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Nom : Vigo Profession : Némésis
#1
Il termina la dernière page du livre au moment ou le train arrivait en gare.

Il l'avait lu d'une traite, pendant le trajet - le long, long trajet - qui l'avait amené jusqu'ici.
D'ailleurs, à dire vrai, il ne l'avait pas vraiment lu, se contentant de réciter en murmurant la longue mélopée en prose de Lautréamont, tournant les pages d'un geste mécanique.
Les Chants de Maldoror était son ouvrage favori, il le connaissait par cœur, pour l'avoir lu et relu, des dizaines de fois, se délectant de la haine de Dieu, des hommes et de lui-même que le jeune Isidore Ducasse avait déversé dans ces pages, avant de mourir.

En cela l'humanité était admirable : bien qu'ayant en main les clés de son bonheur, il se trouvait toujours en son sein des êtres d'exception pour détruire ce doux rêve, reniant tout comme Lucifer autrefois les principes fondateurs de sa propre survie. Gloire à Satan, et à ses serviteurs.



"Immac-sur-Sable, terminus de ce train. Tous les voyageurs descendent de voiture. Veuillez vérifier que vous n'avez rien oublié à votre place. La SNCF vous souhaite une agréable journée, et vous prie de l'excuser pour ce retard."


Ainsi, nous y sommes...
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#2
D'autres temps, d'autres lieux...



Le souffle brûlant de la tempête de feu qui sévit lui brûle la gorge, mais il n'en souffre pas. Les cris des damnés s'écoulent tel un torrent de lamentations, se répercutant sur les parois noires et sales masquées par les colonnes de fumées ardentes s'élevant des gouffres insondables. Ils sont là, enchaînés, torturés, hurlant, pleurant, souffrant. Il ne les voit pas, mais il sent leur présence. La terreur est tellement palpable qu'il n'a même pas besoin de se concentrer pour la ressentir, elle est partout, elle suinte et se répand, et lui s'en nourrit. Il adore ça.

Les deux colosses au bec crochu qui l'accompagnent ne bronchent pas, évitant bien de parler, mais lui perçoit tout à fait la peur qu'il leur inspire. Sous leur carapace d'écailles et de fer, leurs esprits étroits ne peuvent s'empêcher de se concentrer sur ce qu'ils s'efforcent de camoufler. Mais il a l'esprit ailleurs, et explorer les tréfonds de l'âme d'un Garde infernal est une activité dont il s'est lassé il y a des éons. Il rumine et fulmine intérieurement, même s'il sait qu'il s'en tire à bon compte, et cette pensée accapare toute son attention.

Le fleuve est proche à présent, il entendait tout à l’heure le clapottement des vagues maigres sur les galets de cobalt, mais à présent, à travers les nuages de souffre on peut en distinguer les pâles reflets.

Sortant péniblement de l’ombre, la barque approche, poussée lentement par le vieux Passeur qui éternellement fait traverser l'Achéron aux damnés. Il lève ses yeux vitreux comme ceux d'un mort vers l'étrange embarcation, ayant entendu des bribes de conversation, et surtout une voix qu'il lui semble reconnaître ; une fois la barque accostée, une silhouette en descend, pour tomber à genoux aussitôt à terre.


- Qu’ai-je donc fait ? bredouille-t-elle

Ses deux acolytes l'abandonnent sur un léger signe de tête, mais lui ne les regarde même pas. La silhouette agenouillée qui se lamente sur son pitoyable sort est l'un de ses subordonnés, il la reconnait lorsqu'elle prononce ces mots.
Elle vient de là ou il va.

Laissant le Chevalier se faire enchaîner et traîner vers les geôles dont elle ne sortira que dans des centaines d’années, il monte à son tour sur le frêle esquif.
Alors que la barque replonge dans la noirceur crépusculaire du Chemin des Morts, il rumine et fulmine intérieurement, même s'il sait qu'il s'en tire à bon compte, et cette pensée accapare toute son attention.
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