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Pauvre, pauvre Kipsy...
#1
Kipsy n'avait pas de chance, non vraiment, il n'avait pas de chance. A peine incarné, il avait mis les pieds dans le plat : littéralement ! Il devait faire serveur lors d'un banquet de l'ambassade de France à Washington, et au moment de servir, la soupière de potage s'était renversée. Il avait bien vu que le tapis était épais et casse-gueule. Or, son boss du moment, un Capitaine d'Andromalius, était sur la trajectoire du liquide graisseux, discutant gentiment avec une supposée espionne à la solde d'Ange. Il avait alors essayé, dans l'urgence, de lui lancer une peur bleue afin d'éviter de salir le bel uniforme de la Navy (faux certainement) avec lequel le Capitaine séduisait à tour de bras...

Mais le pouvoir ne s'était pas activé comme prévu et l'espace d'un instant, sa vision de la salle à manger richement décorée s'était changée en un vide immense, froid et terrifiant. Bref, la soupe arriva droit sur la tête du Capitaine et lui, Kipsy, prit ses jambes à son cou en hurlant au moment du discours de l'invitée d'honneur, la secrétaire aux affaires étrangères des Etats-Unis d'Amérique.

Les temps qui suivirent ne furent pas gais, non vraiment pas gais. Il fut accusé de trahison et soumis aux sévices les plus affreux. Cette periode semblait entourée d'un halo opaque dans la partie de son cerveau conservant ses souvenirs. Puis hier, il fut ré-affecté, changé de service : il avait reçu une lettre lui ordonnant de se présenter au Bureau AM21 sans tarder.

Kipsy n'était pas beau, non vraiment pas beau. Il était de petite taille et avait du mal à se redresser complètement, cela accentuait encore l'air maladif que lui donnait sa peau très pâle, parsemée de tâches brunes dont la plus grosse lui mangeait la moitié de la joue gauche. Mais il avait de jolis yeux, oui vraiment, on lui avait déjà dit plusieurs fois, des yeux bleus-verts avec des lamelles dorées du plus bel effet. Kipsy était très fier de ses yeux.

Il frappa donc deux coups secs à la porte portant l'inscription BAM21. Un molosse d'au moins 2 mètres lui ouvrit, il lui présenta la lettre et celui-ci lui fit signe d'attendre. Il revint queques instants plus tard, lui intimant l'ordre de le suivre. Après l'avoir conduit au bout d'un interminable couloir, il lui indiqua une porte et repartit dans le sens inverse, laissant notre infortuné héros seul.

Kipsy frappa deux coups secs, une nouvelle fois, mais ne reçut aucune réponse. Après un instant, il poussa la porte d'un geste hésitant. Il découvrit une immense salle très sombre, oui vraiment très sombre. Faisant quelques pas, il apperçut une sorte de comptoir avec des étagères marquées de numéros, et d'étranges lumières qui apparaissaient furtivement dans l'immense espace noir de la salle. Alors que, tel un touriste parisien dans les rues ds Marakech, il tournait la tête de tous les côtés, il se retrouva soudain face à un personnage pour le moins énergique.

Ha oui, vraiment il était très énergique, il parlait vite, bougeait vite, clignait des yeux et agitait les mains à une vitesse qui, au bout de 3 secondes fit germer une migraine atroce dans le crâne du pauvre Kipsy.

- Ha c'toi le nouveau A.T.A.M. ?!! Ha! j'vois qu't'es prêt ... on va commencer ... j'vais t'expliquer.

Avant même que Kipsy n'ait pu répondre il le prennait par le bras et l'emmenait vers les ténèbres.

- Alors là, tu vois, quand t'entend l'signal sonore, tu mattes le numéro, puis tu vas chercher l'objet qui correspond au numéro. Ensuite, tu le glisses dans le tiroir là-bas... Oui oui, celui qui traîne tout seul dans son coin... et pouf, c'est fini. Par contre, tu retires vite fait ta main hein !!

- Ah... Euh.. J'crois qu'j'ai compris chef. répondit Kipsy

- Ah, c'est bien ça. Alors, je récapitule : t'as sous ta responsabilité 37 armes de tir maudites, 46 maudites indépendantes, et quelques trucs bizarres qu'tu toucheras pas. T'es gentil, dès qu'ça fait Bingow t'as 21 secondes pour aller chercher c'qu'on te demande.

- Pourquoi 21 secondes maître ? réussit-il à demander.

- Je t'expliquerai pas... Mais, faut qu'tu mettes moins de 21 secondes, sinon ils vont pas être content. C'est que généralement, quand ça fait Bingow, ils sont pressés là bas.

- Et ce tiroir là maître ?

- Ah, ça... tu touches pas, c'est vers d'autres marches. Compris ? Bon, tu commences le boulot dans 10 secondes. Allez, bye.

Et l'étrange personnage disparut soudainement vers d'autres pénombres adjacentes.

- Au revoir maîtreuh. fit Kipsy doucement.

Quelques secondes, puis:

BINGOOWWW !! BIN-GOW !! 'NGOOOOOWWWW !!
BINGOOOWWWW !!

Malheureusement, trop de numéros pour le pauvre Kipsy...
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#2
La salle de contrôle du Bureau Angélique de Support Logistique bourdonnait doucement, la grande pièce en hémicycle baignée d'une douce lumière bleue... A cette heure, peu de serviteurs étaient présents, mais le chef de quart trônait à son poste dominant la salle, face à l'immense écran intangible où de nombreux rapports s'alignaient et où d'innombrables points décrivaient des trajectoires complexes.

Pierétus avait pris son poste deux heures auparavant, et il ôta, d'un geste calculé, ses épaisses lunettes à la monture d'écailles afin de frotter ses yeux certainement irrités par les rapports des quarts précedents qu'il venait de lire. Il avait pris l'habitude, en fait si l'on comptait l'eternité que cela représente, il faudrait plutôt dire : la "tradition", de se faire une petite collation après quelques heures de travail. Il se dirigea donc vers la salle de repos et ouvrit le réfrigérateur pour en sortir deux bananes et une boîte de crème au chocolat. Il découpait délicatement, en tranches pas trop fines, les bananes afin que la crème, une fois versée, recouvre complètement le fruit, lorsque l'alarme retentit.

Pierétus lâcha un juron, que la bienséance nous interdit de vous rapporter, et se précipita vers la salle de contrôle. Sur l'écran géant, six points rouges bien visibles semblaient décrire des trajectoires à la forme totalement differente de leurs homologues bleus. Pierétus fit une petite grimace, se gratta le crâne déjà sévèrement dégarni et réajusta ses épaisses lunettes sur son nez. Il descendit lentement les gradins vers ses collaborateurs, certains arrivant encore au pas de course, ayant entendu l'alarme. D'une voix douce, car il n'aimait pas crier, il énnonça les ordres :

- Améraous, il nous faut les traces des paquets d'authentification de ces dernières heures et savoir si ces ... trucs ... ont surchargé des méthodes !
- Azi, tu as dix minutes pour savoir si des tâches ont été activées dans le secteur et par qui !
- Oceamien, tu me compulses toutes les archives disponibles sur le secteur et aussi sur le générateur de meta-ordonnancement qui avait été demandé par Dominique, si je me souviens bien.
- Horaupe, tu contactes le boss et tu lui dis qu'on a un problème et que je le rappellerai dans un quart d'heure.
- Améstralie, tu fais du café pour tout le monde car j'en vois certains qui n'ont pas l'air encore bien réveillés ... et si tu pouvais aller ranger dans le réfrigérateur, la coupelle dans la salle détente ... tu serais un ange.

Il sourit et tourna le dos pour remonter vers son poste. Une demi-heure plus tard, il décrocha son téléphone afin de rendre compte à Sonazart, Maître des Messages Officiels, son supérieur direct.
- Maître, nous avons enregistré quelque chose d'étrange.
- Que voulez-vous dire Pierétus, rien n'est étrange sous l'oeil de notre Seigneur.
- Maître, des objet maudits sont entrés dans nos marches puis certains en sont sortis, puis d'autres sont ré-entrés sous forme bénies, puis elles ont toutes changé de marche et seules ...
- Ange Pierétus, attendez ... combien avez-vous d'erreurs ?
- Six mon maître ... nous en avons six.
- Bien ... et savez-vous où sont ces erreurs maintenant ?
- Oui mon maître ... elles sont à ...
- Je ne veux pas le savoir ... vous savez ce qu'il vous reste à faire.

Et Sonazart raccroche.
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#3
Dans le journal quotidien d'Immac-sur-sable, on peut lire, aujourd'hui :

[Image: article21tm.jpg]
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#4
Aujourd'hui, dans les faits divers du journal régional, on peut lire :

[Image: article32ky.jpg]
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#5
Le soleil se couchait à l'ouest de la ville, donnant au ciel une couleur tellement agréable pour les yeux... Du haut de la tour Sud de la basilique, les toits de tuiles amplifiaient la lumière rasante réhaussée par les rubans verts et bleus des deux fleuves et de leurs quais bordés d'arbres.

- A cette heure, mortels et immortels se rejoignent pour rendre grâce à la vie ! dit tout haut un homme brun, de taille moyenne, habillé d'un imperméable beige, ample, flottant dans le vent du Sud.

Lorsque les derniers rayons se trouvent cachés par les collines, il disparaît soudainement pour réapparaître dans un bureau, quelques mètres plus bas, en centre ville. Par la fenêtre on peut voir la tour où il se tenait l'instant d'avant. Dans la pièce, richement décorée de plusieurs vieux papyrus colorés sous leur protections de verre, dans un coin, une stèle de calcaire, admirablement préservée, est gravée de signes cunéiformes de Mésopotamie, et à l'opposé, un écran plasma d'une bonne largeur affiche des motifs psychédéliques mouvants.

Sonazart, Maître des Messages Officiels enlève son imperméable pour le poser sur une chaise de bois sculptée. D'un holster de cuir finement travaillé qu'il porte au coté gauche, il sort un petit communicateur de haute technologie. Il le pose sur le meuble Louis XVI, sous l'écran plat, qui arrête alors d'afficher des formes de couleurs entrelacées pour un fond bleu. Il ouvre les portes d'un buffet d'acajou réhaussé d'ébène et en sort un verre dans lequel il verse une bonne dose de Porto roux de 35 ans d'âge. L'écran affiche soudain une image et une voix se fait entendre :

- Oui ?

- Poste ! Comment vas-tu ? lance Sonazart en se plaçant en face de l'écran.

- Sony ! Quelle surprise ! comment vas-tu ?

- Plutôt bien, surtout depuis que de bonnes nouvelles me sont parvenues en provenance du coin paumé où tu as trouvé refuge !

- Je ne fuis rien ! Ni personne, tu le sais Sony ?!

- Oui, je le sais Poste. Je tenais à te féliciter en personne. En fait, je te suis redevable !

- Ha !? Tu étais impliqué dans cette histoire d'armes magiques aux mains des humains ... cela ne m'étonne pas vraiment en fait ! et Maître Poste éclate de rire sur l'écran.

- Non ... tu me connais, je ne fais jamais rien à la légère !

- Justement ... justement.

- Hum ! En tout cas merci d'avoir récupéré ces erreurs aussi vite : les rougeauds n'y ont vu que du feu !

- Oui ... je commence à avoir une bonne équipe ...

- Tu viendras me voir bientôt ? Cela fait tellement longtemps.

- Oui ... Mais tu sais, moi les grandes villes ne me réussissent pas.

- Oui ... Si je trouve un instant je viendrais te rendre visite très prochainement: je te dois bien ça.

- Cela me ferait le plus grand plaisir Sony.

- En attendant, envoie mes plus grands remerciements à ton "équipe" ... mais discrètement bien sûr !

- Bien sûr ...

- A bientôt et encore merci.

- A bientôt Sony.
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