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Ian - Ian - 04-04-2007

"Mon pauvre Georges, si tu voyais ce que le monde est devenu, tu regretterais de m'avoir abandonnée..."

Gisèle, 82 ans, cimetière d'Immac.

"Depuis que tu es parti, rien n'est plus comme avant. Je ne me sens plus en sécurité nulle part. Les gens sont comme devenus fous. Les malfrats s'étripent à qui mieux mieux et la police ne fait rien. On entend tous les jours des coups de feu claquer dans les rues, parfois en plein jour, et la morgue n'est jamais vide."

La petite vieille soupire et vient caresser la pierre tombale. Du marbre rose. Un goût de chiottes, objectivement, mais c'était lui qui avait choisi, alors que dire ?
Elle aperçoit à côté d'elle un jeune... Enfin, jeune, par rapport à elle. Trente ans, peut-être. La peau mate. Encore un immigré. Si seulement ils pouvaient tous rentrer chez eux.
Pourquoi est-ce qu'il vient troubler sa méditation, accroupi qu'il est devant cette petite stèle.
Elle a encore de bons yeux, la petite Gisèle, malgré son âge. La plaque indique un nom : "Pauline Barnabé". Tiens, un nom bien français. Qu'est-ce qu'une fille comme ça a pu s'accoquiner avec un étranger ? Enfin, de nos jours, hein, rien ne va plus. C'était mieux avant.

On dirait une statue. Immobile, le visage fermé, les mains croisées sur ce petit chapelet. Un chapelet ! Lui, cette espèce de brute en treillis et rangers, à la tête qui fait penser à un démon, avec sa grosse cicatrice, là. Enfin, la grâce du seigneur peut toucher même les plus misérables.

L'homme laisse glisser ses doigts couverts d'une mitaine de cuir sur la surface lisse et froide de la pierre et se redresse enfin. Il tourne les talons, à regrets, semble t'il, et s'éloigne en petites foulées jusqu'à disparaître à l'angle du cimetière.

"Mon pauvre Georges... Ce monde va bien mal... mon pauvre Georges."


Ian - Ian - 04-04-2007

Le bruit des rangers qui martèlent le sentier de terre battue du petit bois d'Immac se répercute d'arbre en arbre dans les alentours et couvre le son ténu de la respiration de l'homme.

Pourquoi... ?

Le rythme cardiaque se stabilise, et le martèlement se fait plus régulier. La sensation d'entrer en lui même étreint l'ange, comme toujours après les cinq cent premiers mètres, comme toujours depuis mille trois cent ans. Certains ont besoin de méditer près d'une chute d'eau, d'autre de s'agenouiller dans une église, d'autres encore de tirer un coup. Lui, il a besoin de courir dans la forêt.

Pourquoi c'est si facile de faire tant de mal ? Pourquoi est-ce que cette... grmbl... arrive à les mettre tous dans son lit ? Ô, Michel, tu m'avais pas dit que ce serait comme ça... Je n'ai jamais craint la douleur, et je n'ai jamais craint l'ennemi. Je me suis toujours battu avec la fureur du Juste et la détermination que tu attendais de moi. Mais pourquoi m'imposes-tu ce genre d'épreuves ? Tu sais pourtant que mon coeur est faible...

Tu as déjà failli ?

Si seulement ça pouvait être toi qui me demandais ça... Non, je n'ai pas failli. Je n'ai pas failli mais à chaque fois qu'un frère ploie, c'est moi qui tombe à genoux. C'est trop facile de m'atteindre. Pourquoi m'as-tu envoyé ici ?

Rhuarc, Equinoxe, Gear... Combien d'autres ? J'ai rien pu faire pour alléger leur peine. Rien. Ils ont faibli, quelque chose s'est cassé en eux, et j'ai RIEN pu faire pour les soulager. Cette ville est rongée, elle nous ronge tous. Est-ce que ça veut dire qu'ils ont déjà gagné ?

Tu les laisserais gagner ?


La sueur perle sur son front alors qu'il accélère machinalement.

Merde, pourquoi t'es si loin ? Est-ce que tu me regardes ? Probablement pas, tu dois avoir d'autres trucs à foutre. Je sais pas me battre contre ça. Le seul talent que tu m'as donné, c'est celui de tuer. Oh, j'ai tellement voulu que la fureur divine s'abatte cette putain de nouvelle Sodome. Qu'est-ce qu'un foutu tueur peut faire contre tout ça ?

Pourtant, il y en a d'autres qui se battent avec acharnement, non ?

Dariel, Nyrielle, Joe... Est-ce qu'ils tiendront ? Est-ce que je vais pas les retrouver un soir, démolis à leur tour ? Est-ce qu'on va pas finir comme une bande d'âmes en peine ?

Putain, c'est tellement pas juste...


L'ange s'arrête en sentant soudain le bitûme sous ses pieds. Il reprend son souffle en jetant un regard aux allentours.

Immac sur sable : 17,5 km.

Il se remet à courir.


Ian - Ian - 04-22-2007

« Place des Terreaux. Correspondance Métro B. »

Un peu de Gohmorre à Immac, à moins que ça ne soit le contraire. Vingt trois heures. Jusque dans
ces entrailles estampillées DDE de la terre, on sent les pulsations rythmées qui émanent de la discothèque, nouvelle tour de Babel pour toute la communauté angélique, Babylone au milieu des Bas-Fonds, le repaire du Diable où la jeunesse se perd et où nuit après nuit, les disciples du Malin tissent leur toile...

Ian regarde la vitre du métro où son reflet se dessine péniblement à la lumière blafarde des néons de la rame. Le crâne rasé, une cicatrice à l'arcade, les traits burinés, un regard fatigué. Ne seraient-ce les ailes qui lui grattent le dos sous son blouson de cuir, il pourrait se demander ce qui le différencie en apparence d'un des redoutables baalites qu'il affronte plus souvent qu'à son tour dans les sombres ruelles de cette putain de nouvelle Sodome, comme il aime à l'appeler.

Il soupire et jette un regard aux deux jeunes femmes qui s'échangent de tendres regards au fond de la rame et communiquent par petits gestes.

Qu'est-ce qu'Ar-Uriel doit se sentir con, dans son incarnation féminine, face à sa Gaëya...

Il tourne la tête vers le reste de la rame où un homme vient d'entrer.

« Mars Comblain, identifié par la section comme une cible. Il a du culot de se pointer comme ça et d'approcher tout sourire, avec ses dents blanches et sa mine propre sur lui.

Il veut probablement aller draguer les deux nenettes du fond. Est-ce que je dois l'empêcher d'approcher ? Après tout, Ar-Uriel est l'ange le plus puissant d'Immac, il lui met une tronche quand il veut...
Pourquoi est-ce qu'il me parle ? J'ai rien à voir, moi... Il va encore me sortir le tissu de conneries habituel sur l'hypocrisie de l'Eglise.

...

J'ai la tête qui tourne. Ses paroles... Oh ces foutues paroles s'immiscent dans mon esprit. Quel enfoiré. Je suis comme paralysé... Je sais que je dois réagir, mais j'y arrive pas. Ce sourire... j'aurais l'impression d'être un monstre.

Il veut me tenter... je dois faire quelque chose, penser à quelque chose d'autre.

Ma foi est mon armure, le Seigneur est mon berger, rien ne saurait m'en détourner...

... Ca ne fonctionne pas.
Ma main est moite sur la crosse. Je n'arrive pas à lever le bras, à presser la queue détente. J'ai envie de courir, de me mettre à l'abri, de me soustraire à ces paroles qui m'affaiblissent.

Ca y est, il commence à me toucher... Non ! Arrête ! Dégage ! Râclure ! »

Alors que le sang lui bat les tempes et qu'il sent ses dernières forces le quitter, son regard trouble se pose sur une affiche représentant une jeune femme. Les traits et les courbes s'estompent et se modifient... une silhouette émerge du morceau de papier, baignée de lumière, un tendre sourire sur les lèvres.

« Toriah... »
Alors qu'il observe un sourire se peindre sur les lèvres de l'ange et que le démon jouit de la déchéance d'un nouveau serviteur de l'Agneau, il ne voit pas les phalanges gantées de cuir qui viennent s'abattre sur son arrête nasale et le faire reculer d'un mètre.

Et le Seigneur des Batailles contempla ses troupes et les exhorta...

Je sens mon bras se lever, le poids de l'arme dans ma main

« Vous ne faiblirez pas devant les séides du Malin ! »

Ce poids si familier, je peux sentir chaque pièce bénie sous mes doigts à travers du cuir, mon doigt nu se poser sur l'acier de la queue de détente

« Car vous êtes l'armée de Dieu, et votre bras sera sûr et sans crainte... »

La presson sur la queue relâche le ressort du percuteur qui vient frapper l'amorce. La poudre comprimée explose dans la chambre, éjecte l'ogive sacrée qui tournoie sous la pression des rayures du canon.

« Vous serez purs et justes, et le Mal ne vous atteindra pas, car vous serez guidés par votre loyauté et votre foi sans faille. »

Sa tête explose lorsque le plomb vient heurter son front, tandis qu'à un demi mètre la culasse recule, que l'extracteur éjecte l'étui vide hors de la chambre et qu'une nouvelle balle vient se glisser à sa place.

« Et vous ne craindrez pas la la Mort... »

Le recul se répand de la crosse à ma main, et de ma main à mon bras tandis que retombe le corps sans vie du Damné, le tintement de la douille touchant le sol me ramène à la réalité...

- « ... Car vous serez la Mort. »


Ian - Toriah - 04-22-2007

« A une des sorties du métro A »

Une jeune femme typée asiatique se presse et se hâte, encore maladroite dans sa nouvelle enveloppe corporelle. Elle n'est pas descendue depuis longtemps et ses nouveaux membres lui semblent encore un peu gourds, comme s'ils ne réagissaient pas aussi vite qu'elle leur en donne l'ordre.

Pour elle, il n'est qu'une tache floue qui marche plus lentement qu'elle dans son champ de vision, jusqu'à ce que sa silhouette voûtée lui fasse tourner la tête et se figer sur le trottoir. Cette silhouette tellement plus grande qu'elle, elle ne la connait que trop bien et la première chose qu'elle note, c'est quelques éclaboussures de sang sur ses vêtements, étrangement.

Tout ce temps, et il porte toujours la même enveloppe corporelle...

Hésitante, elle s'avance vers lui en tendant à demi sa main, comme si elle voulait le toucher pour s'assurer qu'il est réel, mais également comme si elle avait un peu peur de sa réaction.

"... Ian ? C'est toi ?"

Elle replie rapidement sa main vers son corps et l'occupe en glissant l'une de ses mèches noires derrière son oreille, d'un geste qui traduit clairement sa nervosité. Elle ne pense pas à s'identifier, non, mais quelque chose la trahit dans son langage corporel, dans la courbure en amande de ses yeux et dans la mobilité anxieuse de ses lèvres.

"... Je... J'ai eu du mal à redescendre, je suis désolée... Tu... Te souviens de moi ?"


Ian - Ian - 04-23-2007

Les couloirs sombres du métro, la borne de compostage... 2 euros le ticket, du vol... Sûrement un serviteur de Mammon qui gère les transports en commun de la ville... faudra penser à lui aérer le cerveau façon pruneaux, un de ces quatre.

L'air libre, enfin. La lumière limpide du matin éblouit l'ange qui cligne des yeux.

"Fait chier... mon t-shirt, il est complètement salopé. Faudra que je pense à me tenir plus loin la prochaine fois que je flinguerai quelqu'un."

Il marche d'un pas lent et arrive en vue de l'église. Une source d'eau claire dans une mare de boue, un filet d'air pur dans une chambre à gaz.

Une silhouette marche à sa rencontre, semble t'il. Il tourne la tête pour essayer de distinguer son petit ami derrière lui. Ses mots lui arrivent comme à travers un filtre. C'est bien à lui qu'elle s'adresse.

"Cette voix... Non, je rêve... C'est une blague."

Il se frotte les yeux et regarde. Toujours la même fille, toujours la même voix...

"... Je... J'ai eu du mal à redescendre, je suis désolée... Tu... Te souviens de moi ?"

Si l'amour est un match de boxe, Ian vient de se prendre l'uppercut de sa vie. Une mandale intersidérale. Trois tours dans son fûte sans toucher les bretelles. La baffe. Et c'est le souffle court et le visage stupéfait qu'il prononce son nom.

"...Toriah"

Le ciel s'éclaire, les petits oiseaux chantent et l'herbe pousse. Il a l'impression d'être dans une pub de yaourts allégés. Sa silhouette naturellement un peu voûtée par les ailes se redresse, tandis qu'un sourire vient démolir son visage de pierre façon secousse sismique puissance vachement beaucoup sur l'échelle de Richter.

Ses bras mûs par une volonté propre viennent enlacer l'angèle et la presser contre sa poitrine tandis que le serviteur de la mort goûte l'étrange sentiment de résurrection qui l'envahit.


Ian - Toriah - 04-23-2007

Tout d'un coup, un choeur angélique résonne dans la tête de Toriah, complet avec rayons de soleil, flonflons, violons et notes argentines d'une harpe, au point qu'elle serait tentée de tourner la tête pour savoir d'où ça vient si elle ne l'avait pas fourrée contre l'équivalent en muscles d'une tonnes de briques, à savoir un Ian aussi tendu que les relations France/Angleterre durant la guerre de 100 ans.

Elle étouffe un peu beaucoup aussi, vu que Ian la serre assez fort pour extirper son essence angélique de son enveloppe nouvellement acquise. Sa nervosité vole par une fenêtre toute métaphorique et elle se blottit contre lui en respirant son odeur comme elle peut, c'est à dire très peu, menaçant de tomber dans les pommes d'une seconde à l'autre et de leur coller la honte à tous les deux.

Avec un bon sens typiquement féminin, elle décide alors de mettre son incapacité à respirer à profit et l'embrasse comme elle crève d'ailleurs d'envie de le faire, ce qui est certainement la manière la plus constructive de manquer d'oxygène.