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L'administration ne fait pas d'erreur
#1
- Non, il n'y a aucune erreur.

Guakamol regarda la p'tite vieille à l'air revêche qui lui faisait face, assise derrière son bureau gris anthracite, dans son tailleur strict gris anthracite, avec ses cheveux gris anthracite et son chat (caché sous le bureau) gris anthracite.

- Décidément, y'a vraiment aucune limite au pouvoir des fonctionnaires.

Il décida d'y aller mollo même si la p'tite vieille commençait sérieux à lui courir sur le haricot. Après tout, c'était quand même un baron d'Andromalius connu dans tout l'Enfer pour son intransigeance et son sadisme quand il s'agissait de trouver les pires punitions pour sanctionner des fautes plus ou moins imaginaires. Il se souvint que son pote Morgluk avait encore trente sept ans de ramassage de poubelles et de corvée de chiottes à tirer dans les cuisines d'Haagenti... Le pauvre, tout ça parce qu'il avait reniflé d'une manière qui avait paru méprisante au passage de la vieille rombière.

- Gné?

Elle lui avait dit quelque chose, il en était certain. Mais quoi ? Perdu dans ses pensées, il n'avait pas réalisé qu'elle s'adressait à lui.

- Pardon m'dame, vous disiez?

- Jeune homme, vous devriez apprendre à être plus attentif. Il n'est point étonnant que votre dossier personnel soit orné de plusieurs croix rouges indiquant que vous avez raté quelques missions quand on voit la manière dont vous écoutez vos aînés.

- Un problème, Marjolaine ?

Bon diable, c'était la voix du big boss qui était sortie du communicateur. Le blabla aigrelet de la p'tite vieille avait du être entendu dans le bureau situé derrirèe la porte gris anthracite qui se trouvait au fond du bureau. Et tout le monde sait qu'Andromalius, c'est le seul boss qu'on veut pas voir s'intéresser à ses employés... Bon, là c'était carrément le moment de la jouer subtil et tout en douceur.

- Et bien heu... je ne voulais pas vous déranger, vous savez. Mais heu... comment dire, ma mission actuelle vous voyez c'est le classement et heu... en regardant dans la boîte à chaussure, pardon, dans l'emplacement D.24072004 je n'ai rien trouvé du tout alors qu'il était censé contenir plusieurs dossiers.

- Comme je vous l'ai déjà dit, c'est impossible ! Vous tenez apparemment beaucoup à redevenir un familier, vous...

- Ah mais non, pas du tout, m'adame, d'ailleurs je disais ça comme ça mais en fait je crois que je vais retourner faire mon classement et puisque les autorités compétentes que vous représentez avec tant de charme et d'efficacité diligente me disent qu'il n'y a aucun problème je ne vois vraiment pas pourquoi je m'en fais. Hein? Oui bon, je vais y aller moi...

La vieille rombière le regarda d'un air sacarstique.

- Hu-hum... Je vois de quelle manière vous avez pu passer démon, vous.

La porte du fond s'entrouvrit avec un grincement sinistre. Apparemment, le big boss en personne s'intéressait à l'affaire. Et là, ben ça commença à sentir le roussi. Guakamol se demanda pourquoi mais pourquoi il avait tant insisté sur cette bête histoire de dossier qui ne pouvait qu'avoir été mal classé et sûrement pas égaré.

- Parce qu'il a un esprit voué au fonctionnariat, voilà pourquoi. Et même si je trouve généralement assez suspect tout esprit d'initiative, sa décision de venir signaler qu'un dossier manquait est tout à son honneur. Quel est le numéro du dossier manquant ?

Pris d'un courage soudain, Guakamol répondit du tac au tac, grillant la politesse à la vieille rombière.

- D.24072004. D'ailleurs, je me suis toujours demandé pourquoi ces dossiers-là portaient un matricule aussi bizarre ?

Un silence glacial s'ensuivit. Après quelques secondes qui parurent interminables, la voix d'andromalius se fit à nouveau entendre.

- Bien. Vous êtes désormais démon de grade 1 et mademoiselle Marjolaine va vous attribuer immédiatement une mission de surveillance sur Terre. A moins que vous ne vouliez redevenir un familier et balayer devant la porte de mon bureau pour les trois prochains millénaires, vous allez oublier toute cette histoire et disparaître de ma vue dans la seconde qui suit.

Guakamol, tout heureux par le tour inattendu que la situation venait de prendre, ne demanda pas son reste et posa la boîte à chaussure vide devant le bureau de la secrétaire furieuse qui le fustigeait du regard tout en lui tendant un ordre de mission et les papiers attestant de son nouveau grade. En moins de temps qu'il n'en aurait fallu à Dieu pour créer une amibe, il avait déjà disparu. La voix d'Andromalius résonna à nouveau.

- Marjolaine, diligentez une enquête pour savoir qui a eu accès à ce dossier en dernier. Vous me préparerez aussi un ordre de mission général pour tous les démons incarnés sur Terre.Immac-sur-Sabre, oui, dans cet endroit-là. Priorité maximale. Je récompenserais moi-même celui qui parviendra à me retrouver ce dossier. N'oubliez pas de prévoir dans l'ordre de mission la sanction générale pour tous ces incapables incarnés si aucun ne parvenait à retrouver le dossier manquant. Et heu, Marjolaine ?

- Oui monsieur ?

- Faites ça aussi discrètement que possible...
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#2
Respiration précipitée... Mon coeur s'emballe et les giclées de sang transmises au cerveau me battent les tempes... J'y suis presque, je peux y arriver...

Le souffle court, il s'assied dans l'herbe adossé contre le mur. Il s'efforce de ne pas sombrer, comme tout à l'heure dans le métro, ce qui aurait pu lui coûter cher...
Mais ici il n'y a personne, il pourrait en profiter et récupérer... c'est tellement tentant...

Brusquement il se redresse, et lève les yeux au ciel. Non, pas cette fois. Il ne faut pas abuser de sa chance. Tout en scrutant l'horizon, il se remémore les dernières heures :

_____

Scritch.....scriiitch.....Clac !

Enfin ! Cette putain de porte ce décidait à céder ! Ca devait bien faire 5 minutes qu'il se démenait comme un forcené pour prendre le volant. Le pire c'était l'abruti à côté qui sifflotait tranquillement. L'imbécile avait laissé le moteur tourner, un sacré coup de bol !
Pas fâché de pouvoir enfin se tirer de ce trou, la fuite depuis la discothèque avait été un marathon de panique et il s'était retrouvé très vite perdu dans la zone industrielle. Il balanca la pile de dossiers sur la banquette et sortit du parking, tandis qu'il redevenait petit à petit visible.
La pression tombait enfin et il suivait tranquillement les panneaux pour rejoindre le centre ville, quand, au premier stop, un type grimpe dans la caisse et essaye de lui prendre les dossiers :

- Je fais ça pour m'entrainer.... si je te tchourre un truc je te le rendrai !

Il le regarda avec des yeux ronds.

Et pis quoi encore ? Y veut me refiler un mentos aussi ?

Sans attendre, il sortit de la voiture, arrachant la pile de dossiers, et se rendant rapidement invisible, tant pis pour la discrétion ! Il courrait lorsqu'il vit le salut : cette ville pourrie avait un métro !

Il piqua un sprint, juste pour entendre le biiiip !!! strident précédent les grincements d'enfer, justement comme il redevenait tangible. La poisse... Il était en plein milieu d'une place, essouflé. Il recula jusqu'à ce que son dos heurte un mur. La transpiration collait ses vêtements, il détaillait les mouvements de la foule autour de lui, s'attendant à voir se précipiter un groupe de types en hurlant...

Rien.

Incroyable. Il regarda rapidement les dossiers, ce demandant si il n'avait pas pris le 'Femme Actuelle' qui trainait toujours dans la salle d'attente du boss. Mais non, tout y était...

Il se dirigea tranquillement vers la station de métro, en direction du centre ville. Il s'assit, et vérifia qu'il avait toujours les dossiers dans sa mallette. Il les parcourut de nouveau, en hochant la tête comme quelqu'un d'important...

Il dut la hocher un peu trop car il rata la sortie, et comme dans toutes les histoires où on est poursuivit il ne faut jamais rester au même endroit, il se précipita à l'extérieur...Et courut.
_____

La nuit venait de tomber, et il faisait frais. Il avisa le clocher de l'Eglise, au loin. Il se pencha pour ramasser les 7 kilos de dossiers, et partit d'un bon pas.

La moitié du chemin restait à faire.
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#3
S'éloigner, s'éloigner de tout, de tout le monde. Respirer un peu d'air que proposaient les abords luxuriants d'Immac-sur-Sable. Il courut à travers champs, comme un enfant qui redécouvre ce que le temps lui a enlevé. Une vie de fou, sans un instant de répit, jamais... Il fallait que cela cesse. Il laissa le zéphyr agiter ses cheveux et effleurer son épiderme. Les herbes hautes de cette vaste prairie lui chatouillaient les jambes. Il se mit à rire, à gorge déployée, comme un fou. Il jeta un regard circulaire sur cet infini de verdure et rien ne vint perturber l'horizon. Rassuré, il s'assit. Il posa à terre son pistolet et la malette. Cette malette au regard agressif, aux contours saillants, à la terne couleur, qui ne le ramenait qu'un peu plus à une réalité de conflits et de frustrations. Il leva les yeux vers le ciel. Une buse, à la fière stature et au vol grâcile, tournoyait dans l'azur matinal. La rosée avait depuis longtemps trempé ses vêtement, mais il n'en avait strictement rien à faire. Rien à foutre même. Il s'allongea progressivement sur son lit de verdure et ferma peu à peu les yeux, les cumulus célestes laissant place aux brûmes de ses pensées.

Il traînait depuis dejà des heures dans le terrain de jeu de Kronos lorsque l'impossible se produisit. Son corps fut brusquement balloté, frappé même. Il ouvrit les yeux. 4 silhouettes menacantes étaient devant lui. Il sentit que son gilet pare-balles avait été entamé. Heureusement, il n'avait rien... Rien, c'est le mot. Rien? Oh non! Il serra sa main gauche mais aucune poignée de malette ne le retint.
Son esprit ne fit qu'un tour : tout ça pour rien. Non, jamais! Il voulut se précipiter comme un forcené sur ses assaillants, mais un flash le retint. Une seconde qui lui parut une éternité et qui lui sauva la mise : il se rappella les cours de Kronos, qu'il avait suivi assidûment étant jeune. "On a toujours le temps lorque l'on a la volonté" lui avait dit le mystérieux Prince-Démon à l'intercours. Cette phrase résonna dans son esprit, vidé instantanément de tout blocage substantiel.
Il rassembla en un quart de seconde ses pulsions psychiques et il lanca son pouvoir de prédilection : le déplacement temporel. Il se sentit glisser dans les fibres temporelles de cet univers qui, pendant un instant, n'était plus le sien. Il fouilla avidement les poches de son premier adversaire : il n'aurait eu le temps de les tuer tous les 4, sans compter que leurs renforts ne devraient pas tarder... Il ne réussit à saisir que du matériel de pacotille. Ce sera toujours ça qu'ils n'auront pas. La répétition engendrerait-elle pour une fois la réussite assurée? Il s'enquit de la réponse en les fouillant un à un. Mais ses forces s'épuisaient dans ces sauts temporels qui ne faisaient que l'avancer vers sa perte. Fallait-il abandonner? Quelles en seraient les conséquences? Non. Jamais... Il jeta ses dernières forces sur le dernier suspect. Miracle! Il agrippa fermement ses doigts sur la poignée salvatrice et une seule pensée lui vint alors à l'esprit : courir, comme toujours. Il se trouvait dans les champs au Sud de l'Eglise qui apparaissait comme son seul salut. Le salut de son âme dans une Eglise? L'idée le fit sourire intérieurement alors qu'il avalait les mètres, distancant irrémédiablement ses poursuivants.

Les herbes s'écartaient violemment sous ses pas comme les eaux obéirent à Moïse. La silhouette massive de l'édifice clérical se faisait de plus en plus nette. Il y était. Enfin... Il quitta sans remords son Eden verdoyant qui ne lui était plus profitable pour les graviers du parvis de sa destination. "Destination finale"? Ce n'était pas le titre d'un navet "cinématographique" qui avait occupé un de ses soirs de débauche?
Il sourit et s'appuya sur les murs froids de l'immense refuge de pierre pour reprendre son souffle. Sauvé. Andromalius allait payer de n'avoir su surveiller toutes ses brebis. Le loup n'était point bon berger...
Plongé dans ses pensées, il n'aperçut pas l'esquisse d'une épée gigantesque d'1m80 se dessiner derrière son dos. Même les cris des passants apeurés ne le dérangèrent point de sa méditation. Il gravit sans broncher les marches du perron et passa l'arche tant attendue. Le spectre létal d'une mort aussi certaine que métallique qui fondait sur lui fut, elle, obligée de s'y arrêter. C'était fini. Il s'était ouvert les portes de la rédemption aussi facilement que celles d'une église. Et ils allaient tous payer...

[Image: Fuite.jpg]

Illustration : Kevlar
Intro : Sachiel
Milieu : Cadrach
Conclu : Kiouioui
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