracher en toute occasion. Une sorte de ponctuation, pour un gamin qui ne mâchait jamais ses mots. Il se tut, laissant ses interlocuteurs réfléchir sur ses paroles pleines de bon sens, qui sous entendait une entrée en guerre et un bain de sang généralisé dans les quartiers.
L’un d’eux se leva. Immense et musculeux, il avait une carrure impressionnante sans pourtant sembler le moins du monde lourdaud, et tenait « l’art de la guerre » de Sun Tzu à la main.

"Il a raison, qu’on en finisse."

Samedi, bifrons doté d’un esprit éclairé, n’était pour autant pas un pacifiste dans l’âme, et si il y avait une chose qu’il adorait plus que se cultiver, c’était de cogner sur des gens. Personne n’osait d’ailleurs contester son goût pour la lecture, le premier qui s’y était risqué s’était fait arracher la tête à mains nues.

"Une guerre, ça serait mauvais pour le bizness…"
"Et mes filles pourraient pas tapiner. Autrement dit, oubliez les pipes gratos, mes chéris"

White, démon de Vapula féru d’économie de marché, s’occupait de toute la logistique nécessaire pour fournir le gang en arme et en came, ainsi que des avoir financiers de celui-ci, et ce depuis sa création. C’était un homme extrêmement sec, de taille moyenne, au visage dévoré par une barbe épaisse et qui détestait perdre le moindre dollar.
Pussy G., quand à elle, était un pur croisement entre une créature de rêve et une pute vulgaire. Un corps à se faire damner un saint, une attitude de maquerelle –et de fait, c’en était une- et une obsession complète pour tout ce qui touchait au sexe. Une Andréalphus, évidemment. Elle contrôlait la prostitution et une société de films pornos très lucrative au nome évocateur : « Sex Central Entertainement ».

Deux contre deux. Personne ne daigna regarder Lil’Aliyah, elle n’avait pas le droit de vote. Mais étrangement, le boss l’adorait. Et personne n’allait contester O.G, Grade 3 et souverain des Bloods de son état.
Enorme, massif, ombrageux, vêtu d’un élégant costume rouge vif, le chef avait écouté ses lieutenants en fumant un cigare, silencieux. Au final, la décision lui revenait d’office. Un sourire carnassier vint orner son visage.

Furfur avait eu l’idée géniale de placer les deux de ses subalternes qui se haïssaient le plus à la tête des deux gangs rivaux. Pour veiller à garder leur motivation intacte. Les résultats étaient spectaculaires.

"On part en guerre."
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#3
Le bâtiment est construit comme un bunker, une forteresse ignoble de béton armé au milieu du quartier le plus dangereux du monde civilisé. Urban jungle, man. One Eight Seven. Le code pour "meurtre". Le quotidien des flics de South Central.


"Putain mec j'lâcherai pas un putain de mot t'entends ? Y' pas moyen qu'je parle, putain de flic"


Le jeune afro-américain crache sur le sol de la salle d'interrogatoire numéro 4. Du sang séché forme une croûte immonde au coin de sa lèvre et sur sa paupière gauche. Les deux inspecteurs tournoient autour de leur proie comme des requins. Attiré par l'odeur du sang. Bloods.


"Y'a surement moyen de s'arranger, hein ? J'connais bien les branleurs dans ton genre. Genre gros caïd mais au fond t'as les boules comme des raisins secs là petit enfoiré hein ? T'as intérêt à te mettre à table si tu veux pas qu'on t'envoie à la Fédérale de Barstow tu vois ? Et tu sais qui crèche à Barstow ?"


Le visage du jeune noir se décompose littéralement à vue d'oeil à mesure que l'inspecteur du LAPD énonce la liste des détenus de la prison fédérale de Barstow, Californie.


"Big Pollock, Tim Washington, Joe Tualamba, Shark Johnson, LB, Goose Donald, Hilarious B.O.B. ...
- Putain de batards vous pouvez pas m'envoyer là ! Putain de fils de putes de flic c'est que des crabs ! Y'a pas...
"


Le poing de l'inspecteur Calloway vient cueillir le ganger à la pointe du menton et la force du coup projette celui-ci en arrière. Il retombe lourdement sur la chaise en métal froid qu'il a entraîné dans sa chute et grogne de douleur. Il est brutalement remis sur pieds et ouvre son oeil valide sur la figure effrayante du vieux flic, rouge et congestionnée.


"Putain de négro de merde on te tient par les couilles tu vois ? Oh putain t'imagines la tête de Dr Dogg quand il va te voir arriver, oh ouais il va avoir un sourire de gosse le jour de noël. T'as su comment il a buté Lil'snake et toute sa putain de famille ? Un par un, avec un putain de couteau de cuisine mec. J'ai un pote qui était de la patrouille qui est arrivée sur place en premier et mec j'te dis pas, il a faillit chialer comme une gamine quand il m'en a parlé. 20 ans de métier et il avait jamais vu ça. Y'avais même un morceau de...
- Ok ok putain de batards de flics, merde ! J'te dis pas moyen que j'aille dans ce putain d'enfer de crabs. J'veux une tôle correcte ok ? Pas de skins, pas de crabs, pas de putain de chicanos.
- Alors t'as plutôt intérêt à te montrer coopératif tu vois ? Tu nous parle du mec qui nous intéresse, on t'envoie au frais dans un joli palace ou t'es presque sûr de pas finir avec les organes internes en compote tellement tu te seras fait déchirer.
- C'est sur qui que j'dois balancer ?
"


Après un court silence c'est le deuxième inspecteur qui répond. Un type étrange, qui a pas moufté depuis le début de l'interrogatoire. Il a une petite chaîne en or avec une croix autour du coup. Et la branche verticale de la croix se termine en épée.

"Sur ton patron, jeune homme. Le Baron..."
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#4
Une maison comme les autres.
Ou presque comme les autres.

Un simple regard à la dérobée suffisait pour comprendre. Porte blindée, caméras, volets métalliques baissés en permanence, présence de guetteurs sur les toits environnants, la bâtisse présentait tous les symptômes d'une unique infection : la crack house.
Un virus sournois à la médication difficile, ses traces disparaissant toujours via la lunette des chiottes au moindre bruit de sirène. Le genre de problème insoluble dans l'eau, au contraire de la poudre, que le meilleur des spécialistes de fiction n'aurait pas pu guérir.
Désolé pour toi, Docteur Maison.


Mais Marcus savait.
Il savait que telle une peinture de Magritte, artiste qu'il ne connaitrait probablement jamais, cette crack house n'était pas une crack house. C'était une porte vers la quatrième dimension plantée en plein milieu d'Inglewood.

Elle habitait la.

Et logiquement, le lieu connaissait son lot de légendes urbaines. Disparitions, rituels, corps démembrés,et autres histoires macabres qui prenaient subitement corps une fois un pied posé sur le perron.
Il toqua.
Les secondes passèrent, interminables. Un grincement plaintif et voila qu'elle s'ouvre lentement sur un couloir obscur. Mauvais film d'épouvante des années 30.

Le couloir n'était éclairé que par quelques bougies rougeâtres qui rayonnaient vaguement, jetant leurs rayons étouffés sur les multiples colifichets qui recouvraient les murs. A pas mesuré, il se mit à avancer, détaillant d'un œil méfiant ossements, statuettes et autres babioles étranges qui décoraient les lieux.

"Viens"

Marcus ne peut s'empêcher de bondir. On lui avait susurré ça à l'oreille , pas de doute. Une voix sifflante et éraillée qui avait murmuré doucement, juste derrière lui, comme un mauvais courant d'air. Pendant plusieurs secondes, il crut ne contempler qu'un espace habité par ses propres peurs, avant de distinguer l'étoffe. D'un pourpre profond, elle masquait une porte discrète.
L'écartant, il pénétra dans la pièce comme on pénètre dans un bain glacé, sans plaisir ni précipitation.
Les vapeurs cocaïnées se jetèrent immédiatement sur lui, irritantes et âcres, alors qu'il tentait désespérément de distinguer les occupants de la place. La plupart somnolaient, étendus sur d'immenses cousins, les yeux tournés vers un Paradis artificiel qui fleurait bon la défonce chimique. Une cour des camés autour d'une Reine de la drogue qui trônait devant lui, confortablement installée.
Elle fit un simple geste et il sut qu'il était invité à prendre place. Elle ne prononça pas un mot, et il sut pourtant qu'il fallait se mettre à parler, ou finir dans une benne.

"Un de nos gars s'est fait coincé par les keufs. Genre discret et tout, voiture banalisée, agents en civil, la totale. Le type, je suis sur qu'il s'est fait choper pour un truc grave, un deal de dope supra chelou qui puait le piège à plein nez, et c'est pas le genre à avoir des tripes. Le gars, il va baver, pour sur."

Marcus stoppa, haletant, attendant la réaction de son interlocutrice qui ne parlait à vrai dire pas beaucoup. Elle lui tendit un carnet et lui demanda laconiquement d'y écrire tout ce qui avait de l'importance dans l'affaire. Il inscrivit tout ce qu'il savait. Soit à peu près tout. La rue savait souvent colporter les renseignements utiles plus vite qu'elle ne portait des balles.
Elle se leva, lui aussi, et sembla vouloir le raccompagner à la porte. Il fit l'erreur de lui tourner le dos. Sa nuque se brisa comme une branche morte. Personne ne pourrait jamais parler de cet épisode aux mauvaises personne, désormais.
Lil'Aliyah attrapa sa victime par les chevilles et la traina lentement vers la cave. Elle allait s'occuper de lui puis appeler son boss, qui transmettrait à qui de droit. Alors qu'elle descendait le cadavre au sous sol, un bourdonnement lent et régulier émergea des entrailles de celui ci.
Les frigos attendaient leur victuaille.
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