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De la mécanique du néant.
#1
«
Catherine,
Mon ange, je voulais vous remercier pour cette lettre d’adieu que vous m’aviez envoyé.
Je sais votre réalisme et votre constance.
Mais voyez vous, il m’est impossible de satisfaire Morphée avec délicatesse si je ne vous ai pas couvertes de milles bonsoirs, ni en m’assurant d’une caresse volée de la bravoure de votre si fragile santé.
Aussi, permettez-moi de vous dire à quel point je me languis de votre visage…

Et en vérité, il me reste si peu de mots.

J’ai l’impression de les avoir tous oublier à force de les noyer dans l’océan de confusion que provoque en moi votre souvenir.
Catherine, combien ais je perdu en me séparant de vous de si atroce manière ? De si féroce manière…
Et combien je saigne de ne pouvoir en face m’excuser. Je sais mes tords et ceux de mon cœur, mais plus encore je reconnais ma terrible négligence.

Trop public, il n’y a d’amour que dans les secrets pour les gens de notre condition, et je n’ai su tenir ma langue car à l’époque, naïf, je croyais en la confiance.
Trop pudique, combien de fois encore verrais je mon regard et mon cœur désolés de n’avoir su retenir vos lèvres plus longtemps contre les miennes alors même que nous nous savions découverts. A mourir, par dieu ! Autant mourir heureux !
Trop maudites, ma réputation et mon âme, que j’avais jetées à vos pieds comme on consent à remettre sa vie dans l’attention de christ au jour de l’échafaud. J’aurais tant aimé naître palefrenier ou simple manœuvre. Mais me voici l’ainé de la famille, et à ma condition, je dois notre malheur.

Mon adorée.
Il ne me reste que ce que je couche sur ce papier ce soir.
Et je vous l’offre de bonne grâce sans assurance que vous le lirez vraiment. Mais je me gargarise d’optimisme et forcerai le destin autant que je le pourrai afin que mes sentiments, à défaut d’effleurer une fois encore cette peau blanche dont les réminiscences m’enivrent toujours, vous parviennent pour ce qu’ils sont…Sincères et affolés.

Catherine, j’épuise le peu de mots et de temps qu’il me reste.

Sachez que je consens à vous libérer de moi de la plus triste manière.
Demain, je ne serai plus, dénoncé par notre père.

J’étouffe de vous avoir perdu.
Je me meurs déjà de votre absence.
Mais je me réjouis de la vie que vous referez, et je le sais, veillerait sur vous.

Adieu donc ma mie.
A jamais mon amour.

Je vous embrasse et vous espère heureuse.
Votre frère,

Caleb
»


Le lige de l’enfer, assis contre la roue de la voiture finissait de relire le vieux papier chiffonné qu’il avait tiré de sa veste.
Il en renifla la senteur ancienne, celle des siècles passés.
Et il la considéra à nouveau, une nouvelle fois.

Dans les brumes du crépuscule depuis longtemps passé d’Immac sous les ombres d’un bâtiment, le démon de kronos porta la main à son cœur pour le serrer, l’étouffer et le défaire.

Mais rien de ce qu’il pouvait entreprendre ne ferait réagir la mécanique insensible de ce qui remplaçait son âme.
Il n’éprouvait rien.

- Hier encore murmura t-il, j’enviais l’absence d’existence du néant. Et maintenant, j’aimerai me souvenir d’avoir existé.

La vitre électrique au dessus de lui se baissa et un visage s’extirpa du véhicule.
Une bulle de chewing gum gonfla jusqu’à éclater en milles morceaux gelés, parant les cheveux onyx de Caleb d’une neige rose.

- Qu’est ce que c’est demanda Madra, infante du seigneur Crocell.

Caleb chiffonna la lettre et la jeta dans le caniveau qui coulait non loin de lui.

- Rien, une lettre qui n’ai jamais parvenu à sa destinataire.

Il regarda une dernière fois la lettre, alors qu’elle était emportée par les eaux croupies vers une unique destination : l’oubli.
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