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Cantique de nos peines
#1
Mardi 8 janvier 2008
Paris (semble t'il)

Ils nous ont enfin donné de quoi écrire.
Papiers épais, pastels de plastique colorés, puisqu’on ne risque pas de tuer les gens avec ces suppositoires. Quelle présence d’esprit monsieur l’infirmier! Si vous saviez combien nous en avons tué et combien nous aimerions aujourd’hui continuer…
Il ne fallait pas nous saisir comme cela. Bien sur que nous nous sommes débattues. Avec honneur, et les mains nues. Qu’ils laissent les hospitalisations d’urgence aux grands cas de démence, et ces supplices insidieux aux sujets sans espérance.
Au diable toutes leurs substances, qui dissolvent nos forces et nos intelligences...
Dieu que notre rage les dérange. Si seulement ils connaissaient l’orage qui nous démange.

Un par un, avec ces crayons trop lisses s’il le faut, aidées de l’avide Faucheuse, tous les saigner. Seraient-ils cents, cinq cents, un millier… A trois, tenter d’attenter à leur pitoyables existences. Puis soupirer d’aise, et sereines, se retirer un peu plus loin… Morbides fantasmes… Macabres marasmes… Rêver de massacres.

Nous ne sommes pas sadiques, pas cinglées. Juste un peu lyriques, avec des âmes de noyées.
Et nous avons mal à en crever. Derrière une vitre grillagée, enfermé, notre cœur est une petite poche de chaos prête à exploser.

Heureusement, Aude et Sarha sont là.

Nous ne serons pas seules dans notre nuit zébrée d’électrochocs.
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#2
jeudi 10 janvier 2008
Paris (toujours)



Premier entretien avec le psychiatre.
Mr Heifetz tout de suite nous a dégoûtées. Traits mous, regard morne, voix monocorde. Ne pas monter au créneau, cet homme transpirait de médiocrité.
« Vous pouvez nous laisser mademoiselle ». Il a jeté un coup d’oeil insistant sur le ravissant fessier de son assistante.
*le stranguler avec son stéthoscope*


« Bonjour à vous. Votre cas m’a posé problème… je ne vois rien dans votre dossier. Ni résumé, ni fiches médicales, ni anamnèse, pas de nom, de civilité. On nous a juste
envoyé un signalement. Le fait que vous vous soyez débattue a légitimé notre intervention. J’espère que vous nous comprendrez... Vous vous appelez ?.. »


Lilith monsieur.

« Docteur, s’il vous plait. » air professoral et prétentieux. « Lilith ? Un prénom peu anodin… Nom de famille ? » Confusion, il ne savait rien. Pour lui, pas d’anges, peut être pas de Paradis. Sans doute vivait-il comme d’autres, dans le petit cercle restreint de ses obscures théories. Nourri de ses fumisteries, il devait s’attendre à des réponses purement rationnelles. Prévoir une issue de secours, improviser sur le tas, tâter le terrain. Si seulement nous nous souvenions du nom de notre incarnation.
*égorger ce gras goret*


Lilith n’est qu’un simple surnom, Docteur,
Don d’une mère dotée de grâce et de douceur
Mais point de nom ni de prénoms,
Dont présentement nous ne nous souvenions.

Son regard s’est illuminé alors (ho, surprise !) d’une lueur étonnée, s’est posé sur nous, nous a jaugé, jugé. Il s’est agité sur sa chaise. « Vous… enfin… vous dites nous… et ces rimes… » Il notait tout sur un grand cahier à spirale, avec un air finalement ravi, excité, et très inspiré. Puis nous a de nouveau lorgnées avec le plus grand intérêt.

Et vous avez devant vous Lilith, Aude et Sarha.
Voyez-vous, pour vous nous sommes toutes là.
Constatez, pas une de plus, pas une de moins
Des questions ? Objections ? that’s the point.

*supplicier cet odieux sagouin*
Par nos prunelles assassines, nous l’avons effrayé.


« Bien… bien, ne vous énervez pas. » Il s’est retourné pour vérifier que devant la porte vitrée se tenait bien le gorille chargé de la sécurité.
« Nous vous avons donné des médicaments à votre arrivée. Les prenez-vous ? »

Comment pourrions-nous faire autrement ?
Il ne se passe pas une heure, pas un instant
Sans que dans notre cellule s’invitent vos alliés
S’assurant que vos drogues nous ont bel et bien liées.

« Un sentiment d’enfermement ? »
Logique, Docteur, nous sommes enfermées.

« C’est pour votre bien assurément. »
Vous voulez notre bien ? Rendez nous la liberté.

« Mais vous verrez mademoiselle. En sortant, vous nous remercierez. En attendant, nous comprenons.»
*crever ce sombre crétin*

Comprendre quoi ? Si seulement tu pouvais comprendre. Mais, tu serais bien incapable, par l’affection, d’adhérer à la préoccupation d’un être…

Puis nous avons abandonné. Il n’y avait rien à attendre de ce malheureux. Les sujets se sont succédés. Famille ? Amis ? Aude ? Sarha ? Impulsions ? Suicide ? Ironie du sort, un ange suicidé. Si seulement c’était possible.
Pleurez chers anges, que nulle mort ne vous venge. Etrange, ce médecin par l’autolyse était fasciné.
Peu à peu, la rage est retombée. Et la tristesse s’est installée. Ecrire sur ces feuilles volantes ne voile pas nos peines. On ne rédige pas une larme. On la laisse, coulante,
rejoindre l’éternité de nos rêves mouillés.

L’homme a continué, écrivant frénétiquement nos réponses lasses. Avec des mots enlacés, nous avons du décrire des tâches d’encre imprimées sur papier cartonné. En rimes embrassées, nous avons citées, embarrassées, des nains décapités, un ange bicéphale, le Cap de Bonne Espérance, un scarabée (là, nos avis ont divergés. Aude nous soufflait chrysalide, et Sarha penchait pour une géniale vision due à une ingestion de champignons). Nous avions envie de fumer, de remplir notre tête de volutes bleutées. Mais le gros homme nous l’a interdit.
En nous laissant, il a lancé d'un air satisfait :
« Un médecin va vous soigner. Au revoir mademoiselle. » Soigner qui ? Soigner quoi ? Nous ne sommes pas malades...

Non Docteur, décidément, vous n’avez rien compris. Nous sommes tout à fait saines d’esprit. Seul notre cœur est gangréné de tristesse. Il est poisseux d’incertitudes. Il vient de perdre cette partie divine en lui qui était source de soleil.

Les filles sont calmes, complètement camées.
Et nous pleurons. Puisqu’il y a tant à pleurer…
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#3
Vendredi 11 Janvier 2008
Paris
Séance d'Art-thérapie...



Cascades de Pénombre.
Des Anges ont perdu leurs Ailes.


[Image: file0035gz3.jpg]


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#4
Mardi 15 janvier 2008
Paris (pour combien de temps encore ?)

« - Dis-moi, dis-moi, guérirai-je
De ce qui est dans mon cœur ?
- Ami, ami, la neige
Ne guérit pas de sa blancheur. »
Francis Jammes

Nous sommes ici depuis déjà une semaine. Une semaine… Passée à voir se succéder médecins, infirmiers, psychologues, avec leurs lots de questions, de médicamentations douteuses, d’obsessions, de théories fumeuses. Mais rien n’a changé. Une semaine, et nous sommes toujours aussi désespérées.
Les filles ne nous parlent plus. Ça n’est pas faute de vouloir communiquer. Nous hurlons notre peur, nous crions notre rancœur. Elle est si grande, notre douleur. Mais elles refusent de répondre, échangeant entre elles des regards éloquents, quelques mots de temps en temps. Et elles croquent leurs cachets comme s’il s’agissait de pilules du bonheur, ces mêmes cachets qui nous écœurent, nous font horreur.
A chaque instant, nous supplions le ciel pour qu’elles ne nous quittent pas. Et pour une cigarette, pour un verre d’alcool, n’importe quoi, mais qui nous fasse tourner la tête, qui nous enivre. Aller se noyer quelque part, ne refaire surface que pour quitter cet endroit…

Privilège parmi tous les privilèges ! Privées de liberté, Ils allègent notre peine… Nous pouvons à présent quitter notre chambre pour aller dans la salle commune. Quelle liberté… Un zoo humain ? Un cabinet des curiosités ? Quels monstres sont les hommes pour avoir créé ces asiles d’aliénés. Un homme y passe ses journées, le regard suspendu au bleu du ciel, souriant aux anges. Un déchet exhibe sa laideur sous nos yeux dégoutés. Crâne déformé, visage ravagé, regard vitreux, teint cireux. Et la peau granuleuse, la bouche toujours baveuse… Et cette femme, maquillée à outrance, qui d’un air théâtral nous jauge et nous lance ses piques acerbes. Et celui là, qui, persuadé que son ventre grouille de démons, nous demande si il est possible de le faire accoucher… C’est à pleurer. Même les tristes rayons de soleil qui s’y promènent sont timides, fragiles, convaincus de leur inutilité.

Aude, Sarha… s’il vous plait… parlez, parlez nous. Nous n’en pouvons plus d’être si vide de tout. Dites nous que ce n’est pas mortel, nous vous en supplions, rassurez nous. Et cette folie qui nous entoure, dites nous qu’elle ne nous atteindra jamais. Cette maladie qui ronge les âmes, promettez nous qu’elle ne nous rattrapera pas. Cela serait trop laid.

Absence. Suivre le bon sens, s’en aller ailleurs, là où se crée, sans pleurs ni heurs, la possibilité d’une existence.

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#5
18 janvier 2008
Paris

"Malheur, mon grand laboureur,
Malheur, assieds-toi,
Repose-toi,
Reposons-nous un peu toi et moi,
Repose,
Tu me trouves, tu m'éprouves, tu me le
prouve.
Je suis ta ruine."
Henri Michaux


Nous n’avons pas rêvées depuis des éternités. La nuit n’est qu’un halo lourd et sombre qui nous enveloppe et nous consomme de son ombre. Le sommeil n’est qu’une chape de plomb qui s’abat sur nos heures de veille, nous les vole et les offre aux ennemis déclarés du soleil.

Mais cette nuit, étrange… Nous nous sommes perdues dans un rêve argenté. Nos yeux se sont fermés, et, nous avons sombrées…
Nous errions dans les champs à cadavres de Vauboyen. La terre soupirait, et chaque expiration donnait naissance à une ombre.... C’est si beau de voir la terre enfanter ces fabuleux fantômes. Comme si la respiration d’une planète offrait la possibilité d’un être.
Et nous avancions, pur esprit parmi ces figures immobiles. Derrières nous, Lilith, Aude et Sarha, trois pauvres corps sans âmes, simples pantins dépendants de notre volonté.
La Lune nous suivait, évoluant lentement, avec ce regard bienveillant et triste qu’elle pose sur ceux qu’elle sait être de ses enfants. Il n’y avait comme bruit que les souffles du sol créateur, ses murmures, ses frissonnements, toutes ces petites prières.
A l’instant même où nous trouvions notre route, le Vent a senti notre présence. Il balayait les étendues rases, menaçant de disperser notre âme froissée. C’est alors qu’est arrivé le vertige. Réintégrer un corps, s’écrouler dans le chemin boueux, s’agripper de toutes ses forces dans l’espoir que cette spirale va quitter notre tête. Cela fait si mal…

Puis le vent a disparu. Le cyclone sous notre crane s’est dissipé. Les lieux avaient changés. Ici, plus de fantômes, plus de paysages usés. Mais la mer partout, à volonté. Un vrai, un bel havre de paix. Sur un panneau ensoleillé, on pouvait lire : « Baie des Anges ». Le nom était bien choisit, on se serait cru au Paradis. Sur un muret de pierre, un moine était assis, qui lisait son bréviaire. Nous ne distinguions que son dos maigre, sa bure grossière et une épaisse ceinture de corde. Son visage nous était caché par la capuche de son habit. Puis il a prit la parole, ce vieil homme. Sa voix fanée s’envolait, et nous avons eu la plus grande des peines à saisir les mots quant ils passaient. L’un d’eux s’est noyé, l’autre s’est accroché au mât d’un petit voilier. Mais en les disposant sur le muret, nous avons réussit à les assembler : « L’… a fait de vous une telle folle… Prenez conscience, et vous …enfin à faire preuve de sagesse. » Nous avons essayé de les articuler, pour demander les mots égarés au pieu religieux. Nous n’aurions pas dû. Ce son fugace salit le silence. Et le vent retrouva notre trace.
De nouveau la tornade, de nouveau ce choc rugueux, étendue au sol. Et du sable, dans la bouche, dans les yeux, à en mourir étouffé, comme pour nous punir d’avoir visité ce lieu sacré, comme pour nous châtier d’avoir violé ce silence imposé.

C’est au sommet d’une montagne que nous nous sommes relevées. Seules… Les filles s’étaient évaporées. Nous n’avions nul autre choix pour descendre que de nous jeter dans le vide, et de nous envoler. Nous nous sommes jetées. Nos ailes disloquées ne se sont pas déployées. Rien de plus triste qu’un ange blessé, et qui sur terre va s’écraser. La chute a duré si longtemps. Nous avons pu tout ressentir, même notre éveil. Et de notre gorge se sont élevés les doux sanglots d’une âme qui souffre, mais qui n’éprouve pas de repentir.
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#6
2008 (à confirmer)
Paris (sans doute)

« Ne lui dit pas, déjà viennent Fièvres et Sangs,
Mes Sages... Mésanges... Nul Message à Mes Anges
Nul vœux, nul aveux pour l'Etre se sachant Innocent,
Ne lui dit pas, Elle change et nul là, ne la dérange. »
Un poète

*
Ils ont augmenté le traitement. Toutes ces petites choses noires sur notre front…. Ça fais si mal, arrêtez, n’appuyiez plus sur ce bouton, vous allez nous achever. Notre âme à la renverse, à chaque impulsion. Nous qui pensions que ces procédés barbares appartenaient au passé.
Des traces, sur notre peau. Ils veulent nous rendre laide.

*

Les filles se sont enfuient. Dès le premier choc, elles sont parties. Nous les avons vue, qui nous regardaient derrière la vitre *Eclair* L’une d’elle souriait *Eclair* Elles ont tourné le dos *Eclair* Adieu. Et nous sommes restées seule, en pleurs, attendant le grondement du tonnerre.

*

Les membres de l’Astral nous ont envoyé un paquet. Nous sommes touchées. Jolie Joye, pardon, mais nous ne nous évaderons pas. A quoi bon lutter ? Ils sont réussis n’est ce pas ? Elles ne sont plus là. Même leur noms se sont échappés. Comment allez-vous prendre ce départ ? Vous qui sembliez les apprécier… Ne pas se laisser abattre. Nous allons les retrouver.
Ils ont laissé passer le Whisky. Mais ils ne commettront plus cette erreur. Nous l’avons bu, en entier, avant d’aller nous faire électrocuter. Ces vapeurs alcoolisés, quel délice… Les électrodes n’ont plus été un supplice. Elles envoyaient une lumière douloureuse, mais qu’importe. Puis un trou noir… les infirmiers qui nous emportent… Boire, encore, toujours, puisque cela nous réconforte…
Lumière Noire, si tu savais combien ta plume nous a touchée. Elle apaise notre front brulé, et, douce caresse, notre détresse.

*

Une étudiante est venue nous observer ce matin. Une petite blonde, qui avait sans doute un peu peur. Mais quand elle nous a vu, elle a sursauté. Et elle a sourit, légèrement. Elle semblait nous connaitre. Puis elle nous a expliqué doucement que c’était pour son école, qu’elle devait prendre des notes, que nous avions le droit de refuser… Qu’importe, elle n’est pas la première, et le sera pas la dernière. Au moins ai-je quelqu’un a qui parler.


Ainsi donc, vous étudiez la psychologie ?
Mais soigner et guérir, ça n’est qu’une utopie.
Regardez les tous, traînant tristement leurs folies…
Il n’y a rien … rien qui puisse changer ici.

… Et bien… Je ne cherche pas à guérir… Enfin… je… (Elle a pris une feuille dans son cahier, l’a déchiré en deux et a posé les lambeaux de papier sur la table.) … Je cherche juste un moyen de recoller les morceaux… c’est parfois suffisant….

Elle avait trouvé la solution. Elle la tenait dans ses petites mains tremblantes…

Lambeaux l’an beaux pas plier papier papa piller pi les limbes haut coller coller coller recoller rococo olé lambeaux de papiers…
Il nous faut du scotch…
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