Earth feeling : incarnation

[Meyrana]

Meyrana était ravie.
Se tortillant énergiquement au rythme de la musique à fond dans ses oreilles, elle trottinait gaiement dans le parc géant d’Eden. Elle adorait cet endroit, si vert, si calme et pourtant plein de vie… Et surtout, suffisamment d’espace pour qu’elle y danse tout son soul sans se cogner à un vieil ange grabataire et grincheux.

Pouffant à cette pensée, elle revint sur la raison principale de son exubérance du moment : elle allait être incarnée ! Métachouette !
Son cerveau était encore douloureux de l’impériale présence de son Archange de patron, lui annonçant la bonne nouvelle par télépathie (évidemment, c’était moins cher que le courrier postal, et il voulait faire cool…Mieux valait lui laisser ses illusions)
Elle ne savait pas quand, mais tout cela n’était qu’une question d’heures, sûrement. Raison pour laquelle elle traversait son parc préféré en ondulant de plus belle en plein milieu de ce qui semblait être l’après-midi.

« Il faudra que je pense à le remercier quand même, j’ai pas été très po…. »
PFFfffffffiouuuuuuuuuuuuuuf…

Une force brutale aspira soudainement son essence, et Meyrana s’effondra. Ou plutôt, se dissolu. L’inconscience la frappa sans prévenir pour la tirer vers un autre plan… La Terre…

[Meyrana]

Bouboum… Bouboum… Bouboum…

Mais cessez donc de me taper dans le crâne! Ca va, j’entends, j’me réveille, ok ok…

Meyrana ouvrit péniblement les yeux, agressée par la lumière du jour. L’être papillonna des yeux avec hésitation, le corps tendu d’une foule de sensations simultanées.
Grimaçant légèrement, elle leva la tête, hésitante, découvrant pour la première fois la Terre avec des yeux humains, et pour l'instant, ca avait l'air sacrément lumineux. Sa tête continuait de cogner, mais le son douloureux diminuait lentement et cessait de la rendre sourde au monde : une cacophonie de claxon et de pépiements d'oiseaux lui fit regretter son mal de crâne presqu'aussitôt.
Visiblement, elle était assise sur des marches de pierre… Son arrière train n’avait pas l’air d’apprécier et son dos protestait vivement.
Prenant une grande inspiration, elle toussota douloureusement, les poumons en feu : la Terre, ca chlingue...
Tandis qu’elle levait les yeux pour se redresser et se lever pour la première fois, son regard, enfin habitué, croisa celui, étonné, d’une jeune femme. Poliment, Meyrana lui retourna son sourire… qui s’effaça aussitôt lorsqu’elle se rendit compte que la jeune femme en face d’elle rougissait.

Allons bon, qu’ai-je encore fait de mal ?

La jeune femme en face d’elle, habillée en femme d’affaires, lui tendit une pièce de 2€ et repris son chemin. Meyrana fut d’abord extrêmement touchée par cette générosité si inattendue : les humains étaient bons ! Nulle place pour le mal lorsqu’ils pouvaient être capables de telle générosité !
Puis ses yeux se posèrent incidemment sur un petit carton posée devant elle, où était griffonés quelques mots malabiles : « Donnet moi de l’argent pour mengez sils vous play ».

Alors qu’elle lisait avec application ces quelques mots, tentant de comprendre le pourquoi de sa situation, une autre femme arriva. Elle avait l’air plus mûre, dans les quarante ans, pas trop mal conservée.
Avec un sourire gourmand, la jeune femme sourit à Meyrana et lui tendit un billet.
L’être sourit à nouveau, acceptant le cadeau, et tendit la main pour le prendre lorsque l’autre parla d’une voix étonnamment mielleuse.

« Je te le donne, ainsi qu’un plat de résistance… et un dessert, si tu es gentil avec moi, mon joli. »

Estomaquée, Meyrana la fixa un instant sans comprendre, bouche bée. Puis, au bout de quelques secondes, elle repris le contrôle de sa machoire pour répliquer :

« Je suis désolée, Madame, c’est que… »

Elle s’interrompit immédiatement, portant la main à sa gorge, les yeux écarquillés.
QUOI ?C’est quoi cette voix ?

Elle porta une main tâtonnante vers son entre jambe, et son visage se décomposa presque aussitôt après.
Elle avait des corones…

Elle se laissa tomber d’un bloc, ignorant la femme en face qui attendait toujours qu’il s’explique sur la raison de son refus.

Grimaçant, le jeune homme passa son autre main dans ses cheveux, signe de nervosité et de désorientation totale. Les yeux dans le vide, il semblait murmurer quelque chose à lui-même, d’une voix rauque.

« Ha ! Tu trouves ça drôle, toi, là haut, hein ? Ma première incarnation, et je suis une espèce de truc masculin… Nan mais franchement ! FRANCHEMENT !
Et sans walkman en plus… »

Se levant d’une traite, rageur et vacillant, l’homme se retourna pour voir qu’il était sur les marches d’une église.

« Va falloir qu’on m’explique… Ouais, va falloir qu’on cause ! »

D’un pas encore chancelant, l’homme entra dans l’Eglise en gromelant.