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L'ambiance était électrique, la tension presque palpable. Les deux sections de soldats nettoyaient leurs armes en silence. Cela faisait plus d'une heure que le 2e Classe Guilmin avait cessé ses blagues pour détendre l'atmosphère. Tous attendaient les nouveaux ordres.
La porte s'ouvrit, faisant se relever tous les regards.
- Ben alors ? Vous m'avez l'air tendus les gars.
Soupirs de toute l'assistance. C'était seulement Lila qui était de retour.
- Hé ben, moi aussi je suis contente de vous retrouver.
- Ils flippent de rencontrer le patron !
- Ta gueule Guilmin, et vérifies ton packetage.
Le Lieutenant Romero était le plus gradé de l'assistance, dépêché spécialement avec ses hommes pour cette mission.
- Oui, "Chef".
La nervosité de chacun commençait à prendre le dessus, et ça se ressentait sur le moral des troupes.
- Faites pas la tête, je vous ai amené quelques bières et des chips pour patienter.
- Je ne suis pas sûr que...
- Vous en faites pas Lieutenant ! repris Guilmin, S'il est pas encore là, c'est qu'on a encore pas mal de temps.
La porte se rouvrit à la volée sur une splendide Africaine d'une quarantaine d'années. Affublée d'un chemisier en satin gris, un pantalon en flanelle noire et une paire de baskettes.
Le 1ere Classe Cariou émis un long sifflement d'admiration.
- Sympa les chips !
Trop tard. Il comprit trop tard le regard en biais de Guilmin. Il comprit trop tard l'ahurissement de Lila. Sa gorge était serrée, sa bouche soudainement sèche, il n'arrivait pas à déglutir. Il remarqua que tous étaient déjà debout au garde à vous, et il en fit de même.
- Madame.. Je.. Heu..
La voix glaciale lui coupa toute envie d'excuse ou d'explication.
- Lila, ranges moi ce bazard immédiatement.
- Oui, Monseigneur.
- Lieutenant Romero ?
- A vos ordres...
- Monseigneur.
- A vos ordres Monseigneur !
- Suivez moi à côté, immédiatement.
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Serviteur des Porteurs d'Epée Dariel,
Vous êtes affecté a une mission spéciale.
Acquittez vous de toute obligation administrative et prenez le premier train en partence d'Immac-sur-Sable sur le quai B avec vos serviteurs.
Vous rejoindrez une équipe spéciale dont vous prendrez la tête. Plus de détails vous seront communiqués ultérieurement.
AD
Le message qu'il avait reçu il y a deux jours comportait le sceau des services de Didier. Le Gradé de Laurent avait aussitôt informé le Conseil Supérieur Angélique de son imminent départ. Après quelques recommandations , un rapport sur la dernière mission et une rapide annonce au Café, il était allé rejoindre ses serviteurs à la gare.
Le train était loin d'être complet. A vrai dire ils avaient presque un wagon pour eux cinq. Lila, la détective privé à son service s'était chargée de tout : billets, provisions, réservations de trois chambre d'hôtel à l'arrivée.
Il n'écoutait pas les discours nostalgiques et les regrets de ses serviteurs. Le train était loin d'être une flèche. Un train corail qui mettrait quatre heures à atteindre sa destination.
Dariel se demandait en quoi pourrait bien consister cette mission. Il espérait, sans trop de conviction, que ça n'ait aucun rapport avec ses talents de comédien hors pair, relativement nouveaux pour lui. Il se serait bien passé de cette tare, même si elle lui avait bien utile pour convaincre l'industriel de rallier ses plans.
Le voyage s'était passé sans encombres. Ils se rendirent au Sofitel à pieds et Lila erra en ville à la recherche d'un surplus militaire : mieux valait prévoir des habits de terrain pour tous plutôt que de compter sur la prévoyance toute relative de l'administration dans une ville aussi perdue.
Puis on l'avait contacté. Il devait retrouver un homme au restaurant de l'hôtel le soir même. Il en avertis ses troupes et s'y rendit sans attendre. Il n'y avait rien d'autre à faire de toute façon.
Un homme d'une trentaine d'années, l'air du cadre moyen, vint finalement s'assoir en face de Dariel, un sourire engageant aux lèvres.
- Je ne suis pas ici pour vous importuner, ma chère.
Une aura bleue de forte puissance entoura aussitôt l'inconnu qui souriait toujours.
Orgueuil.
La même aura entoura Dariel qui le fixait d'un air impassible.
Les deux s'étégnirent en même temps, laissant place à un silence pesant.
L'homme se racla la gorge et sortit un dossier de sa malette.
- Ravi de vous rencontrer. Vous trouverez tous les détails de la mission dans ce dossier. L'équipe lourde vous rejoindra à votre hôtel demain matin. Vous avez 6 jours. Mon numéro est dans le dossier en cas de besoin.
L'Ange de Laurent se contenta d'acquiescer en prenant le dossier.
- Parfait. Ce serait du gâteau.
L'Ange se releva, salua Dariel d'un signe de tête et pris le chemin de la sortie.
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- La mission, Lieutenant Romero, consiste à infiltrer une ancienne abbaye située en périphérie de la ville. Elle a été rachetée, Dieu seul sait comment, par une association, le "Consortium Hindouiste Athée", présidé par Olivier Salinsky. Il semblerait que ce dernier soit le démon fondateur de plusieurs sectes satanistes à travers le pays.
- Nous devons donc nous faire passer pour des personnes souhaitant rentrer dans leur ordre..?
La belle Africaine retira ses lunettes de soleil, révélant de magnifiques yeux violet pourtant aussi dur que de l'acier.
- Infiltration de nuit, extermination, récupération de renseignements. Vous avez du matériel lourd bien sûr ?
- Heu.. oui Monseigneur.
- Très bien. Préparez les hommes et le matériel. Que tous les packetages soient revérifiés avant ce soir.
- Nous ne faisons pas de reconnaissance ?
- Le dossier que l'on m'a fournit comporte bien assez de renseignements. Rompez Lieutenant.
- A vos ordre Monseigneur !
La porte se referma sur un Romero peu sûr de lui. Dariel repris le dossier qu'il avait posé sur la table et le feuilleta. Il ne comportait que trois pages : Les ordres de mission, une photo de Salinsky et un plan indiquant l'itinéraire par lequel se rendre à l'ancienne Abbaye.
Il referma le dossier en fronçant le nez et le rejeta sur la table. Après cette mission, il devrait se charger des services de surveillance. Il n'y avait aucune indication sur le nombre d'ennemis potentiels, combien seraient des démons, des familiers ou des humains. Rien non plus sur leur armement.
Il alla fouiller la penderie à la recherche de vêtements plus appropriés, tout en pensant au fait qu'il ferait tout aussi bien de tuer lui même ses 8 serviteurs plutôt que de les envoyer au massacre, si cette ville était aussi infestée qu'Immac.
Derrière la porte, les discussions allait bon train.
- Alors Lieut'nant, c'était comment ?
- La ferme Guilmin. Cariou, corvées de chiottes et de patates. Et dépêches toi, on part juste après le dîner. Michelin et Jacquet, vous allez préparer les véhicules. On emmène la MG60, le lance roquettes, le mortier et le lance flammes. Les autres, vérification des packetages, tout doit être parfait. Et prenez des lunettes infrarouges.
- Oui Lieutenant !
- Alors Lieutenant, des précisions sur la mission ? s'enquit Neumostier.
- On va visiter une Abbaye cette nuit, tenue par une secte démoniaque. On arrose, on récupère ce qu'on trouve et on s'arrache.
- Ca c'est cool ! Enfin de l'action. C'est toujours un plaisir d'écraser ces saletés de familiers.
- Avec un peu de chance, on aura affaire à trois ou quatre démons ! ajouta Guilmin.
Le silence qui suivit était lourd de sens.
- Ca va faites pas la gueule, avec le patron ça sera de la rigolade !
- En parlant de patron, 2e Classe Guilmin, tu aurais pu nous prévenir qu'il s'agissait d'une femme.
- Ouais, j'ai -un peu- oublié. Comme qui dirait. L'habitude, tout ça.
- Tu vas pouvoir vérifier les packetages de Michelin et Jacquet pour ratrapper ton oubli, ça tombe bien.
- A vos ordres, "Chef".
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Le moine s'écroula sous l'enchaînement 'coup de tête, balayette, manchette' de Lila, laissant la petite porte en bois donnant sur la cour intérieure sans garde.
- Entrée dégagée !
Suivant une subtile logique, le hummer défonça le mur d'enceinte dans un rugissement de moteur propre à annoncer le Jugement Dernier, éparpillant poussière et gravats partout dans la cours et arrachant le potager soigneusement arrangé pour finir sa course dans le flanc ouest de la petite abbaye dans un fracas assourdissant !
- GO GO GO !!
Quatre silhouettes sortent en trombe du véhicule en tenue de camouflage et se ruent vers la porte latérale de l'abbaye. Quatre se placent de chaque côté de la porte tandis que le 5e place une charge explosive sur la porte.
- C'est bon, à couvert !!
La porte vole en éclats, soufflant au passage le prêtre qui en tournait la poignée pour l'ouvrir, le projetant sur un mur, raide mort. Deux grenades roulent dans le couloir vers l'intérieur et explosent dans une flash aveuglant, juste avant que les 5 silhouettes entrent en trombe, une jeune femme armée d'une immense Epée à leur tête.
- Sécurisez les cellules !
Méthodiquement, chaque porte est ouverte d'un grand coup de pied, avant que la pièce soit arrosée de balles explosives, lorsqu'un homme en soutane apparaît à l'extrémité du couloir, les yeux exorbités et la bouche grande ouverte. Il se met à courir vers le petite groupe pour le rejoindre, bras tendu en avant. Du moins essaie t'il, jusqu'à ce qu'une balle lui traverse le front après qu'un pointeur laser soit apparu dessus. Dans la radio, une voix se fait entendre.
- Ennemi down !
A l'image du mur d'enceinte, le couloir n'est plus que débris, à ceci près qu'il est peint de manière fort sanglante. On se croirait presque à Beyrouth. La petite troupe arrive enfin à l'extrémité du couloir, devant une porte entrouverte.
- Lance flammes !
La porte s'ouvre avec fracas sur une scène bien incongrue. Six prêtres sont agenouillés devant un crucifix planté au mur et prient pour le salut de leur âme.
- Nul repos éternel ne sera accordé à ceux qui se vautrent dans les plaisirs du Malin ! Feu !
La flamme jaillit du tube métallique, droit sur le groupe de prêtres, qui s'enflamme aussitôt dans des hurlements de douleur horribles. Ceux qui parviennent à se relever pour courir sont achevés d'une salve purificatrice en pleine tête.
Quand enfin le calme revient, on n'entend plus que le crépitement des flammes et les roulements des douilles au sol.
- Fouillez le reste de l'Abbaye et abattez tous ceux que vous trouverez. Ne vous laissez pas abuser par leur ruse, ils sont bien capables de se prétendre serviteurs de Dieu.
La femme se saisit de la radio.
- Lila, tu peux venir avec les autres, il faut rassembler tous les documents possibles et les ramener avec nous.
- J'arrive !
Et dans son riche appartement, le contact de Dariel relit ses dossiers de mission. Quelque chose l'interpelle. Il a l'impression d'avoir fait une bourde. Aurait-il intervertit les dossiers..?
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Parmi les bruits de détonations et le crépitement des flammes, un téléphone sonne.
- Allô ?
- Oui ! Dariel ? Oui oui, heu, dites moi, vous partez quand pour l'église désacralisée ?
- L'Abbaye vous voulez dire.
- Non non, justement, l'église !
- Nous y sommes, ils n'ont pas eu le temps de la désacraliser, et je vous certifie que c'est bien une Abbaye. Mes hommes se chargent des derniers survivants. Tout est sous contrôle, il n'y a eu presque aucune résistance, hormis quelques faux prêtres qui faisaient une messe noire, semble t'il.
- Arghl..
- Tout va bien ?
- Heu oui oui.. tout va bien ! Vous pouvez quitter les lieux c'est parfait !
- Et les documents ?
- Hmm.. brûlez tout, et l'Abbaye avec ! Nul doute qu'ils ont corrompu les lieux. Vous avez été très.. efficace. Je vais vous faire parvenir un dossier et des billets, pour vous et votre équipe. Vous allez être affecté à Immac-sur-Sable. Vous allez voir, vos.. heu.. talents seront très appréciés là bas ! Ah ! Et faites vite, inutile d'attendre l'arrivée de la police sur les lieux. Félicitations, vous avez passé votre test avec brio !
- Entendu, merci.
L'Ange de Laurent range son téléphone dans la poche de son treillis. Puis il prend la radio.
- Rassemblement dans la salle principale au pas de course. Le Feu Purificateur se chargera des restes, nous partons immédiatement !
Le surlendemain, dans les journaux, en première page :
La nuit du vendredi 18 avril a été le théâtre d'un carnage qui fut la cause de la mort de 78 prêtres rassemblés dans une Abbaye afin d'assister à un congrès intitulé "Jésus, notre Sauveur".
Plusieurs douilles ont été retrouvées sur les lieux, et la police pense avoir à faire avec un groupuscule terroriste sataniste, mais n'écarte pas l'hypothèse d'une attaque lancée par une vaste organisation Islamiste rattachée à Ben Laden.
L'Abbaye a entièrement brûlé et il n'y a aucun survivant.
Le Pape se rendra ce dimanche en visite à Notre Dame de Paris afin de dire quelques mots et de prendre part au deuil de l'Eglise dans son ensemble.
Les enquêteurs semblent confiants et ne doutent pas de retrouver les terroristes responsables de ce drame, étant donné "leur manque de subtilité évidente". Espérons qu'ils aient raison et que nous n'aurons pas à craindre de nouvelles attaques !
Mais l'Ange de Laurent est bien loin de tout cela. Assis dans le train, il regarde défiler le paysage au travers de ses lunettes de soleil. Déjà, il a du mal à se souvenir de la raison pour laquelle il a quitté Immac, probablement une mission sans importance. Depuis combien de temps d'ailleurs ? Cela non plus n'a pas grande importance. Dans quelques heures il foulera de nouveau le sol de cette ville et finalement il s'en réjouit.
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