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A la poursuite d'un renégat
#1
Le bureau était exigu, au mur, quelques articles de journaux étaient accrochés et dansaient sous l’effet de la chaleur qui s’échappait des radiateurs. Le sol était jonché de piles de rapports et de feuilles qui s’élevaient tels des piliers tout autour de la pièce. Le journal du jour était ouvert en grand sur le bureau. Le jeune homme pensif faisait tourner une grosse chevalière autour de son doigt, les yeux rivés sur un article entouré de rouge au centre de la page. Dans la nuit de dimanche à lundi, un crime abject a eu lieu dans la vielle ville. Le jeune Virgile Krins, 23 ans, a été retrouvé éparpillé en pleine rue…. En le lisant, le visage du jeune serviteur de Dominique se durci et le sentiment d’incompréhension laissa petit à petit place à la colère. Il se chuchota à lui-même « Elle a récidivé, Nag Jash a récidivé. Encore un humain démembré, ça ne peut être qu’elle »

Il releva la tête et fixa l’un des articles qui pendait au mur. Il se souvint : Tout avait commencé, il y a un peu plus d’un mois et demi. Le meurtre d’Ada Piret, dans les bas fonds, retrouvés en pièces détachées, n’avait pu être élucidé. Il avait bien évidemment pensé, dans un premier temps, à l’œuvre de l’un de ces démons qui arpentent les rues des bas fonds et qui tuent sauvagement sans la moindre pitié. Cependant, la police avait pu donner un portrait robot grossier de l’assassin et quelque chose l’avait troublé. Il connaissait ce visage et cette description : un homme blond, de grande taille, âgé d'une quarantaine d'années. Ca ne pouvait être que…non. A l’époque, il n’y avait pas cru, il avait à peine osé y penser. Un crime si odieux commis sans la moindre pitié, ce n’était pas possible, sûrement une erreur. Puis des évènements l’avaient contraint à abandonner son enquête, le jeune homme avait été envoyé dans la banlieue sud par son supérieur... Mais il y a quelques semaines, cette affaire l’avait rattrapé, un premier article de journal, un deuxième puis un troisième. Tous décrivaient des meurtres d’innocents perpétrés selon le même schéma, sans le moindre mobile apparent et toujours le même portrait qui revenait inlassablement et qui devenait de plus en plus précis. Ces articles avaient chassé le doute de son esprit : un ange, oui un ange qu’il connaissait qui plus est, avait commit l’irréparable, l’un des plus gros carnages d’innocents qu’Immac avait connu. Il s’était alors mis en chasse, bien résolu à faire son travail et à ce que plus aucun humain périsse de la main de ce déchu. Mais quelqu’un s’était chargé de son cas avant qu’il n’arrive sur les lieux…

Les questions fusèrent dans l’esprit du jeune serviteur de Dominique: Comment un ange pouvait-il se comporter de la sorte ? Aider les humains en détresse, telle devait être notre conduite sur terre Comment pouvait-on bafouer cette règle suprême? Nag Jash provoquait–elle les serviteurs de l’archange de la Justice? Comment pouvait-il en être autrement ? Elle assassine à tout va, sans aucune discrétion, à visage découvert, semblant vouloir prouver à tous qu’elle est l’auteur de ces crimes abominables. Nag Jash, était-elle devenue un renégat ? Tout semblait le présager en tout cas.

Le jeune ange se redressa et serra les poings de rages. Maintenant, il n’avait plus le choix, il fallait réagir tout de suite et stopper l’hémorragie avant que d’autres innocents, voire d’autres anges ne payent le prix de la folie de l’un des leurs. « Dieu condamnera Nag-Jash lui-même, l’épée du jugement sera son châtiment et la poursuivra jusqu’à sa mort et, cette foi-ci, il s’assurera personnellement qu’elle passe le reste dans son existence aux archives célestes » pensa-t-il. Et dire que le meurtre du Père Noël n’avait encore pas été complètement éclairci, qu’il allait bientôt devoir mener sa première instruction au service du Conciliabule, sûrement capitale pour son avenir et que l’on venait d’enregistrer le vol d’une bannière prêtée par le Vatican à l’église d'Immac. Décidément, lui qui pensait pouvoir se reposer un peu, après sa dernière mission périlleuse qui l’avait conduit jusque dans les bas fonds, çà semblait être bien compromis, à moins que certaines de ces affaires ne soient liées…« Le glaive de la justice n’avait décidément pas fourreau »…
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#2
La belle chatte grise et élancée attendait, patiente et silencieuse. Tapie dans la végétation, seule sa tête dépassait des hautes herbes qui recouvraient la plaine. Elle scrutait l’étendu de verdure à la recherche du moindre mouvement. A quelques mètres d’elle, une petite souris blanche apparue, elle se faufilait entre les herbes, innocente et inconsciente du danger. La chatte se releva, doucement, et s’approcha sans bruit de sa proie. D’un bond elle arriva à sa hauteur puis d’un coup de patte, elle crocheta la souris qui s’affalât de tout son long contre le sol. La petite bête essaya de se relever mais une griffe acérée se planta dans sa nuque avant qu’elle n’ait pu esquisser le moindre geste. Tel un rituel, la chatte commença à tourner autour de la dépouille. Elle arborait un large sourire et par petites touches tel un peintre impressionniste se mit à perforer avec précision le corps sans vie de la souris. Le sang giclait, la chatte était émerveillée par le spectacle qu’elle façonnait. Elle sortit les boyaux du ventre de sa proie et commença à les disperser autour de la dépouille. Elle était heureuse, elle composait, avec joie, une toile macabre…

Le jeune homme se réveilla en sursaut, il transpirait. « Quel cauchemar » lacha-t-il ! La sonnerie de son téléphone portable sonnait et lui lacérait le crâne. Il jeta un coup d’œil sur son réveil : 7h00. « Déjà » Il bondit hors du lit et décrocha.
« Allô …»
« Ah ! Salut Juda…Des nouvelles ?» Le visage du jeune homme s’éclairci
« Vous avez réussi à la localiser…Je descends tout de suite »

Mazirian s’habilla rapidement. Il prit la veste qui reposait sur le rebord de la chaise de son bureau et sorti sur le pallier, il dévala les escaliers quatre à quatre, traversa le hall en trombe, et s’engouffra dans la rue. Il s’arrêta sur le pallier de la porte d’entrée de l’immeuble. Il faisait encore nuit, une légère pluie fine tombait sur son visage éclairé par les phares de la voiture qui attendait le moteur allumé. Il boutonna sa veste et esquissa un sourire en s’avançant vers la voiture. Mazirian ouvrit la portière passager et s’installa.
«Hello Juda, Hello Raziel». Il fit un signe à la conductrice et à la jeune fille installée derrière. « Salut » répondit-elles en cœur
« Alors où est-elle ? »
La femme installée à la place du conducteur lui répondit
« Elle a tué un ange, hier matin, dans une ruelle à coté de la gendarmerie. Elle a pris la direction du centre ville. Si on se dépêche, on devrait pouvoir l’intercepter sur la route au nord du centre commercial »
Mazirian eut à peine le temps de boucler sa ceinture que la voiture démarra en trombe…

Il était treize heures, Juda ralenti, la voiture s’immobilisa au bord de la route à une trentaine de mètres d’une femme métisse encore très belle malgré son age mûr. Elle tenait dans les mains une chemise couverte de sang. Mazirian l’observa : « Voici donc la nouvelle Nag Jash » Elle avait l’air à la fois heureuse et remplie de haine, à la fois douce et ténébreuse. Elle ne semblait, pour l’instant, ne pas avoir remarqué leur présence. Elle s’approchait doucement d’un jeune garçon assis sur le trottoir en train de jouer aux billes. Raziel s’avança entre les deux sièges et s’écria « Dépêchez-vous, regardez… » en pointant du doigt le jeune garçon « Elle va le tuer »

Mazirian se concentra, conscient de l'importance de sa tâche, il vida son esprit pour parvenir à rendre la Justice. Il fixa intensément Nag Jash en se remémorant l’ensemble de ses crimes. Cette dernière finit par le remarquer et elle le fixa à son tour. La lueur qui passa dans ses yeux, faillie le faire tressaillir, il réussit, malgré tout, à garder sa concentration et à continuer sa plaidoirie. Puis, il tendit un bras au ciel, sa chevalière brilla et aveugla un instant Nag Jash. A cet instant, elle comprit, elle s’approcha de la voiture près à en découdre

Un sourire apparut sur le visage de Mazirian. Dieu avait entendu son appel, il allait rendre son verdict. Nag Jash arrêta sa course en avant, elle releva la tête d’un coup sec, les yeux exorbités. Dans sa tête, Dieu lui parlait. Puis sa tête retomba, elle posa ses mains sur ses genoux, visiblement éprouvée et reprit son souffle. Puis elle se releva d’un coup, se tourna vers la voiture et fit un clin d’œil à Mazirian. Les 3 anges se préparèrent à l’assaut mais au lieu de se jeter sur la voiture comme il s’y attendait tous, elle s'avança vers le jeune garçon. Elle lui donna la chemise et lui dit quelques mots... Le gamin approcha la chemise de son nez, puis il la jeta à la figure de Nag Jash. Celle-ci répliqua derechef en lui collant une tarte. Le gamin s’envola et s’étala contre le trottoir. Raziel et Mazirian s’apprêtèrent à descendre de la voiture pour prêter main forte au gamin mais Juda leur dit d’un ton sec en les fusillant du regard « Laissez, je m’en occupe » tout en sortant, d’une main délicate, son colt de la poche intérieur de sa veste et en appuyant sur le bouton commandant la baisse de la vitre, de l’autre main. Mais quand il se retourna pour ajuster la renégate, elle avait disparu. J

Juda s’écria, « Ce n’est pas possible, où est-elle passée ? »
Un léger sourire se dessina sur les lèvres de Mazirian en regardant l’endroit ou ils avaient vu Nag Jash pour la dernière fois. Juda le regarda dubitatif :
« Pourquoi souris-tu, elle va nous échapper ? »
Mazirian se tourna vers son compagnon, un sourire en coin :
« Laisse tomber, si elle veut continuer de vivre, elle reviendra d’elle-même… »

Juda reprit le volant et la voiture descendit lentement la rue qui longe le centre commercial…
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