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Joyeux Noël.
#1
Les flocons descendaient nonchalamment, portés tantôt par les brises sinueuses du vent d’hiver, tantôt par la simple pesanteur. Ils ont ce don d’éviter en grande partie les lignes téléphoniques, les rebords des immeubles, bref tout ce qui pourrait vous abriter de leurs baisers glacés. En votre cou, ils vous rappellerons au combien il est douloureux d’être vivant et sans domicile douillet. Ou alors, il vous feront frissonner et accélérer le pas, vos derniers achats de Noël à la main, vers votre famille, vos charmants bambins. Faites attention au gel, du moins.

La rue se présentait immaculée, rendue floue par les vagues incessantes de la tempête de glace, et par le demi-fondu de l’eau qui recouvrait le sol. Les courageux qui se trouvaient encore dehors n’étaient pas nombreux, voir même rares. Un petit garçon qui jouait avec deux de ses adorables bambins de son quartier. Un couple sûrement envieux de rentrer pour s’unir devant la cheminée, dans le naturel de l’amour. Quelques commerçants, fermant avec un soupir de soulagement leurs boutiques, en tirant maladroitement sur le rideau de fer gelé afin qu’il cède et s’abaisse.

Quelques voitures, à petite allure, tentaient de se guider à l’aide d’essuie-glaces trop fatigués par l’importance des éléments déchaînés. Leurs roues éclaboussaient parfois les malheureux qui se tenaient trop près du rebord du trottoir, de cet âpre mélange fondu qui jonchait le goudron.

En ce chaos paradoxal de solitude marchait une jeune femme lotie dans son grand manteau chaud, d’un marron agréable, atteignant presque la teinte du bois d’hiver. Celui qui vous rappelle la chaleur de ce matériau, lorsqu’il vous est présenté sur un fond de neige. Ses doux cheveux châtains se reposaient le long de son écharpe d’un beau sombre, ballottés parfois par un caprice du souffle du ciel, chatouillant sa peau albâtre sans réellement l’affaiblir. Un fait expliquant pourquoi elle avait pu traverser la ville sans volonté de s’abriter un quelconque instant. Les mains placées en les poches salvatrices de son vêtement, elle avait la démarche lente et le visage légèrement penché vers le sol. Une position commune en ce temps.

- « Regarde Paul, l’autre il m’a filé ça ! »
- « Wah … Tu crois que je peux en avoir aussi ?! »
- « Sûrement … »


Elle releva le visage, afin d’observer le groupe d’enfants qui a présent étaient passés sur son trottoir, à quelque mètres d’elle. S’apprêtant d’un sourire de circonstance, elle prit la parole pour s’adresser au petit chérubin aux cheveux d’onyx, masqués au trois-quart d’un bonnet à pompon.

- « Je peux voir ce que tu as eu pour Noël, petit ? »

Il retourna le visage vers la jeune femme. Fronçant les sourcils aux premiers abords, la beauté si généreuse et douce qui s’émanait du physique de celle-ci convainquit le bambin rapidement, insouciant même après les recommandations de sa mère sur le fait de parler aux inconnus. Il sourit finalement, tendant le petit sachet à la jeune femme, celle-ci conservant le même faciès en retour. Examinant un temps celui-ci, elle se voulu maternelle, tendant un autre sachet de sa poche à l’enfant.

- « Ce sont des chocolats à la liqueur, mon petit, ce n’est pas encore ton âge. Tiens, prend ceux-ci, ils sont bien meilleurs, fourrés au chocolat blanc. » Répondit-elle, en lui tendant la contrepartie du troc.
- « Mais j’ai 11 ans et demi, madame … »


Elle fendit ses lèvres d’un sourire.

- « Tu es presque un homme, je n’avais pas vu, excuse moi … Et bien, pourquoi ne pas faire un échange avec moi … Tu ne vas pas me refuser ces bonbons que j'aime tant … Surtout avec ceux que je te donne en retour … »

Les belles jeunes femmes rappellent à quel point on les désire, et ceux-même à l’âge de 11 ans. Comment refuser ? Peut-être que j’aurai une fiancée pour Noël …

- « D’accord, Mademoiselle … » Dit-il en rougissant.

Il récupéra rapidement le nouveau sachet de bonbons, et pointa un endroit de la rue lorsqu’elle lui demanda où ils les avaient eu, sous le couvert du mensonge du désir d’en avoir d’avantage. Un individu en barbe blanche, costume rouge, riait comme les demeurées publicités de Noël, là-bas. Elle sourit encore une fois, passant sa main sur la tête du chérubin gloussant comme d’un premier amour, avant de le laisser.

Elle entreprit d’ouvrir le sachet, et sorti un petit chocolat, à la forme bien banale, pendant sa marche. Le cassant en deux, elle découvrit la poudre compactée, qui n’avait que peu de chose à voir avec la liqueur interdite. Passant un doigt humide sur le surface de celle-ci, elle le ramena sur le bout de sa langue. Souriante en coin, elle s’interloqua d’elle-même.

- « Trouvé. »

Héroïne à 90%.
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#2
Le petit préau était un utile refuge. Une petite colonnade de marbre soutenait un plafond grisé, solide, et surtout épais. Le sol, qui en été et avec le soleil abondant, reflétait à un tel point que l’azure du ciel s’y révélait. Hélas, en ce temps difficile, ou même les rafales pouvaient ramener les cristaux vers vous en vous fouettant de ceux-ci, c’est à peine si l’on pouvait discerner sa propre ombre.

Un petit rongeur, d’ailleurs absolument conscient de ce froid, en sorti la museau de la petite plaque d’égout qui jonchait le bord. Ses petits yeux pivotèrent un instant, et en le brillant de ses pupilles, l’image du gros bonhomme se fixa. Celui-ci interloqué, il pensa à rentrer de nouveau dans sa tanière. Il faut dire qu’un être de cette envergure, avec un mètre quarante au minimum en tour d’abdomen, et son accoutrement … voyons, cela choque. A l’évidence, un peu trop, pour le petit rongeur de vingt deux grammes.

Mais en conséquence, c’est ce monstre ou mourir dans le froid des égouts devenus banquise. Prenant son courage à deux pattes, ou bien quatre, peu importe, laissant courir les fluides d’air sur son pelage frissonnant, il a décidé de courir au delà de la peur, pour passer entre les jambes du gros homme. Un petit couinement, et le voilà enfin à son but, la grille d’aération d’un immeuble bien chauffé.

Marmonnant entre sa barbe et le cri de courage de l’animal le faisant sursauter, l’humble père noël leva sa jambe garnie comme un jambon pour enfin médire d’avantage. Cette porte vitrée ne voulait pas s’ouvrir sans un code. Tant de jeunes enfants à qui distribuer …
Il se décida à pousser une nouvelle fois le bouton de l’interphone, rendu téméraire par cette idée. La voix métallique du gardien se fit de nouveau entendre.

- « Oui ? »
- « Oh-Oh-Oh, Joyeux Noël de la part du Père Noël ! Je viens pour distribuer des présents aux enfants sages ! »
- « Je vous l’ai déjà dit, nous n’acceptons pas les colporteurs. »
- « Pensez aux jeune enfants qui n’auront pas leur cadeaux cette année si je ne peux rentrer ! Ayez du cœur ! »
- « Il y a une cheminée, sur le toit. Passez par là, comme d’habitude. »


Le claquement de l’interphone informa le vieux bonhomme de son nouvel échec, le faisant bouillonner de rage. Lâchant l’âpre début d’un juron, serrant le poing, il se fit arrêter par une voix en son dos.

- « Je n’ai pas été informée de cette mission. Quelle en est la raison ? »

Il se retourna pour découvrir la vision de la jeune femme, dans son manteau, adossée contre la colonne, montrant entre ses doigts gantés le demi du chocolat fourré de drogue. Il y aurait maintes raisons pour ce vieux bonhomme au pompon rouge de ne pas répondre. Et puis, cela peut-être un traquenard. Une réponse bateau suffira, il suffira d’annoncer comme d’habitude aux curieux que tout le monde connaît la mission du Père Noël. Et pourtant d’autres mots naquirent entre ses lèvres, malgré lui. Une impression étrange … Comme si quelque chose en elle le poussait à offrir sa confiance.

- « C’est une mission secrète. Si les idiots nous représentant dans cette ville savent cela, ils cracheront le morceau, c’est clair. Et ce n’est pas des « Oh-Oh-Oh » qui me sauveront. »

Il releva aussitôt un sourcil, montrant sa surprise de sa propre parole par un haut du regard. Enfin … Il se retourna de nouveau vers la porte vitrée, sans se demander d’avantage.

- « Aide-moi plutôt à ouvrir cette porte. Y’a quarante gamins dans cette merde d’immeuble. Si on veut gâcher la fête du vieux con en costume et de l’abruti poinçonné par des gars en tongues sur sa croix, faut qu’on se magne. »

Mais aucune réponse ne vint, malgré son ordre. Fronçant de nouveau les sourcils, il pivota son ventre bedonnant de nouveau vers les colonnes. Personne. Plissant les lèvres, d’un sentiment de méfiance, il balaya à 180° sans rien trouver.

- « C’est quoi cette mer… »

Jamais juron ne fut aussi vite réprimandé par les services du tout puissant. A la moitié de la naissance du mot interdit, le métal invisible de la batte de base-ball percuta la figure toute ridée de l’imposteur. Le nez explosa une gerbe de sang, les os des joues craquant littéralement sous l’impact. L’immense bedaine et son propriétaire firent un demi-tour sur eux-mêmes, s’écrasant ensuite contre la vitre en une lourde secousse. Lentement, la peau du visage glissa le long du verre en une longue et risible vibration sonore. Et le corps s’écroula, contre le marbre du sol.

La jeune femme, de nouveau visible, ouvrit son manteau, afin de replacer la batte en les lanières de cuir cousues à cet effet, à l’intérieur. Ramenant sur le tissu sur elle, puis reboutonnant, elle répondit d’un regard hautain.

- « En sandales. Les romains portaient des sandales. »

Signant sa poitrine du symbole chrétien sous le joug d’un « Amen », elle s’empara de l’énorme hotte pour la mettre sur son épaule, pour s’en aller.

Les flocons descendaient nonchalamment, portés tantôt par les brises sinueuses du vent d’hiver, tantôt par la simple pesanteur. Ils ont ce don d’éviter en grande partie les lignes téléphoniques, les rebords des immeubles, bref tout ce qui pourrait vous abriter de leurs baisers glacés. En votre cou, ils ne vous rappellerons pas au combien il est végétatif d'être mort et à quel point les Anges veillent.
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